Alaclair Ensemble
Les Frères Cueilleurs
Disques 7ième Ciel
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Le collectif de postrigodon Alaclair Ensemble est passé en quelques années de petit projet expérimental à groupe phare de la scène rap queb moderne. Née d’un mixtape créatif, rafraîchissant et original, la troupe n’a cessé d’impressionner en se souciant peu des conventions, œuvrant ainsi en très grande partie de manière indépendante. Après le désormais classique 4,99, le triple album, Les maigres blancs d’Amérique du Noir et Toute est impossible, Alaclair lance un premier projet sous l’étiquette 7ieme Ciel (derrière des noms comme Koriass, Brown, Dramatik et pas Samian): Les Frères Cueilleurs. La cueillette vaut-elle le détour?
Fidèle à ses habitudes, Alaclair prouve une fois de plus qu’il est capable de grande originalité sur ce tout nouvel album aux sonorités épatantes et aux envolées lyricales survoltées. Nombreux sont les attributs de cette galette de son qui prouve que la bande bas-canadienne ne montre aucun signe d’essoufflement.
Tout d’abord, la production est toujours aussi actuelle, saisissante et uniformément variée (on te jure que ça se peut.) Le beatmaker VLooper signe des prod smooth et organiques sur Coucou les coucous et des beats trap sur Ça que c’tait, comme ce qu’on retrouverait sur un album de Travis Scott.
Il flirte avec le G Funk de la côte ouest américaine sur Sous-sol po fini et fait des clins d’œil à la Grosse Pomme sur Les Infameux (le titre fait d’ailleurs directement référence à Mobb Deep). Sur cette même pièce, l’air du hook de Nate Dogg sur The Next Episode est judicieusement repris (comme quoi on peut faire cohabiter l’est et l’ouest sans que ça se termine en drive-by sanglant. Props!). VLooper fait également des beats évolutifs et changeants très modernes (Bazooka Jokes) comme on a pu en voir sur les plus récents projets de Kendrick Lamar et ScHoolboy Q. On retrouve même une touche de funk d’antan en clôture d’album avec la pièce DWUWWYL. Le tout est fait de manière très pro et est globalement guidé par une ligne directrice bien cohérente et définie. Mash et Claude Bégin viennent d’ailleurs décorer des pistes sonores du producteur avec les talents de musiciens qu’on leur connait. Chapeau bas-canadien!
Pour rajouter à la qualité des prods, le flow acrobatique et le phrasé coloré des emcees se rejoignent dans une cohésion rythmique toujours aussi efficace. Eman, KenLo, Maybe Watson, Ogden et Claude Bégin sont en symbiose et savent exactement comment apporter leur ingrédient secret à la recette goûteuse du collectif (shoutout à un KenLo au sommet de sa forme dont les prouesses lyricales feraient rougir Nadia Comaneci.)
Sur ce nouveau projet, les verses se greffent à l’image d’une courtepointe d’authenticité ornée de références locales et internationales toujours aussi habilement exécutées (Claude Dubois et Biggie Smalls sur un même album, on dit oui!) La chimie entre eux est indéniable et ajoute au plaisir de la chose, surtout sur des morceaux comme Fouette et Alaclair High. Tous mettent leurs skills et couleurs respectives à profit sans prendre trop de place.
Ceux qui ont auparavant été charmés par le côté éclaté et cabotin d’Alaclair le retrouveront intact sur le plus récent single Sauce Pois, morceau au goût du jour faisant l’apologie du griot et tous les accompagnements de la gastronomie haïtienne. Un délice!
Somme toute, Les Frères Cueilleurs poursuit le parcours artistique interstellaire qu’Alaclair a entrepris depuis ses tout débuts. De par sa cohésion, sa force créatrice originale et la production multicolore et savoureuse, Les Frères Cueilleurs s’avère une suite logique (et efficace) des projets précédents qui met fort possiblement la table pour la suite, griot et pickliz inclus!