Récit photographique d’une hypocondriaque dans un show rock
Rencontre de Daniel, vortex, promiscuité avec les «tripeux», un verre laissé trop longtemps sur le bar, une vue en plongé sur la chevelure de la personne en avant de moi et une musique enivrante dans les oreilles. Une soirée en compagnie de Jesuslesfilles et de Lemongrab, qui s’est vécue comme un récit photographique, mais en plus flou – iPhone pourri oblige – et sur fond d’inquiétude d’avoir été droguée en catimini.
Il peut s’écouler un temps important entre le moment où on entre dans une «taverne» et le moment où on se rend à la source de la douce distorsion qui chatouille ses oreilles. J’ai dû parcourir l’équivalent de ce qui m’a paru être au moins 1,6 km de course quand tu as 8 ans et que ton père marathonien te force à courir avec lui.
Une fois rendue suffisamment proche de la «scène», je me suis retrouvée enclavée entre des fans impatients de Jesuslesfilles et le personnel du bar, lui-même pris en souricière dans son propre espace de travail. Un souvenir de la grève de 2012 m’est d’ailleurs revenu, mais j’ai ravalé les restants de mon choc post-traumatique à coups de lampées de Cheval Blanc.
Étant une journaliste et photographe sérieuse, j’ai tenté de trouver l’angle parfait pour croquer les visages de ceux qui jouaient des tounes qui me faisaient me dire «c’est bon en maudit ça», en opinant du bonnet.
Afin de manier mon appareil, lequel est quelque peu capricieux, j’ai dû laisser ma pinte, toute seule, au bar. Un iPhone 5 qui a vécu l’Amérique centrale et les toilettes de la job, ça se manipule avec soin. Quelques clichés pourris à souhait plus tard, j’ai dû abdiquer.
«Y a tu du monde chaud à soir?!?!», de lancer avec conviction le batteur (Benoît) de Jesuslesfilles. Dans l’élan du désir soudain de pouvoir connecter avec Benoît, j’ai pris ma pinte et j’en ai pris une bonne grosse gorgée. Une gorgée de championne. «Oui mon Ben, y a du monde qui est avec toi». À 22h cela dit, force était de constater que Jesuslesfilles étaient les plus éthylés de la gang.
Cela m’a donné juste assez de temps pour me rendre compte que ma pinte, elle avait fait un séjour style spa relaxation sur le bar, pendant que je jouais à National Geographic. «Ça y est j’ai les jambes molles.» Assurément, quelqu’un avait mis du GHB dans mon verre. Ça allait de soi. J’étais condamnée à finir le show à genoux, complètement dans les vapes.
Résolue devant l’inéluctable, j’en ai tout simplement profité pour vraiment écouter. Ça tombe bien, c’est Parasol qu’ils ont jouée à ce moment-là. Du rock garage – c’est du moins ce que disent les spécialistes – c’est excellent, d’autant plus quand c’est aussi bien fait que dans le cas je Jesuslesfilles. Si j’avais une orientation musicale, ce serait sûrement hip-hop. Moi je tromperais n’importe quel de mes rappeurs pour Jesuslesfilles. C’est dit. Puis la toune +1 est ce qui s’approche le plus de mon désir de faire un roadtrip, ben choquée, en m’enlignant des cigarettes.
Comme il ne me restait que quelques minutes de lucidité, j’ai demandé à une inconnue de prendre des photos pour moi. Malheureusement, la partie de Jesuslesfilles tirait à sa fin. J’ai envie de repasser à travers ma crise d’adolescence juste pour justifier d’aller à tous leurs spectacles, avec le mascara coulant et plus de trous que de tissu sur le corps.
Pour ce qui est de Lemongrab et de leur lancement de EP, je dirai simplement que c’est chouette, un groupe leadé par des filles. La chanteuse me faisait penser à Courtney Love dans le temps de Hole. Mais j’aurais vraiment dû ne pas gaspiller le temps d’antenne de Jesuslesfilles à angoisser sur la prétendue présence de GHB dans mon verre. Y en avait pas. On se voit à leur prochain show?