Le show de Fred Fortin affichait complet jeudi soir à la petite Taverne Saint-Sacrement dans le cadre de la deuxième édition du Taverne Tour. En plus d’assister à l’un des meilleurs shows de l’année, je partageais une proximité (presque) amicale avec Martin Matte et un gars beaucoup trop saoul.
«Oweye joue tabarnak. Il est 10h passé là!», soupire la barmaid à son amie.
La demoiselle est un peu pas mal énervée. Je regarde mon cellulaire, il est 22h03, le spectacle est annoncé pour 22h… Va fumer une cigarette, prends un shooter, je sais pas.
My Name is Jonas joue à tue-tête dans le bar, des barbes grises se mélangent aux imberbes de la début vingtaine, la salle est bondée.
J’entends les premières notes de Langevin, il est temps pour moi de me frayer un chemin dans la foule et de m’éloigner autant que possible de cette barmaid.
Fred Fortin est accompagné de son plus fidèle camarade Olivier Langevin à la guitare et de Samuel Joly à la batterie. Accoutré d’un chandail du groupe punk Bad Brains, Fred est tout sourire.
On est tellement coincés que je n’arrive plus à avancer dans la foule, j’opte finalement pour l’entrée vitrée de la taverne. Je reçois des courants d’air glaciaux toutes les 5 minutes, mais peu importe, ici je peux respirer.
C’est la première fois que je vois Fred et ses potes sur scène et j’en suis renversé. Je ne sais pas si c’est le spirit du «son du Lac», mais c’est ce que j’appelle du rock à l’état pur.
Olivier, Fred et Samuel se donnent à fond, ils sont fougueux, précis et incroyablement talentueux.
Fortin entonne plusieurs morceaux de son dernier album Ultramarr, dont Oiseau, Tapis noir et 10$.
«Les os de ta carcasse se feront un devoir de te le dire si t’embrasses le décor qui avait juste l’air d’un film dans ton ouine-chire, c’est pas HD, c’est ben plus fort, même les Chinois ne sont pas rendus là encore!», chante le Saguenéen sur cette dernière.
Puis vient une très belle version de Mélane, plus lente avec une touche floydienne.
Les gens ont chaud, moi de même, même mon spot est devenu une boîte à sardines grâce aux retardataires qui sont arrivés 35 minutes après le début.
«Il commence à faire soif icitte!», lance Fortin à la foule. Je ne te le fais pas dire.
Les plus érudits reconnaissent spontanément Tête perdue dès les premiers roulements de caisse claire de Samuel Joly. Le morceau a une structure complexe aux accents afrobeat, tout est très bien ficelé et le jeu fluide de Joly est renversant. Le drummer que je suis en bave. Cerise sur le sundae, la chanson se termine par un solo du monsieur en question…
À ce même moment, un douche complètement paqueté me tombe dessus, il n’est pas méchant, il s’excuse même, mais bon, il bave beaucoup. Bref, je le tasse vers l’arrière le plus vite possible afin de savourer le jeu des tambours de Joly. Je le dis honnêtement, c’est un des plus talentueux drummer que j’ai eu la chance de voir.
Est-ce que l’on peut parler de Langevin aussi? Son jeu est féroce, rapide et habile, il joue des solos hendrixiens hallucinants teintés de psychédélisme.
Lorsque les trois s’évadent ensemble dans leurs envolées cosmiques, ils me font penser aux power trios des 60s, à la Cream ou à la Hendrix.
Qui c’est qu’on ne voit pas rentrer au Saint-Sacrement vers la fin du concert? Ben oui toé, Martin Matte. Il s’installe dans l’entrée à côté de moi.
Il a vite remarqué qu’il ne pourrait pas aller bien plus loin que le cadre de porte, il m’a regardé, je l’ai regardé puis nous avons ensemble acquiescé de manière non verbale dans un genre de «Ouin, y’a du monde à soir, hein?», comme des mononcles lorsque la file est longue au Tim Hortons.
Enfin, l’humoriste est reparti peu de temps après.
J’aurais bien aimé que Fred Fortin chante Les beaux malaises pour terminer le concert en douceur, mais il a plutôt opté pour l’excellente bluesy Ultramarr.