Dans la vie, quand tu mets ton cadran à 5h30, c’est rare que tu trouves le moyen de te réveiller avant. C’est pourtant ce qui est arrivé jeudi matin des suites d’une trop grande excitation à partir vers l’Abitibi-Témiscamingue.
Par Alexandre Demers, Élise Jetté et François Larivière
Rassemble une couple d’adulescents dans un autobus voyageur direction le Festival de la Musique Émergente, c’est pas long qu’on dirait une classe de primaire en route vers la seule sortie non-éducative de l’année. Comme dirait Gros Big, avec 8h à faire, «la route est longue ». Mais l’attente en vaudra assurément le coup.
Sur la route, le moment-clé est certainement l’arrêt gastronomique au IGA de Mont-Laurier, un endroit où certains décident de manger du poulet pop corn et d’autres en profitent pour manger des crudités, sachant très bien que ça n’arrivera pas durant le reste du week-end.
On a aussi un gros faible pour la toilette du bus, un endroit qui nous donne l’impression de marcher sur la plage.
Un arrêt au Tim nous amène à être très confus. On comprend pas comment entrer, mais c’est peut-être à cause qu’on boit de la sangria depuis 7h.
Hubert Lenoir à l’Agora des Arts
Une fois à Rouyn, notre premier arrêt musical est l’Agora des Arts pour le show d’Hubert Lenoir. C’est dans une obscurité quasi-totale que la star québécoise de l’heure fait son entrée sur la scène sacrée et bénie des dieux chrétiens. Muni d’un swag collecté dans la meilleure des friperies québécoises, le jeune chanteur glam nous garnotte au visage le triptyque Fille de Personne avec l’assurance et la détermination d’un militant de La Meute (mais en bien, là).
En se pavanant comme un paon d’un bord à l’autre de la scène, il s’exécute avec fougue et précision en enchaînant les J.-C., Ton hôtel et Si on s’y mettait. Même Creed et Limp Bizkit s’invitent dans le setlist. Watatatow! La température monte encore d’un cran lorsqu’il invite ses convives à venir se déhancher à ses côtés. Le public a droit à des torses nus, des moves suaves qui feraient rougir la classe ecclésiastique. Ce qui se passe à Rouyn reste à Rouyn.
Le tout conclut avec Recommencer et quelques covers pas piqués des vers de Green Day et de Nirvana. Pour éteindre le feu, Hubert garroche sa bouteille d’eau qui a le malheur d’atterrir straight sur la console de son au fond de la salle. Quand technologie et H2O font bon ménage. Un coup de cœur en cette première journée.
Pierre Lapointe et les Beaux Sans-Cœur au Petit Théâtre du Vieux Noranda
À quelques rues de l’Agora des Arts, et après un pit stop aux enflammés Hôtesses d’Hilaire, on s’incruste sans remords dans le lineup de la toute première apparition publique de Pierre Lapointe et les Beaux Sans-Cœur au Petit Théâtre du Vieux Noranda.
Il faut dire que le mot s’était passé un peu partout dans la ville, puisque les condoms promotionnels à l’effigie du nouveau groupe éphémère de Pierre laissaient une odeur rubber dans tous les coins où ils sont passés sur le site du FME.
Dans un décor post-contemporain de flaflas, le groupe annonce l’arrivée de Pierre par le biais d’un décompte instrumental de dix minutes. Sous les cris de ses admirateurs, il arrive muni d’un one-piece blanc à franges qui rappelle un peu les belles années du Achy Breaky Dance. Le set de la soirée est livré avec enthousiasme, mais reçu avec une certaine ambivalence puisque tellement décalé par rapport à ce qu’il offre habituellement.
On le remarquera d’ailleurs avec la passivité de la foule qui doit composer avec toute cette extravagance à saveur garage ultra love, notamment au moment où Frannie de Random Recipe, dans l’esprit du concert, tentera de faire du bodysurfing qui lui vaudra une chute sur le sol au beau milieu de la foule éparse.
Une performance tout de même intéressante pour ceux qui avaient envie d’une bonne dose de kitsch rock!
La fin de soirée se passe au Bar des Chums, où l’on attend de remettre les pieds depuis un an. On chante Motel 117 d’Éric Lapointe, en hommage à la route qu’on a empruntée plus tôt. La perfo se passe bien malgré le fait que nous montions sur scène juste après Patrick Watson qui interprète Bohemian Rhapsody en chest.
