Le premier jeudi après-midi chaud de l’été m’a permis de parler du temps froid, l’instant d’un Perrier, avec Catherine Leduc.
1- Qui ou quoi est ton soleil? Avec quoi dois-tu garder un bras de distance?
Le soleil, pour moi, dans ma mythologie, représente l’idée du succès ou de la célébrité. Je me questionne toujours un peu sur la distance à laquelle je dois me positionner de cette affaire-là. À quel point je souhaite la reconnaissance ou pas. C’est quelque chose dont j’ai peur. Je pense que tous les artistes souhaitent, à quelque part, être reconnus, avoir du succès, mais quand on y pense, on peut se demander si c’est pas dangereux de trop en avoir de cette affaire-là. Quel est le bon dosage? Parce que quand t’en as trop, ça peut couper ta créativité. Si tout le monde te dit que t’es la meilleure au monde, ben la prochaine fois que tu vas faire un disque, ça risque d’être différent. Tout ça, ça fait partie de la réflexion qui entoure l’album. De mon point de vue, j’aimerais ça que ça soit un peu plus à l’ombre. Ça me donne plein de possibilités. Quelque part, on a eu un projet, Tricot Machine, et maintenant, j’ai peut-être plus de réserves par rapport à la reconnaissance et au succès. Maintenant, je vois qu’il n’y a pas que de la grande joie, mais aussi des souffrances. L’idée c’est d’être en deuxième plan et profiter de cet endroit.
2- T’as l’air d’aimer les contrastes et les oppositions. Est-ce que c’est un style d’écriture ou un style de vie?
C’est plus un style d’écriture qu’un style de vie, mais c’est certain que c’est un style de pensée. Je suis toujours en train d’analyser et je suis consciente de mes propres paradoxes. C’est vrai qu’il y a beaucoup de contrastes, mais c’était aussi visible dans Rookie. Le chaud, le froid, le clair et l’obscur, ça revient souvent dans mon écriture et ça symbolise des concepts qui m’habitent.
3- L’album est comme une entité vaporeuse. Avais-tu l’impression d’être dans une bulle ou un nuage pendant l’enregistrement?
On fait ça chez nous, Matthieu et moi. C’est mes chansons, mais on les arrange ensemble, alors oui, c’est une bulle. On est juste les deux et on essaye des affaires. Une idée après l’autre, on prend une direction avec une chanson et on se rétracte complètement parce qu’on trouve que ça ne sert pas la toune. C’est un travail très long, parce qu’on prend notre temps, c’est l’fun. Ça a duré d’août à la fin novembre et y’a des arrangements qui ont été faitss avant ça. Ça prend quand même un certain temps et de l’espace parce qu’on fait pas ça sans arrêt. J’ose croire que la forme que prennent les arrangements démontre que ça s’est pas fait en un jour. C’est quand même assez placé pour que ça ait un sens, que les sons soient recherchés et pour qu’ils soient au service de la chanson. C’est important que les sons évoquent des émotions, mais pas n’importe lesquelles. On s’amuse beaucoup avec tout ça.
4- Une de tes chansons s’appelle Rien comme le froid. À part raviver l’instinct, quels sont les bienfaits du froid?
Plusieurs! J’adore le froid. Ça rafraîchit le cerveau, ça fait du bien à l’esprit. L’été, on est toujours dans le chaud et l’hiver, sortir, ça fait tellement du bien, respirer et après revenir en dedans dans la maison chaude. Pour moi, la période des Fêtes, c’est le moment de l’année où je me repose le plus parce que justement, on va toujours dehors, la lumière est belle, c’est frais et ensuite on rentre. On dirait que le corps se détend plus. L’été on est plus amorphes. Le froid, j’aime ça, j’suis vraiment nordique. Ce que le froid apporte pour moi, c’est aussi de la diversité dans la mode. C’est l’fun pouvoir s’habiller et mettre plein de couches. On est chanceux d’avoir ça. Ça serait tellement plate dans le sud.
5- Si t’avais à inventer une planète, quels en seraient les paramètres tous aspects confondus?
