Le jeudi 9 juin 2016 est une date qui aura marqué la scène rap québécoise à tout jamais. Il s’agit du jour où s’est tenu le spectacle d’ouverture des Francofolies de Montréal, mettant en vedette les groupes Brown, Alaclair Ensemble, Dead Obies ainsi que Loud Lary Ajust.
Malgré le froid et la pluie, l’événement avait alors attiré une foule magistrale, même s’il semblait audacieux de présenter uniquement des rappeurs franglais (sans oublier l’exclusion de LLA à l’ADISQ et de Dead O’ pour une subvention Musicaction). La soirée avait entre autres été marquée par une apparition de Koriass pour quelques pièces. On se rappellera également qu’il avait scandé «On est les nouveaux Robert Charlebois.» Il avait ensuite spécifié, sur sa page Facebook, qu’il s’agissait d’une citation du producteur Ruffsound.
Cette phrase lancée à la blague porte néanmoins une grande part de vérité. Comme l’Osstidcho l’a été à son époque dans un contexte social empreint de contestations, l’Osstidtour se positionne comme la voix d’une génération revendicatrice et met de l’avant des artistes représentant la jeunesse d’aujourd’hui avec le rap franglais comme outil de contre-culture. Tel que ce fut le cas pour le rock joual de Charlebois dans les années 60 et 70, le rap n’occupe malheureusement pas l’espace médiatique qui lui revient.
À l’image de l’Osstidcho, qui a dû changer deux fois de salle à cause d’une popularité sans cesse grandissante, l’Osstidtour se voyait déjà obligé d’annoncer, plus de trois mois d’avance, une supplémentaire au Club Soda pour le 4 février ainsi qu’une autre, plus tard, le 17 février (les deux premières dates étant sold out).
Nouvelle date à retenir: 28 janvier 2017. Premier passage montréalais de l’Osstidtour dans un Club Soda qui affiche complet, preuve que nous sommes en train de vivre l’évolution fulgurante d’un style musical teinté d’un désir d’être reconnu à sa juste valeur. Disques 7ième Ciel est là pour nous le rappeler.
Tel un capitaine du navire Osstidtour, l’aîné de la tournée monte seul sur scène afin de lancer cette grande traversée, accoutré de sa plus belle veste maritime. Robert Kerr sera vite rejoint sur les planches par les autres moussaillons de l’aventure qui s’apprête à être inoubliable. Après cette prestation d’intro rassemblant tous les artisans du spectacle, place au premier groupe: Brown.
Presque un an jour pour jour après la sortie de son album homonyme, ce projet familial père-fils est toujours aussi solide. En fait, on dirait que ça l’est encore plus, comme un bon vin.
Après les excellentes pièces Me no care, Parapluie et Nwiggas, le niveau d’excitation palpable monte d’un gros cran lors de Complexe.
Après, Jam se permet de lancer un «Si vous savez pas qui on est, ben checkez le flyer» et un shout out à Toast Dawg. Sérieux, si tu sais pas c’est quoi, j’ai de la peine pour toi…
Il annonce alors qu’ils vont tester une nouvelle track avec nul autre que le «rappeur préféré» de tous, KNLO. Quoi dire de plus que: c’est du grand génie! La fin de ce trop bref, mais intense tiers de soirée se résume par l’annonce de deux nouveaux clips à venir, un autre featuring ainsi que leur grand succès Brown Baby.
C’est armés de masques de chatons, en rappel à la pochette du EP Petit Love sorti en décembre 2015, que Koriass et son band font leur entrée. Par contre, c’est sans surprise et sans déception que nous avons droit à plus de pièces des remarquables Love Suprême (2016) et Rue des Saules (2013). Le tout commence d’ailleurs avec Pardon suivi de Zombies version drum, où «Korey Hart» se permet de répéter «Michel Couillard over Philippe Couillard» à maintes reprises.
Résumé des moments forts:
– Old school shit avec Montréal-Nord sur Hot in Herre ainsi que de Nulle Part sur Break Ya Neck.
– Des grosses tracks comme a) Sorry, b) Légendaire, c) Devenir Fou ou d) Blacklights? Non, c’est e) Toutes ces réponses.
– Une fille dans la foule qui nail une part d’Ouvre ta fenêtre > Un dude sur scène qui chie une part de St-Eustache vers la fin.
