L’auteure-compositrice-interprète Claudelle — Claudelle Forget de son nom complet — lançait cette semaine son premier long jeu, Harfang. Tout en restant dans la veine des sonorités folk-country des EP Brainstorm et Le fort, parus respectivement en 2013 et en 2014, l’album recèle cette fois des rythmes un peu plus rock.
«J’étais rendue là, explique la chanteuse à la riche voix cristalline, j’avais envie que ça bouge plus, que ça rocke plus.» Mandoline, batterie, guitares électriques, sans oublier la contrebasse qui accompagnait déjà le doux folk du Fort: les instruments se font désormais plus nombreux.«Je n’étais pas vraiment ouverte au moment du Fort à ce qu’il y ait plusieurs instruments, mais, sur Harfang, il y a beaucoup d’inspiration country. J’écoute beaucoup de bluegrass aussi, c’est de là que vient la mandoline. Des fois il y a trois guits sur une toune. On reste dans le folk-country je pense, mais on a ajouté pas mal de guitares électriques, alors peut-être que, dans ce qui s’en vient, j’aurai des touches plus rock, plus pop, plus bluegrass. Je ne sais pas, j’écoute tellement de choses, je m’inspire un peu de tout ça.»
Son premier EP était en anglais; le second, en français. Pourquoi cette transition? Elle admet avoir eu de la difficulté, plus jeune, à trouver ses mots et son style dans la langue de Leclerc. Jusqu’au lancement du premier opus des Sœurs Boulay (auxquelles on lui trouve assurément une filiation musicale), Le poids des confettis, il y a quelques années. «Leur écriture m’a fait débloquer. En me faisant réaliser qu’il n’est pas nécessaire de s’empêtrer dans de grandes métaphores pour écrire, j’ai arrêté de me mettre des barrières. J’ai l’impression d’avoir compris quelque chose. J’ai alors écrit ma première toune en français, et ç’a coulé tout seul. Je n’ai jamais réécrit en anglais, la page est tournée. J’ai toujours voulu écrire en français et j’ai travaillé fort pour y arriver.»
Nonobstant que l’album paraisse cette semaine, la Montréalaise d’adoption en présente les compositions sur scène depuis un moment déjà. «Notre show est quand même rodé, affirme-t-elle. Deux des chansons ont été écrites à l’époque du Fort, mais je trouvais qu’elles ne fitaient pas. Les six autres datent de moins d’un an.» Avant d’endisquer ses nouveaux morceaux, elle a attendu d’en compiler suffisamment, de s’entourer des bonnes personnes dans ce projet de plus grande envergure et, bien sûr, d’amasser le budget — l’album est en effet autofinancé. Elle renoue au sein de cette équipe élargie avec le coréalisateur du Fort, Jay Essiambre, qui joue également du drum et de la guitare sur Harfang, ainsi qu’avec Vincent Yelle à la contrebasse.
L’année passée, elle avait notamment eu l’occasion de faire découvrir ses chansons en première partie de trois prestations qu’avait données à ses débuts le groupe Saratoga, composé de Chantal Archambault et de Michel-Olivier Gasse, venu tester son matériel dans un bar de Villeray. Antérieurement, Claudelle avait eu l’occasion de jaser avec Chantal — l’une des chanteuses qu’elle préfère — en allant la voir en spectacle, et avec Michel-Olivier au lancement de l’un de ses romans. Et, un beau jour, Michel-Olivier lui a simplement écrit afin de lui proposer de faire la première partie de leurs spectacles. «Je sautais partout dans la maison, je capotais, c’était mieux que Céline Dion!»
Elle a également joué aux côtés de Joseph Edgar lors de sa participation au Festival de la chanson de Granby en 2015. Concours incontournable grâce auquel elle a reçu des conseils de la part d’artistes établis, a fait de belles rencontres, comme elle le dit, et a gagné en expérience scénique. «Faire un gros spectacle sur une grosse scène, ça n’arrive pas tous les jours. Et avec Philippe Brault à la direction; c’est quand même cool! Ça me stresse beaucoup les concours, mais je pense que le Festival m’a fait grandir, m’a permis de pousser davantage mes affaires et peut-être d’être moins gênée.»
Comme sur Le fort, l’écriture de la native Ste-Adèle dans les hautes Laurentides, résidant depuis six ans à Montréal, fait toujours la part belle à la nature. «Ça commence à me manquer, avoue-t-elle. J’en parle, ça me fait du bien. Un jour, j’aimerais bien y retourner, peut-être pas dans les Laurentides, mais en campagne, dans une petite maison pleine d’animaux. J’ai vécu dans le bois 18 ans, ça me ressemble.» Une inspiration viscérale de la nature donc, tel qu’en témoigne la superbe pochette du disque, avec arbres frêles et capteurs de rêve en filigrane. Espérons que ses rêves la portent loin.