Columbia
Canada
Note : 8/10
Alliant un lyrisme qui lui est propre et une poésie truffée d’humour et d’ironie, le Montréalais Leonard Cohen nous revient avec Old Ideas, un douzième album pour le vétéran et une première parution en huit ans. La voix qui s’étale sur l’album telle une complainte est celle d’un homme de 77 ans ayant traversé les époques en barytonnant. C’est une voix profonde, des chansons dialoguées et une mélodie folk qui se joint progressivement à un blues jazzé. Certains diront que l’on ne peut qualifier cela de performance exceptionnelle vu le travestisme du chant en dialogue, mais c’est peut-être justement pour ça que la performance est si rarissime.
Old Ideas s’ouvre bellement et sarcastiquement sur Going Home : « I love to speak with Leonard/He’s a sportsman and a shepherd/He’s a lazy bastard/Living in a suit/But he does say what I tell him/Even though it isn’t welcome. » C’est une prouesse d’autodérision où visiblement le chanteur parle de lui à la troisième personne; une pièce qui donne le ton aux morceaux qui suivront. En vous attachant au blues ténébreux Amen, long de plus de sept minutes, vous comprendrez l’état d’esprit d’abandon dans lequel vous devez vous laisser porter afin d’apprécier cet album à sa juste valeur. La pièce la plus chantée, Show Me The Place arbore une poésie particulière où l’on se surprend à être ému par des paroles qui offrent pourtant une dose mesurée d’humour : « Show me the place, help me roll away the stone/Show me the place, I can’t move this thing alone/Show me the place where the word became a man/Show me the place where the suffering began. »
Sur Darkness, la présence des voix d’accompagnement se fait sentir avec beauté pour ajouter un peu de mouvement au dialogue continu du chanteur (collaboration de Sharon Robinson avec The Webb Sisters). Véritable conteur, Cohen vous raconte sur ce vieil album tout neuf, une vie triste et mélancolique, énigmatique et glauque. Cette vie est également très anecdotique dans Different Sides, Lullaby ou Anyhow, entre autres, où l’interprète propose une complainte de rupture dans laquelle il implore sa douce moitié, non pas de l’aimer, mais de le haïr moins. Crazy To Love You est un bon retour aux sources avec un simple accompagnement de guitare qui rappelle les premiers amours de Cohen avec beauté sur un texte extrêmement touchant. Come Healing est également une belle découverte, car le parolier laisse place à un chant symphonique performé par Dana Glover et donnant lieu à une phase de recueillement.
Le chansonnier canadien déploie avec un abandon absolu ses mémoires et idées noires au sujet de l’amour, de la mort et du temps. Old Ideas aurait pu être Les contes de Cohen. C’est un enregistrement à écouter sans tâches connexes et, préférablement les yeux fermés. Ce n’est pas le meilleur album de Leonard Cohen, mais qui ne s’assoirait pas un instant pour entendre les vieilles histoires d’un sage loufoque?