Destroyer
Kaputt
Merge
Canada
Note : 8,5/10
Avis aux nostalgiques des années 80, Kaputt, le neuvième album du groupe canadien Destroyer vient changer vos lecteurs mp3 en walkman le temps de neuf morceaux. Renouvelant le son glamour des T-Rex et David Bowie, le groupe mené par Dan Bejar offre un disque anachronique mélangeant l’électronique actuelle au jazz acide.
La démarche artistique du récent album de la troupe de Vancouver assemble audacieusement des fresques de la musique jazz à des mélodies typiques de trames sonores de films produits au cœur du glam-rock des années 80. Il en résulte un son pouvant se revendiquer comme le fils légitime de Swordfishtrombones de Tom Waits et Cat People (Putting out Fire) de David Bowie.
Cette sonorité ne tient pas de l’accident dans le parcours du groupe. À l’origine plus grunge et acoustique, Destroyer a octroyé progressivement à ses disques des textures instrumentales chargées de cuivres et d’extraits numériques. En quinze ans d’existence et neuf albums, le groupe a passé des pistes de guitares grasses de Hey, Snow White aux orchestrations léchées de Kaputt, leur meilleur album à ce jour.
Le nom du disque tient son origine d’un mot allemand se traduisant par «cassé». Et c’est bien ce que l’opus accomplit en se dissociant des sonorités populaires du moment. L’album parcourt une trajectoire inhabituelle entre le kitsch passif et le romantisme lascif. Il peut s’échouer aussi bien sur un lecteur de disques d’une automobile voyageant entre deux villes que sur une table tournante entourée de bougies et de bouteilles de champagne. Il ne faut pourtant pas le confondre au style de crooners populaires comme Michael Buble et Il Divo. Sur Kaputt, le groupe se moque des clichés des chanteurs de pomme et crée des tirades décontractées. Le morceau Suicide Demo for Kara Walker, une pièce de plus de huit minutes, le démontre en conjuguant électronique, jazz et soul sans jamais tomber dans la facilité.
Kaputt pourrait être la cassette préférée de jeunes amoureux s’enlaçant dans une automobile, et cela autant aujourd’hui qu’il y a trente ans. Les cuivres et les lignes de basses dotent le disque d’une ambiance douce et lyrique. Donnant du même coup, l’impression d’écouter Leonard Cohen (pensez à I’m Your Man et Various Positions).
Le chic vocal de Dan Bejar n’est pas sans rappeler David Bowie. L’interprète et chef du groupe est un crooner à mi-voix donnant à ses paroles un ton rêveur empli de séductions et de provocations. «Wasting your days, chasing some girls alright, chasing cocaine trough the back rooms of the world all night», cantone Dan Bejar sur la pièce éponyme de l’album.
Kaputt marque l’imaginaire et l’univers musical du moment par sa différence et son esthétisme. Le genre pourrait bien s’essouffler, mais tout indique que 2011 sera une année charnière à l’ère des Bowie et T-Rex. On a qu’à penser aux récents disques des Ariel Pink’s Haunted Graffiti et Smith Westerns pour s’en convaincre.
Tout-à-fait d’accord avec toi! J’aime beaucoup…