Cela fait depuis mercredi après-midi que tout le monde et leurs belles-sœurs me textent pour me demander si je vais aux Francofolies de Montréal. Des marques d’affection bien appréciées, mais qui nous font réaliser qu’on n’est jamais aussi populaire que lorsqu’on ne peut pas remplir les exigences des autres.

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Loi de Murphy oblige, j’ai choisi il y a bien longtemps que le 17 juin au soir, j’allais me rendre dans la contrée lointaine du quartier St-Henri pour assister au double lancement des derniers albums de Fight Amputation et KEN Mode au Turbo Haüs.

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Par un hasard fortuit ou dans une volonté très canadian et trudeauiste de mettre de l’avant la diversité culturelle au Canada, la longue liste du Prix Polaris de Musique compte toujours au moins un album particulièrement abrasif. Cependant, pour tous les METZ (2013, 2015), Fucked Up (2009, 2011), PUP et Gorguts (2014), on semble généralement oublier KEN Mode (2013), malgré leur prix Juno pour l’album de «hard music» en 2011 pour Venerable. C’est donc dans un cruel silence médiatique que le groupe est venu performer à Montréal dans une salle qui, bien qu’accommodante, se situe très loin du réseau traditionnel des spectacles.

Il faut quand même donner au Turbo Haüs ce qui lui revient. Fondé il y a un peu plus de deux ans par les membres du défunt groupe Trigger Effect, la salle s’efforce de faire la promotion du meilleur des scènes punk, hardcore et métal locales et internationales. Initialement situé sur St-André, dans un immeuble de locaux de pratique derrière le Centre Bell, l’équipe a déménagé au courant de l’année dans l’ancien édifice de la Banque Molson. Ce faisant, ils ont troqué la proximité au centre-ville pour des installations solides, une revitalisation de la scène dans un quartier émergent et, surtout, une salle où il y a de la circulation d’air. On peut aussi y voir quelques artefacts reliés au groupe Trigger Effect et, surtout, à son regretté chanteur Nick Babeu, décédé en novembre 2013.

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Le trio winnipegois parcourt en ce moment le nord des États-Unis avec le groupe philadelphien Fight Amputation (Fight Amp pour les intimes) pour promouvoir mutuellement leurs nouvelles parutions, soit l’album Success pour le groupe canadien et l’album Constantly Off pour les Américains. Pour leur passage à Montréal, la première partie était occupée par les groupes locaux Fashion Police et The Great Sabatini.

Vers 21h30, Fashion Police prend d’assaut la scène du Turbo Haüs. L’accoutrement du chanteur peut paraître contre-intuitif et mener l’auditeur néophyte vers une mauvaise analyse de ce qu’il s’apprête à entendre. Une chemise tropicale dans un spectacle hardcore? Qu’est-ce que cette charlatanerie? En moins de cinq secondes, tous les préjugés envers les vêtements hawaïens tombent à l’eau. Le quatuor nous offre une prestation énergique et puissante qui n’est pas sans rappeler quelques itérations des Guenilles.


22h15, The Great Sabatini s’installe et livre une performance plus stoner et démontrant une habilité et une gymnastique musicale implacable. Avec près de sept ans d’expérience derrière la casquette, le quatuor a offert à la soixantaine de personnes qui se sont déplacées des riffs pesants, des cris à quatre voix et une reconnaissance incroyable d’avoir bougé de chez eux un mercredi soir.

Fight Amp s’installe pour la suite des choses. Le nombre de gens semble diminuer dans la salle, mais ceux qui restent sont visiblement sous le charme du sludge punk du trio américain, à voir le nombre de têtes qui brassent et de cheveux qui volent dans tous les sens. Les interventions du groupe avec la foule revêtent une allure comique mais ne font que très peu mouche. Il s’agit peut-être du seul bémol dans la performance, ce qui en dit long sur la qualité de l’ensemble. Cependant, les applaudissements se font de plus en plus rares. Et j’entends de moins en moins les voix dans les hauts-parleurs. C’est peut-être parce que je commence à devenir sourd.

Finalement, dans les environs de minuit, les winnipegois de KEN Mode arrivent pour défendre le matériel de leur nouvel album. Ces nouvelles pièces sont plus linéaires et démontrent moins les prouesses techniques du trio, mais demeurent, néanmoins, des chansons massives qui peuvent réveiller les morts. Ces titres sont enchaînés avec du matériel passé, notamment de l’album Entrench, de 2013. L’heure tardive et l’heure de vélo séparant le Turbo Haüs de mon domicile m’obligent à quitter vers la moitié de la performance, mais il ne fait aucun doute que le trio a effectué un parcours sans fautes.

Le choix de jouer dans une ancienne banque n’est pas innocent, parce que c’est là que se sont cachés, mercredi soir, les trésors méconnus de la scène loud canadienne et américaine. N’en déplaise à mes collègues qui sont allés au Francofolies. De toute façon, ils n’avaient qu’à ne pas me laisser braver seul le concert de Bigflo + Oli dimanche dernier. Ça leur apprendra.

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