En 2013, quelques promoteurs de Saint-Hyacinthe se sont réunis pour créer un festival mettant de l’avant la culture maskoutaine au cœur de leur centre-ville. Trois ans plus tard, plutôt que de festoyer le temps des semences, l’Agrirock est le premier festival musical de l’automne, s’enracinant partout dans les endroits chauds de la ville de la Montérégie. Du 24 au 27 septembre, les Maskoutains récoltent le meilleur de la musique, de l’art visuel et de la littérature du secteur.
Musicalement, nous pouvons diviser la programmation 2015 en trois grands volets: la soirée folk avec Dan Livingstone & The Griffintown et Canailles, la soirée rock avec Belmondo, Chocolat, Ponctuation et Oktoplut, ainsi que la soirée plus «expérimentale» avec Organ Mood, Avec le Soleil Sortant de sa Bouche et We Are Wolves. Nous étions à cette dernière soirée et avons profité des autres délices de la programmation.
Départ de Montréal vers 18h. L’arrivée, avec les détours et le parking, se fait dans les alentours de 18h35. Le temps de nous acclimater à l’environnement du charmant centre-ville de Saint-Hyacinthe, nous sommes déjà sommés par les organisateurs-guides-touristiques de mettre les pieds au Studio 57 pour y voir la performance de William Jourdain, artiste électronique utilisant le sobriquet d’Automatisme.
Plongés dans l’obscurité de l’ancien bar devenu studio, les spectateurs assis par terre ou sur les coquets fauteuils écoutent la musique répétitive et presque mécanique d’Automatisme. Nom qui convient parfaitement au projet où les engrenages musicaux entrent en connexion et s’entrechoquent dans un univers sonore non éloigné de celui de Steve Reich. La basse surpuissante menace de faire s’écrouler le plafond pour que le Studio ne fasse qu’un avec la piste de Laser Tag qui se situe au-dessus. Par chance, nous avons évité le pire et sauvegardé ce haut lieu culturel où de nombreux albums furent enregistrés, comme ceux de Renée Martel.
Nous transitons ensuite de l’autre côté de la rue au Zaricot, haut lieu de festivités et de débandade du coin, pour le reste de la programmation. Il faut dire que cette année, les organisateurs se sont arrangés pour ne pas mettre deux performances en même temps afin que tous puissent profiter de l’ensemble des concerts et, aussi, explorer la ville à travers les sons et les images. Avant que les spectacles recommencent, on rencontre une collègue du site Les Nerds.ca et on partage ensemble un cocktail créé par moi-même pour l’occasion: le Crème de Menth-aindew. Servir avec glace et citron. Un c’est bien, deux c’est triste.
Pendant que nous sirotons allégrement notre canne de Noël liquide, le collectif Organ Mood s’installe pour nous offrir son électro planante agrémentée de projections d’acétates. L’expérience psychédélique concoctée par Christophe Lamarche-Ledoux et Mathieu Jacques intègre le public à l’aide d’instruments électroniques artisanaux, de maracas de magasin de jouets mais, surtout, une attention et une admiration sans borne. Bien que le son des orgues et des synthétiseurs soit baveux à souhait et que les acétates ne soient pas rigoureusement symétriques, l’expérience artistique offerte par Organ Mood dégage une certaine pureté et apaise l’âme. Le groupe termine avec Modulor, une pièce plus dansante, mettant le public, majoritairement assis par terre, dans le bain pour la suite de la soirée.
Avec le Soleil Sortant de sa Bouche est une formation à laquelle les mots peuvent difficilement rendre honneur. Auto-qualifiés de «trance pop», le quatuor mené par Jean-Sébastien Truchy (ex Fly Pan-Am) donne dans le rock krauté, mélangeant psalmodies, moments contemplatifs et intensité s’apparentant au métal. Les pièces s’étendant dans le temps et l’espace pour faire plonger le public dans un état mi-contemplatif, mi-dansant et s’attaque à la fibre primale de ses auditeurs. Le groupe réussit à réchauffer la foule en attendant la prochaine partie et en impressionne plus d’un. Grande découverte pour plusieurs, valeur sûre pour le public maskoutain.
La soirée au Zaricot se termine avec un classique des festivals québécois, We Are Wolves. Leur expérience sur scène et leur longévité se manifestent clairement auprès du public qui en demande encore et encore. Munis de fins masques, ils se départissent rapidement de leur accoutrement, insupportable dans la chaleur ambiante avec l’énergie déployée dans la salle. On souligne la générosité du groupe qui a célébré l’anniversaire d’un certain Mario (mes sources disent que son nom est Marie-Josée) en lui chantant cette fameuse chanson maintenant libre de droits et en sommant la foule de lui faire faire du bodysurfing tant que leur prochaine chanson n’est pas terminée, sous peine d’arrêter net-frette-sec la performance. Le public obtempère et reçoit une décharge massive de rock dansant. We Are Wolves termine, bien évidemment, avec son classique Magique, qui devrait sans doute se mériter bientôt une place dans le folklore québécois.
Nous quittons vers la microbrasserie Le Bilboquet où DJ L’Algorythme conclut la soirée en enflammant la piste de danse jusqu’aux petites heures. C’est ce qui sonne le glas pour nous, qui décidons de retourner vers Montréal. Les vrais de vrais, eux, ont pu profiter du volet littéraire et d’une soirée d’improvisation des Enfants du Feu le lendemain au courant de la journée.
L’Agrirock a une formule qui marche, est organisé par une équipe accueillante et sympathique et mets en valeur tel qu’il se doit le Liverpool du Québec. Si l’on récolte ce que l’on sème, la moisson de l’édition 2015 a été très riche grâce aux efforts acharnés de l’équipe du festival. Maintenant, pour paraphraser Corbeau, il faut s’arranger pour que ça dure.
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