Il y a quelque chose de très poétique dans le concept de pouvoir voir Boom Desjardins et Fouki dans le cadre du même évènement. La musique francophone étant une grande famille, les frontières peuvent tomber dans tous les sens si on prend le temps d’analyser.
Un même mot peut être crié sur une pièce post punk ou murmuré dans une interprétation piano-voix, ça reste le même mot. Et après tout, il n’y pas tellement de différence entre Boom qui parle de «crier ben fort pour pas s’décourager. Sortir ben tard juste pour voir le monde vibrer» et Fouki qui dit «Yeah on est bless bro so faut reach le best spot». Portrait de famille:
Angèle
Le périple commence mardi dernier alors qu’on nous impose un lien facile en jumelant les spectacles de l’étoile montante québécoise (Hubert Lenoir) et de l’étoile montante belge: Angèle. Accompagnée d’un drum électrique opéré par un homme qui tente de faire des chorégraphies de tête avec la chanteuse, elle s’exécute en première partie de celui que tout le monde attend. De son côté la sensation belge simule quelques notes sur un clavier puis elle démarre un beat préfabriqué pour mieux danser au centre de la scène. «T’aimes quand je danse?», demande-t-elle au Québec.
Après nous avoir décrit où se situe la Belgique sur une carte comme si c’était le Timor oriental, elle nous explique qu’elle aime écrire sur l’amour et aussi sur la jalousie à l’occasion. Des thèmes aux antipodes selon sa perception des choses.
Après un dur retour dans l’univers chorégraphique de 2000…
… c’est au tour d’Hubert Lenoir de venir saluer le public qui n’a mis que trois mois à l’aimer (ou l’haïr).
Hubert Lenoir
Voici les trois meilleures phrases entendues durant le spectacle:
«Je suis ben tanné que les matantes de CKOI soient pâmées dessus.» – Un gars au bout du rouleau
«Si je suce des queues ou pas, c’est pas de vos affaires» – Hubert Lenoir
«Video Kill The Radio Star» – Le batteur
Lors d’une pièce instrumentale, Hubert invite une dame de la foule à danser. Elle danse beaucoup mieux après qu’il lui ait donné un peu de bière.
Artiste de la chanson, mais aussi artiste du cirque, Hubert prouve que tout est dans tout en grimpant à mains nues au balcon. Au moins une dizaine de «matantes de CKOI» sont très inquiètes dans le Club Soda.
Daniel Bélanger
Comme le show d’Hubert s’est éternisé, on doit retarder notre arrivée au show extérieur de Daniel Bélanger. Comme on est derrière 20 000 personnes, Daniel est gros comme ça:
Ce gars-là s’était préparé à un grand mushpit qui n’a jamais eu lieu:
Tout le monde sait presque toutes les tounes par coeur, sauf un gars qui s’exclame: «y’a donc ben du texte dans ces chansons-là». Ça doit être un homme de peu de mots.
Ariane Zita
Deux jours de repos furent nécessaires pour me remettre de mes émotions d’avoir entendu Sèche tes pleurs en rappel. Je me présente donc vendredi pour le lancement d’Ariane Zita. Je me vide de mes larmes sur la chanson Île Dorval qui se trouve sur son nouvel EP J’espère que tu vas mieux.
Vous pouvez lire la critique de ce spectacle faite par Marielle, mais j’avais simplement envie de mentionner qu’il y avait du gâteau:
La Chicane
En route vers La Chicane, on est tellement exaltés qu’on se trompe entre la scène Loto-Québec et la scène Hydro-Québec (ÇA VA FAIRE LES SOCIÉTÉS D’ÉTAT!) et on trouve que Boom Desjardins a drôlement bien vieilli:
Avec audace, le groupe issu d’une époque révolue commence son show avec sa toune la plus récente qui ressasse les évènements forts des 20 dernières années. Comme dit mon voisin: «Faut pas être peureux pour commencer avec une toune dont tout le monde se calisse.»
Boom Desjardins présente tout le band en mettant l’accent sur les membres originaux qui sont encore là et sur ceux qui n’ont pas ce genre de mérite. Il nous avoue notamment que le gars qui est là, c’est pas le vrai bassiste. «C’est parce qu’Eric Maheu nous trompe avec Kaïn», dit-il.
Il y a tellement de jokes à faire avec cette phrase que je vais m’abstenir. You make it to easy, Boom.
Après le bras agité dans les airs et le «je lève ma bière! Me vois-tu?», il y a maintenant le «T’as juste à suivre mon écureuil duck tapé sur un bâton»:
Le show se poursuit en plusieurs actes, enchaînant les jokes de mononcles écrites, les intermèdes de chansons de Dany Bédar et les référents multiples au bon vieux temps:
«À l’époque les gens achetaient notre musique sur des cassettes.»
