OUGHT

Room Inside the World

Merge

***1/2

Dans les dernières années, ça a brassé pas mal pour Ought. À la suite de la sortie de l’excellent Sun Coming Down en 2015, on aura pu entendre un album solo du chanteur Tim Darcy et apprendre le départ du groupe de l’étiquette locale Constellation Records pour transiger vers Merge aux États-Unis. Des gros évènements qui paraissent justement sur Room Inside the World, un album profondément marqué par des changements philosophiques face à la musique et le travail de composition.

Si les premières parutions d’Ought s’inscrivaient très bien dans l’esthétique de Constellation, maison à vocation post-rock et expérimentale, la nouvelle parution du quatuor déconcerte. Exit les compositions lentes et vindicatives d’avant-garde qui rappelaient autant Sonic Youth que les Velvet Underground: les deux ou trois dernières années en musique sont marquées par un inévitable retour nostalgique à la décennie 1980 et les Montréalais n’y échappent pas. Mais là où l’on pourrait avoir peur que le son commercial primé l’ait rattrapé, Ought s’en tire étonnamment bien.

Si les fans de la première heure seront quelque peu déstabilisés par les nouveaux titres qui s’ouvrent aux synthétiseurs, saxophones et clarinettes, on retrouve tout de même très bien l’élan créatif si intéressant qui aura fait la popularité de la bande de Darcy chez nous, mais aussi un peu partout chez nos voisins du sud. Touchant désormais beaucoup au post-punk, le groupe se démarque quand même par la variété et la subtilité qu’il parvient à nous offrir sur les neuf pièces qui composent l’album.

Débutant sur le bon pied avec Into the Sea et Disgraced in America, chanson accompagnée d’un somptueux vidéoclip, la bande ralentit quelque peu en milieu d’album avec notamment Brief Shield, presque trop ordinaire par rapport à ce à quoi Ought nous a habitués. Le rythme revient toutefois à la normale par la suite et la conclusive Alice nous laisse sur une très bonne note. Et les variations ne se font pas sentir qu’au niveau des compos: la voix de Darcy se révèle également beaucoup plus changeante ici, adoptant presque un petit côté crooner à la Morissey par moments.

Est-ce que la réinvention d’Ought est un pari réussi donc? Assurément! Avec Room Inside the World, le groupe nous offre un contenu beaucoup plus accessible qu’auparavant, démontrant de belles qualités musicales sur un label d’envergure qui leur apportera sans nul doute une gloire bien méritée. Mais reste que pour un groupe aussi avant-gardiste aux textes nihilistes et amers comme Ought a pu l’être au tournant des années 2010, le résultat laisse une petite impression de facilité par moment. On est loin des envolées à la Today More Than Any Other Day ou Beautiful Blue Sky. Les pièces sont plus souvent écourtées qu’auparavant et l’énergie plus maîtrisée. Est-ce dire que c’est mauvais? Non, et je prédis même que c’est un album qui vieillira très bien, mais qui pourrait laisser un petit arrière-goût amer à certains.

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