Dans le bar, on trouve cette invitation qui nous donne envie de rester quelques jours de plus à Rouyn:
Et celle-ci, qui nous donne envie d’y rester pour toujours:
Le lendemain, c’est Bonsound qui fait en sorte qu’on sort du lit. On se rend à leur précieux pool party annuel mettant cette année en vedette Les Louanges qui sortira son album à la fin du mois de septembre. Arrivés sur place, les hot-dogs, le blé d’Inde et les conversations vitreuses s’enchaînent. Les Louanges vient mettre un baume sur les blessures de la veille. Oui madame, oui monsieur (on est inclusifs).
Les Louanges à la Maison Bonsound
Le déplacement en aura valu nettement la peine puisqu’on a droit en primeur à une bonne variété de nouvelles chansons issues de son album à venir La nuit est une panthère. On peut vous le confirmer en scoop: c’est prometteur! Le set tire à sa fin lorsque notre chanteur à casquette se lance sans crier gare dans la piscine probablement trop frette. Après tout, c’est peut-être pas le flash du siècle de se remettre aux amplis branchés après une petite baignade de champion. Yes sir (and miss too, we are inclusif in english also). La table était mise pour une bonne journée de spectacles.
La file était longue et sinueuse en cette fin d’après-midi devant l’Évolu-Son (fou mot-valise, dawg) pour assister à la représentation de Lydia Képinski en formule 5 à 7.
Lydia Képinski à la salle Évolu-Son
Dans une salle chargée à bloc, elle se promène d’abord furtivement dans la foule en chantant les premières minutes de Les routes indolores, ne se faisant même pas reconnaître par certains fans trop pressés d’aller se tailler une place au balcon. Pendant un instant, on se dit que peut-être qu’elle n’est pas venue, finalement. Belle image! Devant un public conquis, elle présente la majorité de ses chansons tirées de son premier album Premier juin.
Elle nous dit «si tu aimes Rouyn-Noranda, tape des mains», puis elle se ravise et annonce: «ça suffit le criss de camp de jour». Elle sera bien étonnée, également de s’apercevoir en gros plan sur l’écran derrière elle: «Ha ben criss», dira-t-elle en expérimentant la projection d’elle-même.
On a même droit à une savoureuse anecdote de pêche au brochet qui se termine par la mort tragique dudit poisson. Les émotions sont palpables, surtout lorsqu’on apprend que la performance aurait pu être avortée à cause d’une crevaison dans le parc de La Vérendrye: «On a frôlé la mort», dira-t-elle. Du début à la fin, elle est en symbiose avec la foule hypnotisée qui en redemande. Assurément un des points les plus forts de notre périple musical jusqu’à maintenant. Bravo beaucoup!
Choses Sauvages au Cabaret de la dernière chance
C’était jour de lancement pour Choses Sauvages qui a convaincu sans équivoque toute l’audience de sa pertinence et son originalité. En plus des multiples notes funk-rock-folk (combinaison à faire dans l’ordre de votre choix), le groupe a poppé pas mal de champagnette durant son set festif.
Parmi les citations mémorables, on compte celle du chanteur adressé à un spectateur ayant reçu un peu de mousseux «Mets ça dans ton café. Miam, un bon café aux bulles». Plus tard, lorsqu’il est dans la foule, un fan lui remet la monnaie de sa pièce avec une bonne douche du même produit. On peut dire (ou pas) que c’est un spectacle très hot où les fluides ont coulé à flots. Troisième spectacle consécutif de grande qualité en cette deuxième journée!
Basia Bulat et Jesse Mac Cormack à l’Agora des Arts
C’est une église pleine à craquer qui reçoit la plus-que-charmante Basia Bulat qui s’efforce de s’adresser à son public en français malgré son passé torontois. Seule avec une guitare et un piano, elle offre des versions épurées de ses chansons en demandant à la foule de traduire certaines expressions pour elle afin d’expliquer son état d’esprit: «Comment on dit homesick?»
Son interprétation sentie de La balade à Toronto de Jean Laloup réussira à conquérir tous les coeurs encore indécis, les spectateurs demeurant longtemps bouche bée sur les chaises et aussi assis par terre sur le vieux tapis sale.
C’est en formule full band que Jesse Mac Cormack lui succèdera, oscillant entre son rock chargé et ses pièces complètement nues, à la guitare ou au piano. Ça faisait longtemps qu’on l’avait vu et on s’ennuyait. «Je vous garroche tout ça de même, mais y’a un album qui s’en vient», nous dira-t-il, rassurant.
On poursuit notre soirée avec un arrêt à l’Audiobar d’Audiogram: une camionnette où l’on nous offre des drinks dans une ruelle. On nous y invite à collaborer au paiement d’un ticket, octroyé à la gang de la maison de disques dans le parc de La Vérendrye.
Soirée hip-hop (#1) et extincteur sur la scène Paramount
La queuleuleu est ensuite de mise devant le Paramount pour la soirée hip-hop qui a assurément fait courir la jeunesse rouynorandienne. Au programme, on annonçait Obia le Chef, Yes Mccan et Rymz. (Finalement, on n’aura eu qu’une bonne fraction de tout ça.)
