On a traversé des pelotons de cônes orange et enjambé quelques nids-de-poule sectionnant la croûte terrestre jusqu’au manteau pour franchir la porte du Vinyle Chope, le bar-disquaire du Plateau qui mêle le crate-digging aux boissons houblonnées.

Vinyle Chope/Photo: Alexandre Demers

En bordure du 1562 Mont-Royal Est se déploie un monde parallèle où la guerre et la famine n’existent pas: le Vinyle Chope, un débit de boisson dans lequel une horde de vinyles soigneusement sélectionnés implante son respectable règne. Ce concept, c’est le projet de longue haleine de Martin Desgroseilliers, un tenancier de bar et DJ montréalais qui s’est promené pendant de nombreuses années dans certaines institutions de la métropole (et plus loin encore.) Anciennement propriétaire du défunt disquaire Planète Claire, il est maintenant derrière le comptoir de Vinyle Chope, son enfant conceptuel où la vie humaine prend un nouveau sens.

Le hasard étant ce qu’il est, on est allé rejoindre Martin dans son commerce en pleine panne d’électricité. C’est donc entre une gestion de système d’alarme hurlant et une réception de colis impromptue qu’il a pris le temps de jaser avec nous de son concept, ses origines, ses services et son éventuelle domination mondiale inévitable (ça, c’est nous qui l’avons rajouté.)

Le fruit d’une longue fermentation

Même si la boutique peut avoir des airs de don de Dieu pour certains amateurs, le Vinyle Chope n’est pas descendu des cieux: c’est essentiellement l’aboutissement des ambitions et du parcours de notre hôte qui est tombé dans la marmite musicale dès son jeune âge. «J’ai eu ma première table tournante vers l’âge de 12 ou 13 ans. Je jouais avec mon équipement et mes amis tripaient, donc j’organisais des soirées pis c’était tout le temps moi qui étais le DJ d’office. À partir de là, j’me suis mis à écouter des trucs jazz et soul, pis après ça des bands punk britanniques comme Crass, Subhumans et Conflict. Mon but, c’était tout le temps d’élargir le plus possible mes horizons musicaux.»

Cette exploration passionnelle l’a mené vers diverses gigs qui lui ont ouvert les portes de l’univers des bars, et ce, avant même qu’il ait l’âge d’y mettre les pieds. «Pendant mes études, j’ai toujours été DJ dans un paquet de bars un peu partout à Montréal. J’ai travaillé aux Foufs, au Dogue et à quelques autres places, mais c’était surtout ma résidence au Bleu est Noir qui me faisait triper pour la liberté de mettre ce que je voulais. Ça tournait surtout autour du rock alternatif des années 1990 et 2000.»

L’attrait de la musique et du nightlife l’a ensuite poussé à ouvrir son propre bar à spectacles à Rivière-du-Loup. «Mon ex venait du coin et, pour cause familiale, on est allés s’installer là-bas pendant quatre ans. J’avais plein de contacts et je faisais venir plein de bands de Montréal. C’était le fun, mais la réalité économique de R-D-L n’est pas vraiment facile pour les jeunes. Après un certain temps, c’était rendu plus un bar étudiant qu’autre chose. C’était pus vraiment ma tasse de thé et j’ai fermé la place.»

Vinyle Chope/Photo: Alexandre Demers

Arriver à maturation

De retour dans le trafic de Montréal, une idée qui germe depuis belle lurette dans ses pensées fait son chemin: ouvrir une espèce de lieu de pèlerinage qui ferait le pont entre la vente de musique et l’ambiance ludico-relaxe des bars, soit deux de ses passions principales. «C’était un rêve que j’avais depuis longtemps, mais je ne voulais pas le faire juste en formule «boutique». Je voulais un concept comme je l’avais imaginé, c’est-à-dire un bar et une boutique de disques dans un seul endroit. Un endroit où on peut boire une pinte tout en fouillant dans les vinyles. À ce que je sache, ça n’existe pratiquement pas», remarque-t-il.

Question de déclencher le cours des choses, Martin décide de faire un premier move dans l’optique que ça débouche sur le plan final. «À Montréal, j’avais un peu peur d’ouvrir tout seul et de me casser la gueule. J’ai demandé, mais personne n’avait le guts ou ne comprenait mon concept. Il fallait vraiment que ce soit fait pour le comprendre, j’pense. J’ai décidé d’ouvrir Planète Claire [défunt disquaire sur St-Denis] en 2016, une boutique sans le bar pour m’aider à convaincre quelqu’un. Après un an, j’me cherchais un autre local et j’ai approché un ami qui est actionnaire du bar West Shefford. Je lui ai expliqué mon rêve. Je lui ai demandé s’il était intéressé à ce qu’on fasse le merge entre les deux. Il a capoté sur l’idée tout de suite et on a emménagé dans les locaux pour jumeler les deux. Pour le nom, on trouvait ça cool Vinyle Chope à cause des chopes de bière et du jeu de mot vinyl shop. Ç’a popé assez vite de même.» Au printemps 2017, les portes du commerce étaient finalement ouvertes (croyez en vos rêves, les jeunes)!

