Virgin
France
Note : 8,5/10
Dans le coin d’une classe, les visages impassibles et les yeux rivés vers une fenêtre donnant vers l’extérieur, les jeunes Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel étaient de ces élèves pour qui la lune était une piste d’atterrissage à l’imagination. Après des années de gribouillages dans des cahiers de notes, les pensées rêveuses de ces deux garçons sont devenues les sources d’inspiration des albums d’Air, un groupe de rock expérimental jouant un peu dans la dream-pop. Pour ces deux Français de Versailles, il était donc naturel qu’un jour ou l’autre la trame sonore d’un film fantastique comme Le voyage dans la lune de Georges Méliès – un court-métrage de science-fiction réalisé en 1902 – devienne un projet de disque.
Pour sa réédition couleur, le classique du réalisateur français George Méliès avait besoin d’une nouvelle trame sonore plus moderne et plus fantaisiste. Le duo Air, un groupe qui roule sa bosse depuis une quinzaine d’années, possédait une belle candidature au projet. Un touche-à-tout musical, Air est reconnu pour sa musique planante et expérimentale. Ce côté correspondait bien à l’imaginaire du cinéaste décédé en 1938. C’est donc sans peur que le duo a sorti guitare et piano pour se taper une excursion instrumentale au cœur de la lune de Méliès.
Il ne s’agit pas d’une première rencontre avec le cinéma pour Air. Le duo français avait composé la trame sonore du film The Virgin suicides – un long-métrage dramatique réalisé par Sofia Coppola en 1999 mettant en vedette une jeune Kirsten Dunst. Cette aventure en 8 mm s’était plutôt bien déroulée pour les Versaillais. Ces derniers avaient composé certains de leurs meilleurs morceaux pour le film. Le tube Playground Love est depuis un incontournable de leurs concerts. L’année après The Virgin Suicides, Air livrait un de leurs meilleurs disques 10,000 Hz Legend, un succès inégalé depuis par le groupe. Leur dernier disque Love 2, paru en 2009, avait d’ailleurs laissé plusieurs critiques et adeptes sur leur faim.
Avec Le voyage dans la lune, Air prouve pourtant qu’il est à son meilleur quand il est temps d’habiller des images à une mélodie. Le groupe revient à ses premiers amours de jeunesse et adopte un style de musique rêvasseur. Il a d’ailleurs invité la chanteuse Victoria Legrand du duo Beach House, un groupe de dream-pop, pour écrire et chanter les paroles de Seven Stars – un compte à rebours musical pour une navette partant vers la lune.
Une des raisons expliquant l’atterrissage parfait d’Air sur ce disque est sa volonté à prendre des risques. Ces dernières années, le duo s’était un tant soit peu détaché de son expérimentation au niveau des enchaînements musicaux. Par manque d’ambition ou d’inspiration, Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel composaient des pièces minimalistes qui exploitaient peu leur talent de musiciens. Il faut croire que Le voyage dans la lune leur a donné le goût d’essayer de nouvelles combinaisons musicales. Dans Cosmic Trip, des instruments à vent agrémentent des xylophones électroniques et des voix d’annonceurs. Le tout semble à la fois futuriste et un peu naïf.
Il aura fallu un projet comme Le voyage dans la lune pour que les Français d’Air se remettent à gribouiller des notes dans leurs cahiers. On est tenté de faire de même. Après quelques écoutes, on rêvasse nous aussi en regardant du coin de l’œil une fenêtre donnant sur les étoiles.