Malgré ses airs bien chill et relax, Snail Kid, MC prolifique de la région montréalaise, est un artiste qui ne chôme pas. Entrevue intime avec un artiste qui ne niaise pas avec le puck!
Ayant fait ses premières apparitions publiques dans l’arène des WordUp Battles, il a davantage retenu l’attention au sein du sextuor post-rap Dead Obies, générant un buzz notoire. L’arrivée de leur premier album, Montréal $ud, en 2013, a eu l’effet d’une bombe dans le paysage rap queb.
Ayant toujours eu l’intention de participer à un projet musical aux côtés de son frère Jam et de son père, c’est en 2016 qu’il lance avec ceux-ci le premier album de BROWN, soit deux mois avant la parution du deuxième album de Dead Obies. Ça niaise pas! Constamment à la découverte de nouvelles formes d’art, Snail Kid dispose de la ténacité et de la créativité nécessaires pour mener ses mille et un projets à termes.
Partageant son temps entre le lancement du premier album de BROWN, l’arrivée prochaine du deuxième opus de Dead Obies, son temps dédié à sa passion pour le théâtre et sa vie personnelle, on a réussi à se tailler une petite place là-dedans pour discuter avec Snail Kid, un MC passionné qui cumule les projets!
T’as un horaire chargé ces temps-ci avec le lancement de deux projets importants. Comment ça se passe? Es-tu au bord du burn out?
Haha! Ca s’en vient, j’pense! Non, pour vrai le plus gros est passé. Il y a eu un moment où les deux projets s’overlappaient en production. Il a fallu que j’écrive pour BROWN en même temps que pour Dead Obies, donc mes semaines étaient super rush. Il y a eu cette période-là qui a été beaucoup plus tough, mais depuis que l’album de BROWN est terminé, ça va assez bien pour mon horaire.
À PROPOS DE BROWN: le premier album homonyme est sorti en janvier. Le premier extrait Brown Baby:
De toute évidence, vous êtes des esprits créatifs musicalement (K6A, Dead Obies, etc.) Est-ce que BROWN ça représente un projet qui était sur votre bucket list familiale depuis longtemps?
Je dirais que c’est quelque chose qui brette officiellement depuis trois ans, mais même avant ça c’était comme en préparation. Dès que j’ai commencé à faire du rap et que mon frère l’a su, que mon père l’a su, les blagues se faisaient déjà sur un album à trois, un projet familial. L’idée nous est venue aux Francofolies alors que moi, mon père pis mon frère on a interprété la chanson Gris ciel sur scène, dans le cadre du show de Jam & P.Dox. On l’a fait et ça a full bien réagi donc ce soir-là, on a décidé de faire un album. Finalement, ça aura pris trois ans.
L’album présente la cohabitation de plusieurs styles (rap, dub, reggae, etc.) Si t’étais disquaire, dans quelle section classerais-tu BROWN?
J’aurais pas le choix de le classer dans la section hip hop, parce que malgré toutes les influences musicales sur l’album, mon frère et moi on rappe sur toutes les chansons. Le rap est en train d’élargir pas mal son focus. Les nouvelles stars du rap, comme Kanye West ou Kendrick Lamar, font maintenant des albums que, dix ans plus tôt, on n’aurait pas dit que c’est du rap tant que ça, mais ça en est, en bout de ligne, parce qu’ils rappent sur ces productions-là. Ce courant-là nous allait très bien parce que justement, mon frère et moi on a beaucoup d’influences musicales. C’est donc un heureux mélange de tout ça, mais ça reste que la direction est assez rap.
Vous êtes tous impliqués dans d’autres projets préalablement connus. Comment BROWN représente quelque chose de différent de vos expériences passées?
Je dirais que ça a été un peu difficile au début de trouver le style. Il fallait trouver un terrain commun alors qu’on avait tous des brandings différents chacun de notre bord. Mon branding avec Dead Obies, il y a comme un côté super punk, provocateur dans les propos. Mon frère, lui, est pas du tout là-dedans, donc il a fallu être sur la même longueur d’onde. Ça n’a pas été super long à faire, mais la première année il y avait clairement une adaptation.
Toi et Jam, vous êtes dans le hip hop moderne. Est-ce que c’était un défi pour vous d’incorporer l’univers plus reggae de votre père dans votre trip ou ça s’est fait naturellement?
Peut-être un peu. Mon père n’écoute pas grand-chose d’autre que ça dans la vie. Il y a des beats sur lesquels il a eu beaucoup de difficulté à trouver sa voix. Le plus gros défi de l’album c’était de l’amener dans des zones où il n’était jamais allé. Ça a super bien marché en bout de ligne. Il a réussi à faire quelque chose qui était tellement différent du reggae, on se demandait vraiment où il avait entendu ça.
J’ai vu une photo de toi qui joue de la mandoline. T’as contribué musicalement aussi ou c’était juste pour le look?
Hahaha! À ce moment-là c’était pas pour le look mais ils l’ont pas gardé! Je m’amuse avec les instruments, je gratte un petit peu de guitare et si ça adonne sur la toune tant mieux, mais bon, c’est rare que c’est gardé. C’est l’intention qui compte.