[atmosphère, météo, divisions de l’espace, sélection des espèces]
Il ferait souvent 10 degrés, on pourrait mettre juste un petit manteau et une tuque. Ça m’aide à me placer le toupet! Faudrait qu’on puisse mettre une tuque pas mal chaque jour. Je sais pas combien de jours il y aurait sur ma planète…
Cath Guay: Ça, c’est toi qui décides. As-tu vraiment besoin de 12 mois?
Catherine Leduc: On pourrait mettre moins de jours, comme ça on vieillirait vraiment moins vite. On pourrait peut-être se rendre à 300 ans pis ça serait l’fun. Il y aurait beaucoup d’eau aussi. Plus de Californie et de Japon comme décor.
6- Dans la chanson La fin ou le début, tu parles à quelqu’un. Est-ce qu’il y a autre chose que cette personne qui possède la caractéristique de ne pouvoir être que la fin ou le début.
Oui, pour moi c’est un peu spirituel. C’est une personne, mais c’est la grandeur qui appelle tout le reste. C’est aussi une finalité parce que c’est ça qui inspire. C’est l’inspiration de départ, mais c’est impossible de la surpasser. C’est un peu une affaire très englobante. Je ne sais pas si c’est une chose, une personne, j’pense que ça dépend. J’ai pensé à deux personnes quand j’ai écrit ça. La première est mon frère, la deuxième je ne la nommerai pas. C’est pour quelqu’un de spécial.
Cath Guay: C’est spécial de ne pas pouvoir être le milieu.
Catherine Leduc: On peut pas tout être. On peut pas tout avoir, être joli et être beau.
Cath Guay: Ouais, ça serait lourd pour tout le monde. Est-ce que c’est mieux être la fin ou le début?
Catherine Leduc: C’est quelque chose de rare que de pouvoir être les deux…
7- Quel est l’espace de création qui t’a inspiré cet album vaporeux?
Il y a beaucoup de la plage dans l’imagerie. J’ai été en Californie deux fois dans les trois dernières années alors je pense qu’il y a ça qui a beaucoup teinté l’album, mais aussi, on habite autour d’un lac en Mauricie. Il y a beaucoup de ça: l’eau, le ciel. Je ne me rends pas compte que je réfère à ça parce que je suis dans cet environnement, mais probablement que ça fait partie de mon vocabulaire. Je te dirais aussi que j’ai un rythme cardiaque très lent. Je pense que c’est à cause de ça que j’ai de la difficulté avec les rythmes rapides. J’ai l’impression que ça va toujours trop vite pour moi. J’ai souvent tendance à ralentir les chansons. C’est comme si je n’étais pas capable de savourer la chanson quand elle va trop vite, ou plus vite que moi. Aussi, on habite dans le bois et on est souvent seuls, le temps est différent. J’pense que ce sont ces deux choses-là qui font que j’aime ça les chansons qui prennent leur temps.
Cath Guay: Avec Tricot Machine, ça allait pas mal plus vite. As-tu l’impression d’avoir trouvé ton tempo avec cet album-là?
Catherine Leduc: Oui, j’suis vraiment très bien. C’est drôle, récemment, j’ai réécouté l’album de Tricot Machine pour les 10 ans et j’ai sauté la cinquième chanson parce qu’elle est vraiment trop vite. En spectacle on peut toujours s’adapter.
8- L’espace visuel de l’album est vraiment beau. As-tu participé à l’élaboration du visuel? Avais-tu une vision?
La graphiste avec qui je travaille s’appelle Caroline Robert et elle est super bonne. C’est avec elle que j’avais fait Rookie aussi et on a travaillé de la même manière. Elle m’a demandé de lui envoyer plein de photos que j’avais prises ou que j’aimais de moi. Je lui ai envoyé beaucoup de photos de la Californie, des photos d’un road trip au Rhode Island où il y avait une petite salle de bain noire avec un beau miroir rond. Ensuite, elle nous a fait des propositions, dont celle où c’est moi dans une bulle, mais c’est ce miroir-là. Elle a tout travaillé, j’ai aucune idée comment! Ça a donné ça. Pour l’intérieur de la pochette, ce sont des photos du désert en Californie. Elle y a superposé des photos de moi quand j’étais petite et elle y a ajouté des planètes. Je trouve ça vraiment beau, j’aurais jamais imaginé ça. J’aime ça parce que c’est pas juste des images qui viennent de l’extérieur et qui n’ont aucune signification pour moi. Ce sont mes photos.