Le grand chef de Montréal arrive sur scène avec un air posé et quelques problèmes techniques sur les premières notes de sa pièce Tous les jours. Rapidement, il entraîne la foule grâce aux efficaces ritournelles de Soufflette, son tout premier album à paraître sous l’étiquette locale 7ième Ciel. Malgré quelques étranges steppettes de son DJ, il garde le public en haleine pendant la bonne demi-heure qui lui était accordée. Gros props.
Attendu comme le messie, Yes McCan fait son entrée fleurs à la main et clope au bec. Probablement dans la volonté de créer un hype en momentum, il laisse le beat prendre les devants pendant de longues minutes. Une mise en scène déconcertante et plutôt particulière. Guy Debord serait fier. Il baptise son lancement avec la prestation en primeur de nouvelles pièces de son premier album solo OUI (tout, tout, tout, toutttte) sorti la journée même. Le public a même droit à un court solo de guit’ électrique livré pour la toute première fois de sa vie sur scène.
Parlant de première fois, un jeune hurluberlu s’improvise pompier volontaire en vidant un extincteur au parterre de la salle, une idée visiblement de marde qui contamine l’air ambiant et qui enveloppe la salle d’un épais nuage aux odeurs moyennement nice. «On est en train de nous gazer. C’est la rébellion!», lance McCan. Devant ce chaos créé de toutes pièces par certains membres de public, l’organisation arrête la performance, ouvre les lumières et évacue la salle. Shit is real!
À notre sortie, les ambulanciers et les policiers prennent le contrôle de la situation et bloquent la rue. Devant la foule en semi-délire entassée un peu partout dans les environs, un quidam annonce que la perfo de McCan se poursuit dans la ruelle arrière. (JF Ruel dans une ruelle, lolz) Sur le toit d’une grande fourgonnette, il rap à pleine gorge ses verses de Forêts.
Il lance ensuite à la foule «J’veux que les gars qui ont fait ce move là sachent que rien ne peut arrêter la musique!» et fait un parallèle avec les micro agressions que nous vivons au quotidien. Les spectateurs font ce qu’ils veulent avec cette affirmation. On a vécu tout, tout, tout, toutttte une gamme d’émotions mémorables pour une multitude de raisons!
Karkwatson à l’Agora des Arts
Après ce lot d’émotions fortes, on passe rapidement s’imprégner de la musique de Jésuslesfilles sur la scène Hydro-Québec, la scène où tu peux rien voir à moins d’être dans la première rangée, puis c’est le super-band de Karkwa et Patrick Watson qui occupe le reste de notre soirée.
Rapidement, on remarque que tous les membres du groupe sont vraiment contents de se voir. François Lafontaine donne d’ailleurs des petits becs dans le cou de Louis-Jean Cormier. Puis, ils perdent rapidement l’esprit et commencent à fumer sur scène comme s’il n’y avait pas de lendemain.
De son côté, Patrick est triste et/ou très concentré:
On apprécie le doux mélange des deux univers, mais on reste sur notre faim en ce qui concerne le nombre de pièces de Karwa, vraiment peu nombreuses. On rentre tranquillement pour aller se reposer après ce qui sera assurément la journée la plus chargée de notre périple. Le lendemain annonçait son lot d’excitation et, après tout, il fallait raviver notre feu intérieur éteint à la main par un extincteur.
Donzelle au bar Le Groove
C’est samedi! Et pour le festivalier à la recherche d’une proposition chargée en chorégraphies tights, en costumes flamboyants et en attitude très in-your-face, c’est au showcase de Donzelle qu’il faut se pointer! Pendant la durée de son set, elle transforme ce petit bar de coin de rue en un véritable temple du groove féministe, un exploit quand même notoire!
Pour appuyer le tout, elle livre son hymne Sticky boy contre les plaies de la société (et de nos vies) qui ne savent pas lorsqu’ils sont trop collants et insistants. Donzelle et son full team de danseuses incarnent également les chansons aux gros beats électros grâce à leur symbiose sur la piste de danse. Il faut dire que les changements de costumes (pour la plupart fait avec de la créativité et un peu de colle chaude) sont tous aussi saisissants.
On en voit de toutes les couleurs, mais principalement du orange, puisque la perfo de Donzelle coïncidait avec un rassemblement officiel de Québec Solidaire. GND s’est permis quelques pas de danse un peu stiff mais tout de même bien sentis. Quand les émotions prennent le dessus!
