Lee Ranaldo
Between the Times and the Tides
Matador
États-Unis
Note : 8/10
On le connaissait pour sa légendaire Fender Jazzmaster. On le connaissait aussi pour ses enregistrements aux inspirations noise et no wave, mais jusqu’à la parution de Between the Times and the Tides, on pouvait encore sous-estimer son apport (inestimable) à cette masse sonore longtemps identifié sous le nom de Sonic Youth.
Avec cette première parution pop/rock, Lee Ranaldo se permet finalement de sortir de l’ombre du charismatique tandem Kim Gordon/Thurston Moore. Between the Times and the Tides vient nous convaincre de son statut de guitariste érudit. Outre cette capacité à électrifier ses idées, il vient aussi nous faire regretter sa mince contribution vocale (une dizaine de morceaux seulement) au sein du mythique groupe new yorkais.
Appuyé par un impressionnant personnel composé principalement de musiciens aguerris (Jim O’Rourke, Steve Shelley, John Medeski, Nels Cline et Alan Licht), le guitariste de 56 ans nous propose une dizaine de compositions développées au cours des dernières années. Des compositions dont les faiblesses (souvent les textes) sont compensées par une maîtrise soutenue des textures sonores, ainsi qu’une interprétation empreinte de vulnérabilité.
Le voyage débute sur Waiting on a Dream, pièce qui (encore une fois) démontre l’esprit fondateur de Ranaldo. On pourrait facilement y apposer la voix Kim Gordon, de façon que la pièce pourrait se glisser subtilement à des albums tels EVOL (SST 1986) ou Sister (SST 1987). Puisque l’on ne peut pas forger le son d’un groupe durant plus de 30 ans, sans que certaines manies ne se fassent ressentir dans nos autres sphères musicales.
Xtina As I Knew Her, pour sa part, pourrait se vouloir une suite logique à Karen Revisited, composition de Ranaldo qui se retrouvait sur Murray Street (DGC 2002), époque où le quatuor avait agrandi son cercle afin de faire place aux idées du multi-instrumentaliste et réalisateur Jim O’Rourke. Sur Hammer Blows, Ranaldo débranche sa six cordes et se lance dans une ballade qui pourrait bien plaire aux fans de Jack Rose ou Ben Chasny (eux qui pourrait difficilement nier l’impact du guitariste sur leur travail). Finalement, Fire Island (Phases) nous donne un aperçu de ce qu’aurait pu être une collaboration entre Stephen Malkmus et Sonic Youth. Du moins, une vision plus concrète que celle que l’on pouvait entendre sur le projet solo de Kim Gordon (Kim’s Bedroom, 2000).
Un effort plus que louable pour ce créateur intarissable, surtout maintenant que l’on sait que l’amour éternel n’existe plus…