On ne va pas se raconter d’histoires: les joueurs de balle molle ont la mine basse et les rumeurs de saison annulée nous brisent le cœur environ autant que lorsqu’on regarde des vidéos de familles qui visitent leurs aînés en CHSLD en les saluant à travers la fenêtre. C’est la raison pour laquelle j’ai ressenti l’appel d’une entrevue avec Simon Bolduc, mon chum de balle molle qui est aussi le gars derrière Bolduc Tout Croche. Avec son projet parallèle Balleduc, il sort chaque printemps un EP de balle pour lancer la saison des joueurs. J’étais inquiète, je me suis rendue à son balcon.
«Esti de COVID de cul», dit Bolduc bière à la main au sommet de son colimaçon.
Élise: Hey mon ami, c’est quoi ton état d’esprit en ce moment?
Simon: Je suis extrêmement privilégié et je pense à ceux qui le sont moins et ça, ça m’angoisse. Les personnes âgées surtout. Je m’occupe des personnes âgées, c’est ce que je fais dans la vie. Sont plus rebelles que nous, donc ils me stressent encore plus.
É: Est-ce que la situation actuelle contrecarre certains plans musicaux de ton côté? Notamment, moi, j’attendais avec impatience le prochain album de balle de Balleduc.
S: Il est fini, la pochette est faite. Il me manque juste à intégrer une couple de messages téléphoniques de mes quêteux de clopes dans une des tounes. Ceux qui me demandent toujours des cigarettes, au terrain, je leur ai fait enregistrer des affaires au téléphone. J’enregistre en ce moment la dernière toune qui s’appelle J’mange un petit quelque chose pis j’m’en viens.
É: Ça va tu sortir quand même, même si y’a pas de saison de balle?
S: Non parce que le but, c’est de souhaiter une bonne saison de balle à tout le monde. Si y’a pas de saison de balle, y’a pas de souhait. Par contre, je ferme pas la porte à une édition spéciale. Pour tous les artistes, c’est une drôle de période de création. C’est angoissant de voir le monde publier des choses, de voir qu’ils sont en train de créer dans des studios maison incroyables. J’ai arrêté d’aller à mon studio parce qu’il est pas chez nous. La situation nous met de la pression. C’est bizarre comme moment, ce qui en sort est nécessairement particulier. Je sais pas si je vais réussir à sortir quelque chose d’apocalyptique avec Balleduc. J’essaie de me discipliner, de faire 1-2 heures de guitare par jour pour m’améliorer, mais y’a ben du monde qui voient les autres aller pis ça les stresse à cause des stories de créativité incroyable.
É: Qu’est-ce que tu manges dans ton isolement?
S: Je mange ben!
É: Es-tu allé faire le fou à l’épicerie?
S: Non, mais on cuisine plus à la maison et on fait des grosses batchs. J’ai fait de la soupe aux pois. On mange ça une fois par année à la cabane a sucre, pis la on pourra pas, tsé.
É: C’est quoi le dernier show que tu as vu avant de ne plus avoir le droit d’en voir?
S: Katie Moore au URSA. C’était plein. C’est une des artistes de Montréal, dans le folk country, que j’aime le plus. Je vois tellement peu de show, mais celui-là m’a vraiment fait du bien et je suis content que ça ait été le dernier, surtout dans cette salle-là.
É: Laquelle de tes tounes réconforterait le monde en ce moment?
S: Le coup de vent. Elle m’avait mis en quarantaine en 2011, en grosse dépression durant quatre mois. Le master de l’album est sorti en même temps que je suis sorti de mon isolement.
É: C’est quoi l’album que t’écoutes en ce moment pour te faire du bien?
S: Je retourne à mes anciennes amours: le bon hardcore des années 2000. Quand Throwdown chante We Will Rise, je le sens que we will rise en esti le matin. Sinon, je me félicite, au grand désarroi de ma blonde, d’avoir stocké des albums de country à 1 $ et d’avoir gardé ça pour les temps sombres. Je passe à travers toute ma collection de country francophone.
É: Si tu pouvais faire un show n’importe où en ce moment, ça serait où?
S: Dans une vieille agora grecque. J’ai toujours rêvé de faire un show d’agora.
É: C’est qui la personne que t’as le plus hâte de serrer dans tes bras quand tu vas pouvoir aller plus proche que deux mètres?
S: Mon ami Michel. Je m’inquiète pour lui, je m’assure qu’il manque de rien. Il a eu des passes difficiles et j’ai hâte de pouvoir le voir.
É: C’est quoi la première affaire que tu vas faire quand tu vas pouvoir sortir?
S: Je vais aller pitcher la balle comme un malade. Et on va rapiécer les petites choses. En ce moment, je vais m’acheter de la bière, je reviens, je panique, je lave ma bière, je lave mon pain, je veux pas que de l’eau rentre dans mon pain parce que y’a rien de plus dégueulasse que ça. Pis quand tu laves une bière, à devient un peu chaude pis ça gâche toute. Après l’isolement on va rapiécer ça, retrouver le plaisir d’acheter un pain et de la bière sans les laver.
É: Ça serait quoi que tu nous dirais pour qu’on garde espoir?
S: C’est les 14 premières secondes de ça, mon message d’espoir, Élise: