James Blake
James Blake
Universal Republic
Grande-Bretagne
Note : 8/10
Dans un flou artistique à l’image de sa musique, James Blake se présente sur la couverture de son premier album éponyme, le visage mué par l’expérience. Après trois excellents minialbums sortis en 2010, le jeune londonien livre une prestation sincère alliant les multiples facettes du dubstep au minimalisme d’un rock à la the XX.
Encore indéfini, le dubstep est un style musical représentatif de son époque. Fluctuant à mesure que les technologies se renouvèlent, le courant brise les étiquettes qu’on lui octroie en se camouflant dans toutes les faunes musicales actuelles. Les discothèques en sont férues et les producteurs tentant le genre sont de plus en plus nombreux. Motivés par l’essor du style, des artistes comme les discs jockeys Benga, Skream et Rusko ont transformé Londres, en l’espace de quelques années, en une grande pépinière de musiciens spécialisés dans le dub.
Âgé uniquement de 22 ans, James Blake a découvert le genre dans les discothèques de la City. Étudiant alors en musique, le jeune Anglais alterne sa vie entre les pistes de danse et les pistes sonores digitales de son ordinateur. Il sort en 2010 CMYK, un minialbum dubstep à saveur plus soul, lui attirant la sympathie de quelques compagnies de disques et de critiques comme Pitchfork. Sur son troisième opus Klavierwerke, James Blake ajoute sa voix ainsi que quelques harmonisations instrumentales à sa plume musicale.
C’est dans ce même opus que le londonien s’aventure sur une reprise de Limit To Your Love de la chanteuse canadienne Feist, l’interprète du succès 1234. La reprise fond les divers styles de l’artiste sous une même enseigne. Au son d’un piano, Blake chante tendrement la chanson avec une influence soul, rappelant les airs de Tracy Chapman et la voix de Justin Vernon. Il ajoute au morceau un clin d’œil dub se traduisant par un silence interrompu par une basse très grave amplifiant l’aspect dramatique de la pièce. La reprise s’est avérée importante pour la suite du cheminement de l’artiste, puisque sur son premier disque James Blake reprend la recette de Limit To Your Love et crée un album unique mélangeant soul et dub dans un flou artistique peu commun.
Unluck débute l’album avec une lente procession électronique. Les sons utilisés vont de claviers enivrants pour les oreilles sensibles à des rythmes de percussions saccadés influencés de dub. James Blake y chante de manière mélancolique, chose qu’il fera tout au long de l’opus. Il poursuit son blues sur la fascinante Wilhems Scream. Le titre de ce morceau vient du nom de l’extrait sonore d’un cri de mort ayant été utilisé à maintes reprises dans des scènes de films. Pour colorer l’image, James Blake utilise dans le morceau le son d’une goutte s’échouant dans le vide. « I don’t know about my love anymore, all that I know is that I’m fallin’, fallin’ fallin’, might as well fall in», chante-t-il au son de chaque goutte.
La pièce To Care (Like You) est le moment le plus expérimental de l’album. James Blake combine à nouveau ses talents de dub, mais cette fois dans une ambiance lugubre pouvant laisser quelques frissons au passage. Il modifie sa voix vers une tonalité aigüe et profite durant quelques silences pour harmoniser sa voix sans l’aide d’instruments ou d’extraits digitaux. L’expérience édifiante démontre tout le talent du jeune anglais. N’essoufflant jamais sa technique, il démarque autant sa voix que son génie musical.
Sur la compilation de dubstep Blow Your Head de Diplo, ex-époux et producteur de la chanteuse sri-lankaise M.I.A., James Blake est présenté comme une énigme. « Sa musique est unique, toutes les fois que je mets un de ses disques, je me surprends à découvrir le trajet musical qu’il emploie », affirme Diplo. Il est vrai que le londonien ne finit jamais de surprendre par ses harmonisations floues, mais fluides. Un peu à l’image de celui qui les conçoit.