Entretien avec Jimmy Hunt
Par Émilie Bergeron
Fraîchement revenu d’une tournée sur la Côte-Nord, Jimmy Hunt s’est donné en spectacle dimanche dernier sur l’intime Scène des Arbres d’Osheaga. Dans une performance éclair de trente minutes, il a proposé des variantes parfois plus rock’n roll, mais toujours avec cette sensibilité folk.
L’ex-membre de la formation rock Chocolat peut difficilement trancher, à savoir s’il est plus folk que rock. Et puis d’abord, pourquoi faudrait-il avoir à choisir? Quoi qu’il en soit, tout de suite après sa performance, Jimmy Hunt paraissait parfaitement détendu et satisfait. Le grand gaillard, originaire de St-Nicolas, près de Québec, figurait parmi les quelques groupes francophones invités d’Osheaga 2011. «Peut-être bien que ça nous a attiré un nouveau public qui nous connait moins, un public plus anglophone, mais honnêtement je n’y pense pas trop.»
Chose certaine, les mots le passionnent, et ce, dans leur plus infime simplicité. «On dit souvent que le français est une langue complexe. Toutefois, c’est faux de penser que l’anglais est une langue plus appropriée en musique. Ce qui est intéressant, c’est de puiser dans la simplicité des mots, de trouver les formules courtes pour créer des images, signifier des choses. Et on peut très bien le faire en français.» Et en effet, bien des métaphores le prouvent dans les chansons de Jimmy, provoquant parfois des images loufoques et improbables.
L’autodidacte s’est toujours intéressé à la littérature. Ce qu’il lit? «Oh, un peu de tout. C’est temps-ci j’aime bien Christian Bobin. C’est un contemplateur.» Et il aime causer Jimmy Hunt. Il se laisse aller à s’adonner à la conversation, à paraphraser, à revenir sur ses mots, pour en choisir des plus justes.
«Je n’ai jamais vraiment composé en équipe. J’ai toujours été un peu dictateur, si on veut, dans ma façon de créer », rigole-t-il. Avant de quitter Chocolat pour poursuivre sa carrière en solo, Jimmy avait déjà auparavant fait un bout de chemin comme homme-orchestre. Et même avec Chocolat, c’est majoritairement seul qu’il composait les textes.
Musicalement, Jimmy Hunt est un autodidacte. Toutefois, il ne va pas s’en dire qu’il a tout de même son cheminement propre. « J’ai grandi en écoutant du Elvis Presley et du Ennio Morricone. Ça a toujours été une espèce de contradiction chez moi, cette fascination pour, d’un côté le rock, puis de l’autre la musique ambiante de film. » Puis, il a commencé en grattant la guitare. En vieillissant, il a suivi plusieurs artistes qui l’influenceront de près ou de loin. Entre autres Neil Young, Bob Dylan et même Jimi Hendrix. Une des rencontres déterminantes pour Jimmy Hunt fut sans doute celle de Fred Fortin. «Quand j’ai commencé à vraiment faire de la musique, c’était un des seuls à faire ça, chanter du folk en français, avec cette influence américaine.» On se rappelle notamment la mémorable rencontre musicale de l’un et de l’autre à Mange ta ville.
Il parle d’amour, il parle de femmes, il utilise des mots aussi simples que «je t’aime». Certains qualifieront ses chansons de l’ordre du kitsch. Or, plus on l’écoute, plus les nuances se dessinent. On comprend alors cette fausse candeur. « Dans toute forme d’art, ce qui est intéressant c’est de trouver la brèche, la limite qui fait qu’on ne peut pas classifier, qu’on ne peut pas dire c’est quoi exactement. Ce qui finalement capte l’attention.»
De toute façon, peut-on vraiment échapper au kitsch? Quoi qu’il en soit, Milan Kundera, dans un élan fataliste, écrivait : «Avant d’être oubliés, nous serons changés en kitsch. Le kitsch, c’est la station de correspondance entre l’être et l’oubli.»