Le projet a notamment émergé des discussions autour de la Charte des valeurs, qui avait beaucoup fait jaser. Deux ans plus tard, trouvez-vous que le débat a bien évolué?
Au Québec, je pense qu’on est un peu à la même place … ben, en fait, juste le fait d’en avoir jasé, je pense que ça a fait sortir le méchant. Ça a peut-être plus polarisé du monde qu’autre chose, mais certains se sont posés des questions sur le sujet et il y en a probablement qui se sont modérés un peu là-dedans, j’imagine.
À PROPOS DE DEAD OBIES: le deuxième album, Gesamtkunstwerk, sort le 4 mars:
De ce qu’on a pu entendre jusqu’à maintenant, vous semblez prendre une nouvelle direction avec ce nouvel album. Comment anticipez-vous la réponse du public?
Je pense que les gens qui nous suivent de près risquent d’être un peu surpris par les nouvelles productions. C’est sûr qu’il va toujours y avoir du monde qui vont dire qu’ils préféraient ce qu’on faisait avant, mais la surprise risque d’être assez positive en général. Ce qui change le plus, c’est la richesse des productions. Il n’y a presque pas de samples sur l’album. Il est pratiquement tout composé par VNCE. Je pense qu’on a un album qui est peut-être plus accessible pour le grand public tout en restant dans l’univers Dead Obies.
Le premier extrait Aweille est-il représentatif de l’album?
Vraiment pas! C’est un peu le Tony Hawk de l’album, je dirais. C’est-à-dire que c’est la chanson qui pète une coche, qui est une espèce de délire dans lequel tout le monde a décidé d’embarquer. On va dans une zone EDM qui a un loop infini infernal. Le reste de l’album est très différent de ça.
Le titre imprononçable de l’album, Gesamtkunstwerk, ça veut dire quoi? Ça évoque quoi?
C’est un terme allemand d’histoire de l’art qui veut dire: «œuvre d’art totale» (Lire l’article d’Étienne sur le sujet). Là, on fait ressortir un peu l’élément brag du rap. Le concept d’œuvre d’art totale, après ça, se traduit plus comme un agencement de plusieurs formes d’art qui, au final, vont en servir une qui serait absolue. Dans cet album-là, le concept c’était de faire un alliage de scénographie, du documentaire qu’on va sortir, du spectacle qui a servi à produire l’album, etc. Le but c’était de faire un 360 artistique avant que l’album existe. Ça embrassait aussi tout à fait la théorie de La société du spectacle de Guy Debord, qui marche avec le concept de l’album: la relation avec le public. On détourne le focus de nous vers eux.
Le deuxième album pour un band/artiste, est souvent un album important parce qu’il peut solidifier la réputation artistique comme il peut l’amocher. Comment avez-vous approché ce nouvel album après le succès de Montréal $ud?
Il y a déjà des gens qui attendent l’album et qui connaissent les paroles du premier par cœur. Il y a aussi des critiques qui sont sorties du premier. Tous ces éléments ont joué. On joue aussi avec l’anticipation du public. C’est de la grosse matière brute à utiliser pour nous en bout de ligne. Tu penses à des manières de les surprendre en fonction de ce qu’ils connaissent déjà. C’est devenu inspirant pour moi.
Y avait pas de pression?
Quand on a commencé à parler de l’album et qu’on avait une page blanche, on se demandait ce qu’on allait faire. Là, c’était une pression. Ça a créé une pression qui n’existait pas parce qu’on devait trouver un concept alors que ce concept, il était dans l’atmosphère. Il est venu à force d’écrire. C’est ça qui est arrivé, en bout de ligne. C’est devenu une pression positive.
Après tous les lancements et les shows à l’agenda, c’est quoi le prochain move de Snail Kid?
Ça reste à jaser avec Bonsound, mais je pensais a un spectacle de danse contemporaine… C’pas vrai! Idéalement, je n’aurai pas le temps pour tous les autres projets que j’ai en tête parce que les deux projets qui sont là vont bien aller, mais j’ai quand même des projets qui ne concernent pas la musique du tout pour le futur. Je fais du théâtre depuis toujours, c’est quelque chose que je veux continuer à pousser. J’ai aussi des projets d’écriture en gestation. C’est vraiment dans le long terme. Ça va être la musique dans les prochains mois/années. J’vais être occupé pas mal.
En attendant ce fameux show de danse contemporaine mettant en vedette un Snail Kid ressourcé et réinventé, vous pouvez vous immerger dans l’univers intime et chaleureux de BROWN, le projet hip hop familial de Snail Kid où il est entouré de son frère Jam et de son père Robin. L’album, salué par la critique, est désormais disponible en ligne et en magasins.
Le fort attendu deuxième album de Dead Obies, Gesamtkunstwerk, paraîtra le 4 mars. Un documentaire portant sur l’enregistrement de ce nouvel opus devrait débarquer sur les internets d’ici là! Vous pouvez aussi vous rendre au lancement à Montréal qui aura lieu le 10 mars au National. Gros props à Guy Debord!