Dur matin où l’essoufflement physique et psychique commence à se faire sentir. On prend rapidement congé du spectacle de la relève charlevoisienne qui a lieu dans notre tente (pour ne pas dire dans notre corps) pour aller déjeuner. En fait, on est parti tout juste après avoir fait la connaissance de Garou version Secondaire en spectacle.
Par Élise Jetté et Julien Roche
On colle une éternité à nos sièges au bistro La Muse, question de se remettre les yeux en face des trous, en se frappant les cuisses d’histoires sur Kevin Parent. Les casseroles et les bénédictines sont un upgrade significatif sur par rapport aux huevos de la veille (ou ce sont les mimosas qui ramollissent nos caprices).
On est rendu à une portion du week-end où on commence à sentir la présence inhabituelle des 40 000 festivaliers dans une ville qui en compte 8 000. En gros, les autres humains sont vraiment trop là. On écoute quelques tounes de Tire le coyote sur le quai, dont sa traduction libre de Video Games de Lana Del Rey. Un hélicoptère surgit au même moment et le chanteur s’exclame: «Ça doit être Lana». Puis on file tout droit vers le Mordor de glaise qui nous jute à travers les orteils. Au bout du périple: le sanctuaire. On s’installe le cul dans l’eau, au coin Saint-Laurent/du Gouffre. Pas de crème solaire. Pas de cellulaire. Pas de souci.
La Cour à Johanne est remplie de forains assis, sereins, qui apprécient tout autant que nous un spectacle surprise à l’ombre. Philémon Cimon, attendrissant de nervosité, explique ses premières phrases qui tiennent par du tape en s’écriant «chu Gauvreau!». Il est aussi super excité au moment où Pomme joue avec sa guitare: «Je suis fan de Pomme, c’est pour ça que je parle toujours de pommiers dans mes chansons.»
S’ensuivent des chansons touchantes avec Pomme à l’appui et de larges exposés historiques sur St-Joseph-de-la-Rive, hameau voisin, qui devrait considérer Philémon comme ambassadeur officiel – rarement entendu un gars jaser de son village avec autant d’amour sincère.
«Il va où le capo?», demande Pomme avant l’un de leurs duos. «Tu peux tricher et faire semblant de jouer comme à la télé française», répond Philémon en riant.
Durant la prestation, il est aussi souvent question de LSD.
Détour vers la scène Pantoum/ la Bête pour rejoindre Gab et Mertin, le duo le plus fusionnel du festival: CRABE. Une foule compacte est au rendez-vous pour une petite rasade de musique normale.
Le temps d’un jingle de la Nintendo Wii, le band prend un instant pour nous confier que «Martha Wainwright aime vraiment une de nos tounes, elle l’a dit au show de Louis-Jean Cormier» avant d’entamer Ab hoc & ab hac, extrait de Le Temps Feel.
Les gars s’amusent avec une complicité punk gamine qui nous fait oublier qu’ils ont déjà une décennie de carrière et que le récent Notre-Dame de la vie intérieure est leur 7e (!) album.
«Après nous, c’est Fet.Nat, c’est un groupe de malades. Ils sont tout le temps en train de nous copier, mais genre un an à l’avance…»
– Mertin
Fet.Nat offrait un show et un set assez similaire à sa présence aux Francos
Ils offrent peu d’interactions entre les décoctions jazz-punk qu’on leur connaît et la poésie franglaise ronchonnée de JF.No.
La foule est polie, quoique assez maigre pour un groupe dont l’album récent se retrouve en short list du Polaris… surtout lorsqu’on se rappelle comment Les Louanges, également sur la shortlist, a tout brûlé jeudi soir!
Enfin! Les fans, très nombreux à se coller dans la boucane chaude des food trucks avoisinants, auront enfin autre chose à se mettre sous la dent que le court EP Jikaku.
C’est de la bouche du célèbre curé Armand Bégin que l’on apprend la sortie imminente d’un album pour la troupe de rock surf/eleki. Ce même curé Bégin aime le métal et tolère les beuveries sur le parvis de son église, « tant que ça se ramasse après ».
Il en est seulement à son deuxième Festif, lui qui passait d’ordinaire ses vacances à l’extérieur, mais c’est en direct de son garage que trombones, flûtes et guitares se font aller.
Chapeau à une foule très dense malgré les Trois Accords qui font une féroce compétition à trois minutes de marche.
Élise sacrifie sa nuit de sommeil pour assister au show de Philippe B au lever du soleil.
C’est facile pour personne, comme en témoigne cette image:
Il n’y a pas d’endroit inapproprié pour se planifier un trip à trois.
Sur le quai à l’heure du midi, on essaie de rester réveiller en se recrinquant à la bière. Emilie Kahn nous berce pour la fin des festivités et c’est dans cette enveloppe qu’on se met à la poste. Retour à Montréal après tout ce qu’il y a eu de beau à Baie-St-Paul.