Ça peut paraître abstrait comme concept, La Ligue Rock, surtout lorsque le volet compétitif n’y est plus depuis 2016. Pour une soirée par contre, le nom reste plus accrocheur que Lesbôtessesdilaviercaféine. Retour sur le premier des neuf soirs de cette Ligue.
On entre au Divan Orange avec enthousiasme et confiance. La Ligue, on connait bien. Une série de concerts qui ont lieu à Montréal, Saint-Hyacinthe et Québec et qui remet de l’avant un certain côté «fan club», un côté bien assumé d’anthologie et un amalgame qui amène le jeune public et celui d’autrefois à se rencontrer.
Par contre, est-ce par snobisme que la peur s’installe en nous dès l’entrée dans le bar? Pour l’une des rares fois, le Divan n’est pas rempli par mes 40 amis Facebook qui se sont décidés l’après-midi même à donner une cote de cinq étoiles à l’établissement (monopolisant mon icône de notifications pour un bon trois heures).
À vue de nez, ce sont moins les piliers du Quai, de L’Esco-Cactus et du Divan, mais plutôt des fans d’une des trois formations, qui se gardent pour LE show. Tsé, l’anniversaire de Gisèle, LE passage des Hôtesses. Ce genre de public.
On en vient à se demander, en fait, s’il ne faut pas faire attention à éviter l’amalgame entre «rock» et «miouze». Est-ce que l’on assiste à la Ligue de la Miouze? Celle des gens qui disent «aye, ça tire!», du arena rock, des «y’a rien de bon qui s’est fait depuis Ping Floy», de ce qui est difficile à défendre dans les soirées mondaines?
J’ai des craintes. Infondées, mais présentes.
Par chance, on s’en éloigne. Sam Murdock de Lesbo Vrouven est sur scène à 21h tapantes, mais son fil a décidé de ne pas se prêter au jeu, nous rappelant que de commencer à l’heure, dans un bar, c’est un peu téteux. Un accord plus tard, il remercie les organisateurs, faisant mine d’avoir fini. «C’est la ligue du [sic] rock ou quoi?»
Débutant avec un vaillant «On s’appelle Lesbo Vrouven, ça dure 22 minutes», le groupe fait quand même durer le plaisir, tout en faignant à quelques reprises d’avoir terminé. La livraison entre les pièces ne fait pas nécessairement l’unanimité (ne serait-ce que de ma personne, ça brise l’unanimité), mais le répertoire est impeccable et à la hauteur de ses ambitions. On nous lance du dance-punk dynamique et accrocheur. Quoi demander de plus?
Échange entendu: «On vient de Limoilou» de déclarer Murdoch. Mon voisin dit à son ami « Ah, c’est ça le drapeau canadien à l’envers sur son chandail». Un fin géographe.
Finissent les Vrouven, qu’arrivent Les Hôtesses d’Hilaire. Assez fou de les voir autant tourner, eux. À croire qu’ils n’ont jamais arrêté depuis janvier 2016. Pourtant, ils arrivent avec un nouveau setlist et même un nouvel habit de scène. Plutôt que leurs fameuses frocs blanches, la troupe acadienne a choisi les kits de coton ouaté gris. Serge Brideau, lui, reste flamboyant en robe, mais a également choisi de porter un t-shirt du Trou du Diable, leur commanditaire. L’audace!
Appelant aussi l’événement la ligue du [sic] rock, montrant que personne n’a eu le mémo quant au nom de leur tournée, les musiciens enchaînent hit après hit en gardant une grande humilité. Brideau passe son temps à s’excuser, rappelant qu’«on sait pu ce qu’est du rock, les Cowboys Fringants ont gagné l’album rock à l’ADISQ».
Sauf que l’humilité, c’est plutôt les Québécois qui l’ont reçue ce soir-là. Notre côté patriotique en prend toujours une claque en voyant les Hôtesses, parce qu’ils nous rappellent que l’un des, sinon LE meilleur groupe rock qui tourne en français au Québec, vient du Nouveau-Brunswick. Présentés comme les «50 Shades of Gray», Brideau et sa gang livrent une performance incroyable. À l’Est, rien de nouveau.
Fin de soirée avec le roi Xavier Caféine qui fait une relecture intégrale de son classique Gisèle, pour son dixième anniversaire. L’enthousiasme de la foule est grand, mais surprenant lorsqu’on sait qu’il joue les pièces dans l’ordre. Des cris de surprise lorsque Montréal (Cette ville) est jouée en deuxième.
Xav Caf s’est entouré de la crème de la crème, avec Michel «Away» Langevin au drum, Vincent Peake à la basse, Alex Crow à la guitare, Lucien Francoeur aux voix. Mes notes se confondent avec la reformation de Aut’Chose en 2015. Preuve que c’est différent, le claviériste de Grimskunk et partenaire au combat de la grande troupe, Joe Evil, n’est pas sur scène, mais assis au bar. Donc c’est bien Caféine qui chante. De toute façon, Francoeur n’aurait, à ma connaissance, pas choisi un déguisement de Freddy Krueger comme habit de scène.
Un hit après l’autre. Pas de temps à perdre. Pif paf pouf. C’est que Gisèle, c’était exquis. C’est peut-être interprété un peu vite, par contre. Je soupçonne que ça vient de notre homme Langevin; Voivod, ça ne laisse pas sa place quand on parle de «musique expéditive». Quatorze titres plus tard, le groupe revient avec quelques classiques du répertoire du génie percolateur. Oh! Chérie, entre autres, nous charme.
Au final, la rencontre s’est bien passée. Il ne faut pas craindre la miouzification du rock actuel. Ni même cracher sur nos classiques parce que parfois, on a honte de ce genre. Faites la paix avec la musique et ayez du fun: c’est le crédo de la Ligue Rock. Les seules choses qu’il faut craindre, c’est que les gens continuent à dire «Ligue du Rock» et que Caféine vienne vous tuer dans vos rêves.