Ce matin, Safia Nolin nous offrait son deuxième album de chansons originales en carrière. «Ça fait longtemps qu’il est fini, mais fallait que ça sorte à l’automne. Je fais juste des albums d’automne», dit Safia.
Entre Limoilou (2015) et Dans le noir, trois ans se sont écoulés, interrompus par Reprises Vol. 1 (2016). À quoi ça a servi de faire des covers? «C’est un double souffle, dit Safia, convaincue. J’ai pu rajouter des chansons dans mon show qui était court. Et dans mon registre de chanson folk il y a une gêne, une pudeur de ne pas vouloir être trop premier degré. Et en écoutant ces chansons mainstream, je me dis que, oui, c’est cheezy, mais qu’il y a toujours des phrases qui sont des perles au milieu de tout ça.»
Les trois dernières années ont mis Safia à l’épreuve. L’épreuve des #gens et l’épreuve des shows, de la scène, de la musique. «Cette fois-ci, j’ai pu me permettre de co-réaliser, de parler de nouveaux sujets tristes que je n’avais pas vécus avant, de faire un duo… je n’aurais jamais pu faire ça au premier album», énumère l’auteure-compositrice-interprète.
La rupture au sens large du terme nous berce du début à la fin, faisant de Safia notre guide à travers tout ce qui se brise. «C’était le sentiment le plus important pour moi. Que ce soit la rupture amoureuse, familiale, amicale, avec soi aussi.» Elle a exploré toutes les avenues possibles du mot comme on le trouve dans le dictionnaire. «Parlant de dictionnaire. L’autre jour, je suis allée à la friperie et un monsieur voulait me donner un dictionnaire de synonymes. Je sais pas si c’était gentil ou chien…», se rappelle Safia en riant.
Les gens qui lui font des «suggestions», elle a dû s’y habituer. Ça fait trois ans que tout le monde se permet de se prononcer sur ce qu’elle est et ce qu’elle représente. «Je suis allée voter cette semaine et une dame m’a dit: « bravo pour Tout le monde en parle. Tu vas t’améliorer! » J’ai répondu: « vous aussi! »»
«Une autre madame m’a dit « bravo pour Tout le monde en parle, mais vous devriez mettre une brassière. » J’ai répondu: vous, vous devriez l’enlever. On est tellement mieux.»
Si Dans le noir est réellement un album qui nous y plonge, dans la noirceur, c’est que les embuches n’ont pas été minuscules durant les dernières années. «La chose la plus difficile qu’on m’a dite, c’est quand j’ai dit qu’il fallait arrêter de violer les gens et qu’on m’a répondu « pas de danger que tu te fasses violer ». C’est pas grave par rapport à moi, mais par rapport au monde dans lequel on vit. C’est épouvantable.»
L’anxiété dont souffre Safia se trouve un peu partout à travers les autres thématiques de l’album. «Je pourrais aussi faire un album complet qui s’appellerait juste Anxiété», dit-elle.
L’étincelle qui s’est allumée pour que Dans le noir voit le jour, c’est une grande complicité avec Joseph Marchand et Philippe Brault. «Ils m’ont aidé à trouver un album dans mon fouillis. On a fait une pré-prod de trois jours. Je pouvais pas jouer mes tounes. On a écouté mes mémos, on a fait une liste, pis finalement j’en avais un, album.»
Les expériences et les aléas de la vie l’ont transportée sur les routes les moins faciles durant les trois dernières années. Et si elle pouvait conseiller la Safia de 2015 qui lançait innocemment Limoilou? «Bonne question! Je lui dirais «watch out, dors bien, ça va être intense. Prends le pas personnel.»
La neige ouvre l’album avec un univers imaginé dans la splendeur de Banff. Puis 1998 ne parle pas vraiment de 1998, mais c’est une année centrale où Safia érige ses souvenirs d’enfance. «Sans titre parle de mon père. Elle n’a pas de titre, parce que lui n’a pas de titre dans ma vie, il n’est pas là depuis 13 ans. J’ai fait cette chanson égoïstement. J’ai fait vivre des émotions mixtes à mes amis qui l’ont entendue. C’est intense parce qu’on y entend la voix de mon père.»
Musicalement, en tant qu’autodidacte, Safia admet qu’elle est en constante évolution. «Jospeh m’encadrait plus avant, oui.» Et, en guitare, elle se considère à combien sur 10? Comme disait l’autre madame, s’est-elle améliorée? «J’étais à 3, pis je suis rendue à 5 sur 10. Pour moi, c’est vraiment complexe, la guitare, et si tu veux me faire le meilleur compliment au monde, tu me dis que je suis bonne à la guit. Mais de pouvoir mimer Joseph, le regarder, jouer à côté, ça m’a énormément fait progresser.»
Au dernier gala de remise du Prix Polaris, Safia a décrit le talent inouï du pianiste Jean-Michel Blais, un gars qu’elle considère comme son ami. «J’aime full Jean-Miiiiiiii, dit-elle. On est devenus amis il y a un an et demi avec Twitter.» «Twitter?» «Oui, Twitter, je sais que c’est rare! Et après, on était aux mêmes places en Europe. On est allés à Notre-Dame-de-Paris ensemble. J’aimerais ça collaborer avec lui. Ça vaudrait la peine. Il est extrêmement bon et quand il joue live, il est transcendant. Il m’a fait à déjeuner l’autre jour. Il met du cream cheese en dessous de ses oeufs bénédictins. Bizarre, mais délicieux.»
Comme Safia utilise la musique pour extraire toutes les affaires moches de l’univers, on s’est dit qu’elle devrait devenir coach de vie.
Entrevue: coach de vie
– Quelle serait ta spécialité comme coach: l’intimidation. Une fille m’a déjà coupé les cheveux dans le dos à l’école.
– La meilleure réplique de défense que tu as utilisée: Vous-mêmes!
– Le meilleur conseil reçu que tu pourrais transmettre: Marie Carmen qui m’a dit que France Castel lui avait dit: «fais-toi confiance».
– Tu dirais quoi aux enfants qui se font intimider: ce n’est pas de ta faute, t’as pas le pouvoir de changer les autres. Y’a rien que tu vas dire qui va faire taire les autres. C’est beaucoup de pression sur les enfants de leur demander de faire taire les intimidateurs.
– Ton bureau serait où: entre la maison des filles et des gars de OD. Ils en ont bien besoin!
– Si t’étais la coach de vie de François Legault tu lui dirais quoi: Monsieur, je vous mets en arrêt de travail tout de suite.
– Ton aide-coach, ça serait qui: ma meilleure amie, Myriam-Sophie. Elle serait la coach des autres à travers moi.
Dans le noir est disponible partout.
Le lancement aura lieu le 18 octobre au Théâtre Fairmount.
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