XL Recordings
Angleterre
Note : 7,5/10
Thom Yorke est un bel exemple de fidélité. Depuis 15 ans, le line-up de Radiohead n’a absolument pas bougé et cette situation est de plus en plus rare dans la musique moderne. Cependant, notre Oxfordien témoigne ces dernières années d’une envie prononcée pour des projets plus électros en parallèle de Radiohead. En 2006, son album solo The Eraser avait déjà enclenché cette évolution et s’était imposé comme l’acte fondateur d’Atoms For Peace.
En effet, le groupe fut créé pour jouer en live The Eraser – le nom Atoms For Peace (du nom d’un discours d’Eisenhower en 1953) est le 6ème titre de The Eraser. Groupe ou plutôt armada, tant Thom Yorke a su s’entourer de musiciens de renom: le bassiste des Red Hot Chili Peppers, Flea, le batteur de Beck, Joey Waronker, le roi des percussions pour David Byrne, Mauro Refosco et l’incontournable prince des claviers et de la production de Radiohead, Nigel Godrich. Musiciens talentueux, charisme incontestable du chanteur, tous les ingrédients étaient présents pour un résultat émoustillant les papilles auditives.
La seule interrogation qui subsistait était de savoir si le chef étoilé Thom Yorke allait utiliser ses compères comme de simples commis totalement dévoués à son savoir-faire ou au contraire ne pas hésiter à déléguer en cuisine. Après de multiples écoutes, il est incontestable que la patte Thom Yorke est bien posée sur tous les titres et que certains n’auraient pas surpris sur les menus de Radiohead. Maintenant, je ne tomberai pas dans l’excès en affirmant comme beaucoup que Thom Yorke a étouffé les aspirations culinaires de ses compères.
Le titre Amok, signifiant folie meurtrière (à ce sujet, la très belle nouvelle de Zweig Amok ou le fou de Malaisie), et la pochette très sombre et particulièrement belle avec sa structure en accordéon nous annoncent plutôt un album assez froid et sombre. Il est certain que la cuisine d’Atoms for Peace n’est pas une cuisine du soleil où les ingrédients explosent immédiatement en bouche, plutôt des ingrédients à première vue sans grande force, mais qui laissent à la fin dans le palais des saveurs inespérées.
Before Your Very Eyes… plonge ainsi immédiatement dans les méandres de The Eraser, la voix de Thom Yorke en fil conducteur (une des voix les plus reconnaissables de ces dix dernières années?) savamment entourée de drums en mode afro-beat, de sonorités liquides et d’une basse gourmande. Le titre fonctionne bien comme Default qui, malgré la basse de Flea, sonne vraiment comme du Radiohead.
Un Ingenue aux sonorités plus âpres et plus obscures porté par une boucle incessante torturant l’esprit amène sur un plateau l’excellent Dropped, volontiers plus rythmé et au risque de prononcer ce qui pourrait sembler une infamie pour Yorke, plus rock. Disons que sur ce titre j’ai à peu près la même impression qu’en écoutant Caribou, dansant à première vue, mais terriblement calculé en réalité. Un Unless sombre à souhait, un Stuck Together Pieces et sa basse très chaude, l’excellent Judge Jury and Executioner rappelant les premiers albums de Radiohead, les bons titres s’enchaînent. L’album finit davantage dans la douceur avec le très beau Reverse Running et le plus complexe Amok.
Sans forcément surprendre et transcender, AMOK est un bon album qui confirme bien que Thom Yorke a encore beaucoup à nous faire passer, que ce soit avec Radiohead ou avec Atoms for Peace.
Morceaux préférés: Dropped – Judge Jury and Executioner – Reverse Running – Unless