Soirée hip-hop (#2) et émotions vives à la scène extérieure Desjardins
C’est sur les premières notes de Zeya que le rappeur montréalais FouKi, accompagné de son savant beatmaker LeMichel Silencieux, vient brasser la grande scène extérieure Desjardins en début de soirée. Même si son premier album officiel Zay n’est sorti que depuis quelques mois, la foule monstre compacte, ben serrée, semble connaître tous les refrains par cœur des iii, playa et eau (pour ne nommer que ceux-là) tirés de ce projet.
Rouyn-Noranzay répond à l’appel à frais virés du Plateau Hess, et ça, c’est très beau! En plus de tout cela, il nous flippe en plein visage Kankan ainsi qu’un verse exclusif posé sur un beat de Busta Rhymes. C’est finalement sous l’éternel faux départ ne présageant aucun rappel (clin d’œil clin d’œil!) qu’il regagne la scène pour interpréter son hit Gayé devant une foule en extase. Gros props!
Le momentum de la soirée hip-hop arrive à un point culminant lorsque Loud, le nouveau messie du rap québ aux yeux d’un grand nombre d’admirateurs, fait son entrée sur la scène entre deux néons en feuilles de laurier en interprétant So Far So Good. C’est la nouvelle Beatlemania. Des larmes se versent autant chez certaines femmes que chez certains hommes. Visiblement lui-même fébrile d’être de retour au FME (et cette fois-ci, sur la grande scène en tant qu’artiste solo), il balance Nouveaux Riches, Hell What A View et TTTTT sous les cris des fans qui crient les rhymes à leur tour.
Malgré toute cette charge d’émotions, ce qui saisit le plus est assurément l’enthousiasme du DJ Ajust. Habituellement très silencieux, il est ici en mode hurlements trop crinqués et petits shots fired à quelques personnalités locales pour le bien du spectacle. «On n’est pas à un show de Jim Corcorran icitte!», lance-t-il à une certaine occasion. Entéka! Le set se conclut au bout d’une heure avec l’incontournable 56K qui agit en bonne et due forme à titre de mic drop métaphorique. Un moment mémorable!
Croisé dans la zone VIP, Louis-Philippe Gingras danse et s’amuse jusqu’à ce qu’il demande de s’adresser aux fans via la voix de Feu à volonté: «Loud, je te connais pas, pis je t’aime, mais caliss, tu arrêtes pas ton show parce que t’a pus de feu pour allumer ton bat. Ça se fait pas, Loud!»
Avant de se pitcher dans la nuit électro, on fait le détour vers la scène Paramount pour le show de Yonatan Gat, un spectacle qui se déroule au milieu de la salle et non sur scène. L’expérience est sensorielle et difficile à expliquer, mais sachez qu’on y a été béni en plusieurs langues et dialectes.
Le dimanche commence sur un stress de fin de festival: on a reçu une alerte de show secret de Fred Fortin, dans une chaloupe, au sommet d’une montagne. Comme les défis, ça nous fait pas peur, on part à la course pour trouver un taxi qui nous mènera à ladite montagne, le mont Kékéko, que, si tu le dis rapidement, on a l’impression que tu dis «ok, ok, cool».
32 $ plus tard, on entame la montée qui s’avère plus ardue qu’anticipée. Il fait chaud et humide, on est lendemain de brosse et on est en sandales. Après 35 minutes d’ascension, un quatre-roues transportant Fred Fortin descend le sentier: on a manqué le show. Impossible à dissuader, on monte encore 15 minutes pour voir le lieu du spectacle qu’on a raté. C’est beau en maudit.
On revient en ville sur le pouce, à la pluie, ampoules aux pieds et déception en primes.
Puis, on se relève à temps pour le 5 à 7 qui nous amène d’abord vers Qualité Motel. On ne reste là que le temps d’une chanson, car après 4 minutes, on est déjà mouillés comme si on s’était entassés dans un sauna du Bota Bota en manteau d’hiver.
Puis, on marche vers Le Cachottier où l’on aperçoit notre boy Marc-Antoine Larche, LARCHE, de son nom d’artiste, qui présente quelques pièces. On arrive juste à temps pour entendre la dernière toune et le rappel, une pièce qui sera sur un prochain EP actuellement en enregistrement.
Milk & Bone à l’Agora des Arts
Et c’est avec Milk and Bone qu’on finit notre FME. Les deux filles, dans le noir, offre étonnement leur premier show de FME à vie.
Tout le monde chante et tout le monde danse, à l’image de ce que nous avons vu pendant quatre jours à Rouyn. Ça fait plusieurs fois qu’on se tape l’aller-retour en bus pour aller vivre la musique au coeur d’une ville qui arrête de dormir le temps d’un week-end. Et même si c’est dur sur notre santé, on va revenir l’année prochaine! Merci FME!
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