4AD
États-Unis
Note : 9/10
J’ai un préjugé complet sur les albums dont la pochette est composée du visage de l’artiste. Il me semble que, créativement parlant, cela constitue un vide visuel profond, comme si la couverture d’un disque ne constituait uniquement d’une espèce de vitrine publicitaire qui, lorsque le consommateur se rend chez le disquaire, pourrait intercepter la pupille de l’oeil et ainsi faire gonfler les ventes d’une manière indirecte et subtile. Ce qui est probablement le cas pour les «artistes» pantins de compagnies de production et d’autres groupes capitalistes pour qui l’art n’est qu’une manière de faire de l’argent et peut être exploitée et transformée pour se fonde aux besoin du marché.
Voilà pourquoi je n’ai pas écouté le deuxième album de St. Vincent dès le début, malgré toutes les bonnes critiques que j’ai pu lire. Arrangements géniaux, voix superbe d’accord, mais vous faites quoi de SA FACE PLANQUÉE SUR LA POCHETTE? Ça ne ment jamais! J’aurais dû réfléchir : un visage sur une pochette rime avec commercialisation de la musique lorsqu’il s’agit d’un produit et non d’une oeuvre d’art. Je me suis donc fait jouer un vilain tour, pour finalement me rendre compte que Actor est un album merveilleux.
Mon idée préconçue fut brisée dès la première chanson, «The Strangers». Chanson folk assez douce, dirigée par des arpèges de guitare acoustique et rythmée par une batterie basse synthétique battant chaque temps. Alternant entre chorales et sons plus classiques, la chanson explose à 2 minutes 33 secondes après un petit crescendo. Exploser est un bien grand mot. Disons plutôt qu’elle augmente d’intensité avec la guitare électrique, l’addition d’une vraie batterie et la mélodie désormais assurée par un espèce de violon artificiel. Surprise totale, la voix d’Annie Clark était suffisamment douce pour laisser croire que les compositions de son disque seront particulièrement basées sur ce fait.
Le son de l’album est principalement caractérisé par un mélange entre ce folk plutôt doux, un peu mignon et presque juvénile tellement il peut paraître naïf. Et si ce n’était que de ce simple côté-là, Actor consisterait en un simple album folk qui se flatte bien. Mais non. Pas pour Annie Clark. Pas pour St. Vincent.
«Actor Out of Work» constitue le meilleur exemple du deuxième visage que montre ce disque. Batterie presque militaire tapant un rythme continue comme une espèce de marche rapide sur fond de guitare électrique et de trompette/guitare modifiée par ordinateur troublante et montées vocales lors du refrain faisant contre-poids aux «I think I love you / I think I’m mad» répétés.
«Black Rainbow» suit et contient des mélanges entre cordes, cuivres et flûte à bec évoluant tout en douceur vers le ciel. Mais une petite sensation torturée se cache dans l’ombre et sort du sac un peu avant la 150e seconde de la chanson et se termine en un crescendo complètement épique et troublant mêlant, et ce à l’opposé total du reste de la chanson, violons captivants et douloureux et rythme agressif et violent tenus par les tambours et guitares. Et, comme pour conclure sur la chanson suivante, Annie déclare : «Just like amnesia I’m trying to get my senses back».
Ces surprises d’instrumentation pleuvent tout au long de l’écoute de Actor. On se surprend toujours des arrangements unissant moments de tendresse menés par la charmante voix de la jeune dame et agressions musicales presque héritées de Nine Inch Nails par moments. Cocktail rafraîchissant dans le monde où la pop baigne dans crasse de sa propre répétition. Le risque est mort! Vive le risque!
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