R-E-S-P-E-C-T. Tout le monde veut ça, mais tout le monde a une définition différente. La preuve, Aretha Franklin en demande, mais elle veut surtout que vous sachiez ce que ça signifie pour elle. On dit que les jeunes n’en ont plus et qu’il faut en donner aux vieux, aux autorités, aux traditions.
Pour trouver réponses à ces questions, nous sommes allés suivre une leçon avec le groupe qui prétend être le plus respectable: Les Respectables! Ceux-ci ont présenté leur spectacle 25e anniversaire au Théâtre Outremont le 27 février dernier.
Déjà en se rendant au concert, on trouve dans le métro un guide du bon chrétien. Est-ce la base pour se mériter du respect que de suivre au pied de la lettre les Dix commandements? Peut-être. On verra une fois là-bas.
Promesse de spectacle en deux parties, on comprend que la seconde sera un hommage aux Rolling Stones. Une marque de respect envers les aînés. Donc, pour être Respectable, il faut d’abord en montrer, du respect? Ça paraît logique.
Prévu pour 20 h, le spectacle ne commence qu’à 20 h 30, ce qui laisse amplement le temps au public, majoritairement grisonnant, de s’échanger des crayons et des nouvelles. On jurerait qu’ils préparent un bingo des plus grands succès des Respect’. Ça serait une brillante idée, si seulement elle s’était avérée vraie.
Le coup d’envoi est donné par deux femmes qui, quittant les coulisses pour rejoindre les sièges, se trompent d’accès et passent par la scène. Celles-ci seront en quelque sorte les meneuses de claques qui crient plus fort que les autres et qui se lèvent pour aller danser à l’avant de la salle. La foule donne peu de respect pour leur initiative.
On fait c’qu’on aime (We want the sunshine) donne le coup d’envoi et, surtout, définit l’un des traits marquants de la soirée: le son étouffé. Plante s’adresse à la foule, mais on distingue à peine les mots. De ce qu’on en comprend, il dit des choses comme «On se rappelle pas de nos années 90» et «On a fait le Centre Bell pour notre 15e anniversaire», ce qui sonne comme une pointe passive agressive destinée au public absent, qui occupe la majorité de l’espace au Théâtre Outremont.
Les Respectables ont choisi une mise en scène très épurée. La troupe n’est surmontée que d’une bannière qui rappelle que la tournée anniversaire est commanditée par les vêtements Jack & Jones. Sébastien Plante porte d’ailleurs le gaminet assorti, les autres ayant choisi le look «chemise noire et chapeau extravagant». On prend des notes: pour attirer le respect, le bassiste Stéphane Dussault porte le chapeau de cowboy rouge. C’est audacieux, l’accoutrement d’une rockstar.
Et malgré le minimalisme, on se demande un peu comment ça se fait que le batteur Stéphane Beaudin a besoin de bouger lui-même son micro à la hauteur de sa bouche pendant la chanson… Si c’est à sa demande que les micros ne sont pas placés de sorte à ce que rien ne bouge quand il doit faire des choeurs, il pourrait y avoir un roadie qui se charge de placer les choses. Quel manque de respect.
Tous les hits y passent: L’argent fait le bonheur, Ma vie à l’heure, Amalgame, la toune que Xavier Caféine pense qu’elle ressemble un peu trop à une des siennes, L’homme 7:00 up, tout! Si L’argent fait le bonheur fait lever de son siège un grand total de quatre personnes, incluant les deux VIP sorties des coulisses, la foule se dégrise vers la fin du set. Du moins, la moitié qui a bien voulu danser. Certaines personnes font tout de même des signes du diable en restant bien enfouies dans leur fauteuil de théâtre. Cette vision est touchante et excessivement oblique.
Pas besoin de rester pour la partie des Stones pour avoir un portrait de ce qui inspire le respect. En 45 minutes, les Respectables nous ont montré qu’il s’agit de tenir ses convictions et de faire fi de la critique. Sauf que si on dit que les jeunes manquent de respect, dans la vie, le rendu final ici nous a également montré pourquoi le rock est en train de passer de mode chez eux.