«En 1998, Musique Plus nous a décerné le titre de pire vidéoclip de tous les temps (pour la chanson Le Fil).»
«On va faire une toune du bon vieux temps: les Vilains Pingouins!»
Évidemment, le tout se termine par les gros hits qui se métamorphosent en karaoké en plein air.
Dead Obies
Pendant ce temps-là sur la scène principale, c’est Dead Obies qui remplit la Place des Festivals. Sur l’esplanade, l’échantillon de générations est aussi varié que l’échantillon de sortes de cannabis qu’on peut sentir.
Joe Rocca a opté pour le look veston-chest.
Et Snail Kid se promène sur scène avec son sac à dos. Il a peur de se faire voler son portefeuille… le monde du rap, c’est rempli de bums.
Après avoir inhalé les effluves voisines pendant quelques minutes, les projections visuelles sur scène ressemblent à une déclinaison d’organes génitaux féminins. À vous de juger:
À un moment, les boys sortent de scène pour boire du champagne et demandent au public, via les écrans géants, s’ils doivent revenir sur scène. À noter que Joe Rocca boit son Veuve Clicquot comme s’il ingérait du Jack.
En première rangée, les filles montrent leurs boules, créant des images qu’elles pourront regretter dans 8-10 ans. Il y a aussi Rosalie Vaillancourt qui fait des fuck you et des gens très forts qui font vivre une expérience sensorielle à cet homme en fauteuil roulant.
Fred Fortin
Le lendemain, samedi, Fred Fortin présente son show solo-homme-orchestre à L’Astral. Mes deux spectateurs favoris sont:
- Un gars assis avec son casque d’écoute qui vit un autre genre d’expérience auditive.
- Le gars fasciné qui ne comprend pas comment Fred peut jouer du drum avec ses pieds. «C’est impossible», répète-t-il pendant 90 minutes.
Il est interdit de prendre des photos durant le spectacle et même les journalistes doivent négocier avec la police (les boys de la sécurité) pour obtenir ce privilège. C’est toujours dans ce genre de spectacle super strict sur la non-captation d’images que quelqu’un finit par prendre une photo avec flash avec son Samsung Galaxy.
Comme le show est à 19h30, Fred nous parle de digestion post-souper, il nous avoue aussi avoir oublié son set list dans sa loge, mais rien de tout ça n’affecte sa prestation des plus fascinantes (demandez au gars qui comprend pas le concept du drum).
Vincent Vallières
Je décide d’assumer mon Sherby love et je vais faire un bref tour dehors pour le spectacle de Vincent Vallières qui est habillé plus propre que quand il faisait des shows dans la cafétéria du Cégep de Sherbrooke.
Devant la scène, le 450 au complet est réuni. Parmi eux, le classique gars qui tient la sacoche de sa blonde.
Rapkeb Allstarz
Mes Francos se terminent avec une brève apparition du côté de la grande scène pour le spectacle regroupant les stars du rap québécois. On y trouve un public similaire à celui de la veille pour Dead Obies, mais avec quelques personnes très croyantes, cette fois.
J’arrive juste à temps pour ne pas manquer le bon Fouki qui nous chante quelque chose de très Zay. Je suis très émue d’entendre la foule scander les paroles de la grosse toune Gayé. Le Fouki-love est palpable même si le premier album complet de l’artiste n’a que quelques mois de vie.
Puis Joe Rocca arrive un peu plus tard avec un joint de pot aussi gros qu’une saucisse italienne.
Snail Kid est toujours muni de son sac à dos (les bums).
Rymz est le plus reconnaissant-d’être-là/en-communion-avec-les-gens. Il est le seul à explorer les coins de la scène d’est en ouest pour dire coucou à tout le monde.
Le band qui accompagne tout le monde permet d’uniformiser les perfos, donnant un côté aseptisé à la chose. C’est réussi 50% du temps. Ayant reçu de nombreux reproches au préalable pour l’absence de femme sur le line up, le festival a su mettre un plaster sur le bobo en invitant Meryem Saci à chanter en marge de la scène sur presque toutes les tracks. Extrêmement efficaces à certains moments et étranges à d’autres moments, ses interventions vocales entrent, pour moi, dans la catégorie du «trop peu trop tard».
J’ai quitté le show avant la fin, les amis de Mike Shabb, à mes côtés, ayant grugé toute mon énergie avec leur joie immense de le voir sur scène, similaire à la joie de vivre de Marc Hervieux en général.
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