Vinyle Chope/Photo: Alexandre Demers

De la musique en fût

Pour ce qui est de la boutique en tant que telle, l’offre musicale reflète principalement les inspirations et les années de DJing de Martin. La sélection de stock neuf qui remplit les bacs et tapisse les murs est présentée par notre hôte et son comparse/disquaire Simon. «Il faut être diversifié, mais en même temps, il faut que la boutique ait quand même une appartenance à un genre musical. On est assez axé dans l’alternatif des 90’s. Sinon, on rentre de plus en plus de funk, de R&B, de soul et des affaires de même. On n’est pas hyper spécialisés dans le métal, le prog ou le jazz. On en tient un peu, on a les essentiels et certaines nouveautés. C’est cool de même.»

Le branding, c’est pas juste pour les marques de yogourts! Le Vinyle Chope axe son offre également dans le but de rassembler et de tisser des liens durables avec sa clientèle. «J’pense que c’est important d’avoir une niche, sinon les gens arrivent ici et c’est pas trop clair pour eux. Ça me permet aussi de créer une sorte de communauté autour de Vinyle Chope. Par exemple, avant même que je commande les rééditions de Primus, y a plein de commandes qui sont entrées parce que les gens savaient que j’allais les avoir (puisque c’est mon style.) Si quelqu’un cherche du jazz, il va peut-être me contacter, mais y’a personne qui va penser à moi en premier pour ça…»

Malgré une concentration naturelle sur ses intérêts, Martin assure qu’il ratisse large pour charmer un grand éventail de clients (tout en ayant ses propres limites, hein.) «Il reste qu’il y a des trucs que j’tiendrais pas en stock. Par exemple, Céline a sorti tout son inventaire en vinyles. On n’est pas une boutique assez grande pour lui accorder une place, mais si quelqu’un le veut, je vais le commander.» La petite chanteuse de Charlemagne a toujours sa place où on la veut.

En plus de présenter sa marchandise, Martin offre ses services d’homme honnête. Étant plutôt audiophile, il se fait mission d’enligner les clients vers les disques qui sonnent! Le dossier n’est pas toujours maîtrisé par les usines qui privilégient parfois le vinyle de couleur funky au détriment de sa qualité sonore. On rejette la camelote! «J’aime beaucoup entendre les commentaires sur la qualité des pressings pour savoir s’ils sont bons. Après, je peux mieux orienter les clients. J’aime être honnête avec les gens et leur donner l’heure juste. Un disque à 50 $, même s’il est double, c’est le fun de savoir s’il vaut vraiment sa valeur en termes de qualité.»

Parmi la sélection de cire musicale neuve qui orne les murs et les crates, on retrouve au centre de la boutique quelques sélections de disques de seconde main. «Ça provient des lots qu’on trouve un peu partout. Ce sont des gens qui viennent nous porter du stock ici qu’on rachète. Y a vraiment de tous les genres. On fait aussi de l’échange.» Toujours bon à savoir si les fins de mois sont difficiles.

Vinyle Chope/Photo: Alexandre Demers

Brasseur d’idées

Tant qu’à disposer de son set-up, Martin en profite pour mettre la main à la pâte et te proposer des soirées musicales hautes en couleur, si t’es preneur. «Le soir, c’est cool parce qu’on ajoute des concerts. J’ai des DJs invités, dont Claude Rajotte qui est une référence à Montréal. J’ai aussi Vincent Peake (membre de Groovy Aardvark et Grimskunk) qui est super bon. Y’a également d’autres DJs comme Toastdawg qui vont dans le funk, le hip-hop et autres trucs du genre. À chaque soirée, y a une certaine diversité. Y’a aussi des bands qui viennent ici (notamment durant le CCF). Le Taverne Tour va passer par ici au mois de février. Les compagnies de disques nous approchent pour des lancements. On peut tout faire.»

En plus de ce lot d’émotions sans précédent, l’hôte se sert de ses médias sociaux pour organiser des concours et, occasionnellement, offrir des prix (comme l’an dernier lorsqu’il avait fait tirer cinq copies vinyles du Dôme de Jean Leloup). «J’aime bien être sur les réseaux sociaux. J’essaie autant que possible de faire des tirages et des trucs comme ça. On a souvent des posters à donner avec les albums. Des fois on a des rabais surprises. On essaie de créer un petit buzz avec notre communauté. On a déjà demandé aux gens de nous envoyer leur vidéoclip préféré pour les mettre sur nos écrans…»

Ce ne sont pas les idées qui manquent. Notre hôte nous laisse même sous-entendre que d’autres projets sont actuellement en développement. Faudra rester vigilants et garder l’œil ouvert (ou l’oreille tendue, c’est selon) pour la suite des choses…

En attendant, tu peux toujours passer pour un 5 à 7.

Tu peux rendre visite à Martin et/ou son comparse Simon aux comptoirs du Vinyle Chope situé au 1562 Mont-Royal Est. Ils se feront un plaisir de te présenter l’étendue de la sélection musicale en boutique que tu pourras éplucher avec une IPA à la main (ou n’importe quelle autre bière, c’est ta vie après tout.)

Si ce que tu recherches n’est pas déjà dans la boutique, il y a moyen de moyenner et commander l’item de tes rêves (voire la discographie de Céline, sait-on jamais.)

Pour plus d’informations et d’émotions, tu peux suivre la page Facebook de Vinyle Chope.

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