4ad
États-Unis
Note : 8/10
Après le succès des deux précédents opus, le brute Alligator et le magistral Boxer, la pression devait être immense sur les épaules de Matt Berninger et de sa troupe de musiciens. Et afin de mieux préparer ce qui suivrait ces deux albums, le groupe s’est entouré de collaborateurs puissants, tels que Sufjan Stevens et Justin Vernon, permettant ainsi de produire un disque beaucoup plus enrobé, où les chorales et les cordes jouent un rôle de premier plan pour supporter la claustrophobie lyrique de Berninger.
Dès les premières secondes de Terrible Love on entend ce changement : guitare très dense avec effet de tremolo qui meuble le fond sonore et voix amplifiée avec reverb sont à la base du couplet, alors qu’au refrain s’ajoute des frappes de batterie signées Bryan Devendorf et très caractéristiques de The National. Au deuxième couplet on retrouve la lenteur mélodique précédente bonifiée avec voix arrière avant d’accéder à un crescendo d’intensité avec l’augmentation des frappes de percussion. Exit la douceur mélodique de Boxer ou l’émotion frustrée et criée d’Alligator ; le groupe passe à des structures et des articulations plus répandues.
Mais High Violet est loin d’être un album mainstream. Le groupe originaire de Brooklyn continue d’étendre son identité musicale à chaque moment. Vanderlyle Crybaby Geek s’amorce avec une envolée de cordes avant que le baryton de Berninger n’intervienne pour ramener le tout sur terre. Bloodbuzz Ohio possède toutes les qualités pour se classer comme la chanson « de base » pour identifier le groupe : rythme de batterie toujours cassé, arrangements sublimes mais subtils, interventions de notes de piano lors des ponts musicaux, guitare omniprésente mais timide et voix noble troublée. A Little Faith, Lemon World et Conversation 16 sont trois morceaux inquiétants et construits autour des problèmes urbains de notre époque : société fragmentée, problèmes relationnels, mensonges, etc. Runaway peut faire penser à Green Gloves avec son arpège de guitare acoustique, ses refrains apaisants et un climax toujours grandissant.
Ce qui fait la force de l’album est sa capacité à venir toucher directement l’auditeur sans avoir à exagérer ou employer une panoplie de clichés. S’il y a effectivement beaucoup plus de violons et de chorales que sur les précédents albums, High Violet n’a tout de même pas sa place sur une bande FM parasitée par des surproductions majoriennes polies et lissées jusqu’à en perdre l’essentiel. Jamais Matt Berninger et son groupe ne franchissent la frontière entre arrangements nobles et saturation ridicule. Même England, qui constitue certainement la piste dont l’émotion est la plus générée par des instruments à cordes et à vent, demeure dans la catégorie du respectable. Il s’agit même de la meilleure pièce de l’album, morceau capable de faire flancher notre bonne humeur d’un coup de refrain. Il s’agit donc d’une énième réussite pour The National, qui se renouvelle sans perdre de vue ses visées originales, c’est-à-dire composer de l’excellente musique par des citoyens aux problèmes ordinaires pour des citoyens aux problèmes ordinaires.
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