Le rappeur du Plateau récolte le fruit de ses plantations avec la parution de Zay, un premier album officiel filtré et bien gayé qu’il a concocté avec son acolyte LeMichel Silencieux et qui paraît sous l’étiquette 7e Ciel Records.
En l’espace de quelques années, le rappeur montréalais FouKi est passé de rimer dans sa tête et enregistrer dans sa garde-robe à collaborer avec des idoles et faire paraître un premier album officiel sur 7e Ciel Records, une étiquette notoire de la scène locale. Grâce à une signature originale misant sur un flow généralement posé, un lexique propre inspiré du reggae, des thèmes universels accessibles et d’ingénieuses productions de son comparse QuietMike, le emcee du Plateau a fait tourner les têtes du milieu et s’est attiré une légion de fanatiques à travers la Belle Province. Étant pizzaïolo de profession, le jeune rappeur sait qu’il faut mettre la main à la pâte et manger ses croûtes pour arriver à ses fins.
Après avoir parlé à son manager (Rick, Rick, Rick, Rick), on est allé à la rencontre de FouKi pour discuter de la conception de son premier album, de gentillesse, de maturation et du chemin qu’il a parcouru pour s’implanter dans la scène locale comme étant un des jeunes talents à surveiller de près.
La grande traversée en scooter
La parution de Zay n’est pas tombée du ciel. En fait, la production de cet album a été faite en amont des projets indépendants Plato Hess, Extendo et Sour Face Musique que FouKi et QuietMike (son discret comparse et beatmaker qui ère dans le monde comme si celui-ci était une bibliothèque à ciel ouvert) ont eux-mêmes mis sur pied au fil des deux dernières années. Constamment inspiré et palpant la vive réaction du public face à ses créations, le duo a poursuivi son élan et a fait paraître le EP Pre_Zay, supporté par le fort résineux single Gayé, à l’été 2017 en guise de mise-en bouche d’un premier album officiel qui allait ultimement être lancé ensuite. «On n’a pas arrêté de faire du beat de notre bord, mais ce qu’on essayait de faire pour l’album, c’était d’accumuler les chansons avec lesquelles ont étaient vraiment down. Pour ce qui est du hype, je dirais que ça s’est fait un peu tout seul. On a sorti trois projets en un an et les gens s’étaient habitués à avoir constamment de la nouvelle saveur Fouki. Donc quand ils ont remarqué qu’ils n’en avaient plus, c’est là qu’ils se sont dit «ça sort quand?» Pour l’écriture, Michel et moi on y allait vraiment avec le feel, dans le sens que si tous les deux on aimait vraiment telle ou telle autre chanson, on se disait que c’était sûr qu’elle se trouverait sur l’album.»
Le tandem FouKi et QuietMike a fait son bout de chemin sur la mobylette du succès depuis ses modestes débuts lorsqu’ils collaboraient à distance via courriel. Désormais réunis sur l’île de Montréal, ils font des flammèches sur de grands lots de productions et font prolifiquement paraître un paquet de morceaux tous plus accrocheurs les uns que les autres. La machine est plus huilée que jamais. «Michel et moi, maintenant, quand on fait de la musique ensemble, c’est comme se brosser les dents. C’est facile et ça se fait tout seul. Des fois, ça peut devenir plus compliqué quand t’as beaucoup de caries ou si t’as des broches, mais overall, ça se fait pas mal tout seul», remarque-t-il, en soulignant le cheminement de leur chimie artistique. «De Plato Hess jusqu’à Zay, je vois une progression autant au niveau de ses prods que de mes flows et mes verses. Il y a une maturité qui s’est faite à tous les niveaux. C’est plus représentatif de qui on est en tant que personnes. C’est plus complet.»
