Jeudi soir, Safia Nolin rencontrait son public dans le noir, mais avec un peu de lumière quand même. On n’a pas voulu prendre de photo parce que ça se passait au Théâtre Outremont et que, quand t’es assis au milieu d’une rangée au théâtre, tu bouges pas de là, sinon tu dois faire lever dix personnes. On sait vivre.
On a fait un dessin de la scène pour que vous ayez une idée. On espère que vous aimez ça.
Pour la première toune, Miroir, Safia monte sur scène prête pour l’Halloween, déguisée en fantôme avec une belle couverture sur la tête. Tu ne nous fais pas peur, Safia.
Pour Belvédère, qui suit, elle nous montre enfin son visage lunetté. Aux côtés de son complice Joseph Marchand, elle a l’air de Batman avec son Robin. Autour d’eux, des pyramides de Gizeh en verre et en miroirs qui sont parfois allumées, parfois non, nous laissent dans la thématique nocturne de la chose.
Quand Safia finit par nous dire «Allô», un homme dans la salle hurle un «Bravo» franc et puissant. «J’aimerais savoir s’il compte le refaire», demande Safia. «C’est pas son premier, en tout cas», rétorque son acolyte, assuré que cette voix n’en est pas à son premier cri.
«Ouh la la. C’est grand le Théâtre Outremont, réalise celle que tout le monde regarde. Il faut rebrousser chemin et retourner en boule dans son lit. J’ai des petites émissions à écouter, moi.»
Joseph demande à Safia si elle est déjà venue ici. «Quoi? Trouves-tu que j’ai l’air de quelqu’un qui va pas voir des pièces de théâtre?», l’envoie-t-elle amicalement promener.
Puis, la chanson Dagues résonne avant que Joseph abandonne Safia seule sur scène pour son premier single, Les chemins. On entend ses doigts qui glissent sur les cordes, érigeant une intimité encore plus tangible entre la jeune femme et chacun de nous. Après la chanson, un Français dit «Haaaaaa, mais oui, mais oui.» (Important de l’entendre avec l’accent).
Safia téléphone à Joseph pour qu’il revienne. Une chance qu’elle avait son iPhone à portée de la main.
Ils enchaînent ensemble avec Je ne comprends pas, puis, Safia s’en va profiter de son décor égyptien en se plaçant dos au public, le visage face au miroir-pyramide. Et elle nous chante cette pièce qu’on connaît depuis longtemps, qu’on a l’impression de connaître depuis toujours tellement elle nous a habités longtemps: La laideur.
Avec Joseph, elle nous demande de chanter bonne fête à son amie Rosalie. Elle est assise en avant de moi, Rosalie, et elle est vraiment contente. Et Safia nous sert sa recette personnelle de Loadé comme un gun d’Éric Lapointe. Elle y met un peu de cardamome contrairement à lui.
Dans 1998, elle nous plonge dans son «été six pieds sous terre», une métaphore qui n’est pas sans faire frissonner les plus sensibles (moé).
Elle nous sort son coat en glitter pour interpréter une «chanson médiévale de 1405, dit Safia. Ça parle aussi un tout petit peu de jardinage, mais sans être sûr qu’on a le consentement pour cultiver le terrain.» Et c’est Belle de Notre-Dame-de Paris, une pièce qui pourrait agréablement figurer sur un second album de reprises.
Sans titre suit, pendant que Joseph se cache derrière une pyramide de Gizeh. Et La Force revient sur scène (elle faisait la première partie qu’on a manquée avec désarroi). Elles nous font leur magnifique duo bilingue Lesbian Break-up Song. Puis le téléphone sonne. C’est Joseph. Il était en train de manger un biscuit feuille d’érable. «Y’est parti. Il n’aimait pas ça, les lesbiennes», dit-elle à la blague pour semer la zizanie.
Elle simili-improvise une toune de remerciements sur un beat offert par son guitariste et elle chante les noms de tous ceux qui ont rendu le spectacle possible.
Elle termine avec Technicolor et France, après avoir expliqué qu’il n’y aurait pas de rappel pour lui éviter de faire de l’anxiété. Et les vitraux d’inspiration pharaoniques s’allument enfin sur l’artiste qui n’est plus tout à fait dans le noir. Malgré tout.