– On ne peut passer sous silence le «Bonne fête Danielle» chanté en choeur pour la mère à Manu Dubois, présente dans les gradins.
– Après Gagnant, le duo des Emmanuel’s (Koriass et Eman) qui popent leurs meilleurs verses.
– Supernova feat. des lighters pis un mosh pit.
– Bobby One avec son chapeau de pêcheur, sûrement pour qu’il Garde sa job sur… Mon voilier.
Des rythmes à la sauce vieille école se font entendre alors qu’on peut voir Vlooper s’adonner à une session d’amincissement sur le booth du DJ.
Probablement trop heureux de la nouvelle de la reconstitution de leur groupe préféré, les membres d’Alaclair Ensemble sautent sur le stage avec toute l’énergie possible pour interpréter La chicane, suivi d’un genre de mash up (sans Mash).
Les premières notes agaces de Ça que c’tait se font entendre. Alors que la populace s’époumone de joie, il y a alors une pause pour laisser place à un trompettiste (hommage au Quatuor du nouveau jazz libre du Québec de l’Osstidcho?).
Autres moments forts:
– Une interdiction de bouger qui se transforme en marée humaine.
– Le temps des cathédrales interprété par PAS Claude Bégin. Après, Ogden affirme «Claude Bégin, c’est comme les bobettes d’Alaclair Ensemble. On le voit pas, mais on sait qu’yé là».
– Discours de Robert Nelson, fier représentant du Bas-Canada, finalement suivi de Ça que c’tait pour vrai et d’Eman X Vlooper qui s’intègre avec son succès Publi-sac avant que Maybe Watson fasse sa finale de blogue de mode. Évidemment, la foule se peut pu de triper!
– Alors qu’on entend un mix d’Alaclair High, Ogden s’exclame «C’pas Claude Bégin sur un pôle graisseux» (en référence à son rôle dans Cheval-Serpent), mais plutôt une caméra La Presse pour filmer une gang de mince.
– Tournage du clip Les infameux avec la grosse lumière pis un dude qui fait du bodysurfing caméra à l’épaule.
– L’intro de Sauce pois qui se fait arrêter pour un genre de mannequin challenge alors que Lou Phelps et Kaytranada se mettent à déambuler jusqu’à ce que Ville-Marie de KNLO retentisse.
– Enchaînement de DWUWWYL, South Shore Dope, Mon cou et Sous-sol pas fini.
– Pendant qu’Eman X Vlooper nous gâte avec son plus gros hit Mantra, on peut voir un FiliGraNn assez avancé qui titube sur scène l’air festif (les rumeurs disent qu’il aurait égaré son portefeuille).
– Après Mes gars shootent et St-Roch, il fallait maintenant laisser place au fameux concours du verse d’Ogden dans Piles Comprises dont on entendait parler depuis le début de la soirée. Il y a alors un dude en camisole rouge qui monte comme premier participant. Le gars a tellement kill le shit que les autres ont rapidement été remerciés. Sorry not sorry.
– Une fin de show en beauté avec Sauce pois (au complet cette fois), Calinours et, surtout, Les Gentils feat Jam et P-Dox!
Pendant la finale, il est possible de voir les protagonistes presque tous en t-shirts blancs (peut-être en hommage à la troupe de l’Osstidcho?). Vive les nègres drabes d’Amérique ou Les maigres blancs d’Amérique du Noir? En tout cas, ça fait quelques coïncidences! On pourrait pousser plus loin, mais bon, il ne faut quand même pas exagérer!
Reste que, dans son ensemble, l’Osstidtour est un clin d’oeil à l’Osstidcho bien mérité pour les porte-étendards du rap québécois en tant que voix des jeunes, comme ont pu l’être Robert Charlebois, Yvon Deschamps, Louise Forestier et Mouffe.
Si ce trop long résumé n’a pas réussi à te convaincre que c’était l’événement à ne pas manquer, tu peux encore le constater par toi-même lors de la deuxième supplémentaire du 17 février prochain. Mais il faudra te grouiller avant que ça soit aussi sold out!
Mention spéciale à cet homme d’âge mur qui pensait sûrement être à l’Osstidcho 2 et arborait fièrement un t-shirt Fuck la mode, signe puissant de la contre-culture.
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