Pas juste la brindille qui est allumée
Malgré sa propension aux fines herbes de consommation, FouKi se sert de son art pour mettre de l’avant une grande volonté de travail et de détermination. Ses éloges de la drogue douce passent par un désir et un souci d’élever les esprits. «En fait, je trouve que le weed est pas mal trop associé aux jeunes qui vont s’écraser sur un divan avec leurs amis et jouer aux jeux vidéos jusqu’à l’âge de 30 ans. Personnellement, je ne le vois pas comme ça. Si je suis high, je vais avoir envie de m’activer, de faire de la musique, de créer quelque chose. Je le souligne dans Tu C Déjà: je reste alerte même si je suis stone. C’est sûr qu’il y a des limites, mais tout est bon avec une certaine modération. Il faut pas banaliser la chose, mais c’est pas la fin du monde.»
Ces messages positifs qui teintent la vision et la démarche de FouKi sont parsemés sur l’album comme du basilic sur une pizza. Sur la pièce Nonon, par exemple, il va de l’avant en faisant l’éloge du self-love, du respect et de l’humilité dans une ère de constante mise en scène sociale et personnelle. «Je me souviens que lorsque j’ai écrit ça, j’étais vraiment dans un mindset de «esti que les gens veulent de l’attention!» La chanson a drop toute seule. Elle est développée autour d’un concept: le premier verse, c’est l’homme qui a besoin d’attention, dans le deuxième c’est la femme, pis au final, c’est moi dis que je suis pas intéressé à tout ça. C’est une des chansons de l’album qui a une ligne narratrice. Tu peux imaginer des scènes dans ta tête sans avoir de clip. C’est un peu une dénonciation de la superficialité.»
À travers toute cette volonté de tendre vers un monde meilleur, FouKi se présente comme un membre émérite du Gentil Gang. Cela dit, il collabore également avec le rappeur Jam qui était sur la désormais légendaire chanson Les gentils aux côtés de Maybe Watson et P-Dox. C’est à se demander qui remporterait la palme dans un combat ultime de gentillesse. «Jam est très gentil, mais il est aussi assez baveux. Il peut lancer une joke, mais avec un double sens. Les couteaux volent souvent bas. Ce serait une bonne bataille de gentillesse, c’est clair, mais je pense qu’au final, je ne peux pas battre un moine gentil. Je suis encore le p’tit gars qui passe la messe, lui est rendu curé. J’ai pas le choix de dire que c’est lui, mais c’est sûr que je marche dans ses pas. Un jour, l’élève va dépasser le maître.»
Processus de maturation
Malgré ses habitudes de création et le chemin parcouru en de façon indépendante, FouKi affirme que l’aboutissement de Zay aura été pour lui un grand exercice d’humilité et de progression sur une tonne de plans. Sur la chanson Playa, celui-ci mentionne que ça ne sert à rien de cacher ses blessures et qu’il assume maintenant les siennes. «En fait, le simple fait de signer avec 7e Ciel est une grosse maturation en soi. Dans le sens que je peux maintenant montrer que je suis professionnel. Je ne suis pas juste en train de me questionner si ça va marcher un jour et me faire demander si j’ai une «vraie» job. Il y a une évolution autant au niveau personnel qu’artistique. Pour moi, c’est le début d’une nouvelle ère. J’espère que dans cinq ans, avec le recul, l’album va devenir encore plus incroyable.»
ZAAAYYYY!
L’album Zay de FouKi est maintenant disponible en magasins et en ligne (en écoute gratuitement en plus, aucun besoin de PirateBay)
Pour la suite des choses, FouKi prévoit faire le tour des festivals au cours des prochains mois. Il sera de passage le 18 mai à Santa Teresa (Ste-Thérèse), le 9 juin au Beachclub (Pointe-Calumet) ainsi qu’au MTELUS aux côtés de Roméo Elvis le 5 juillet et au FEQ le 14 juillet, notamment. Pour plus d’informations, ça se passe pas mal sur sa page facebook ou encore bandcamp.
G.R.O.S G.A.R.S !