Alors qu’on sort nos tops de fin d’année, on a aussi voulu laisser une certaine place aux musiques plus spécialisées. Question de flasher en ayant l’air vraiment nice, on s’est donc donné, encore cette année, la lourde tâche de monter un top 5 des meilleurs albums québécois de musique expérimentale. Qu’est-ce qu’on entend par là, me direz-vous?
Voici le FAV Dictionary à la rescousse.
Musique expérimentale: Nom féminin désignant un ensemble de sons pas écoutables ramassés ensemble pour donner un résultat encore plus fuck all qu’au départ question de sonner comme un hangover vécu de peine et de misère en plein milieu de l’apocalypse.
C’est avec ce constat de départ on ne peut plus encourageant qu’on a donc décidé de vous présenter les cinq plus écoutables du lot. On vous parlera des cinq pires une autre fois, mais juste si vous êtes prêts à nous laisser vos tympans en échange. Faut ben remplacer les nôtres…
5. Pas pire pop, I Love You so Much – Avec le soleil sortant de sa bouche
La formation kraut-funk montréalaise nous avait fait languir après la parution de l’excellent Zubberdust! en 2014, mais Pas pire pop aura amplement valu l’attente. Se laissant aller toujours plus en avant dans des productions aux tendances afrobeat et dans des explorations à n’en plus finir, les Montréalais frappent fort avec un album de trois pièces bien déclinées et variées, qui permettent de voyager à moindre coup. Le genre d’album qui s’apprécie excessivement bien par une chaude journée d’été.
4. Ex Eye – Ex Eye
J’avais été un peu perplexe à la sortie de l’album, je dois l’avouer. Je m’attendais à l’époque à un produit plus complexe, plus étrange, et mes attentes particulièrement hautes n’avaient alors pas été comblées. Faut dire qu’un band de métal avec Colin Stetson et Greg Fox, deux collaborateurs découverts sur d’excellents projets dans le passé, avait de quoi promettre de grandes choses. Et avec le recul, c’est effectivement ce qu’il a fait. On n’a pas toujours besoin de réinventer la roue quand on varge aussi bien que ça, avec la profondeur complexe des saxophones de Stetson et une tonne de guitares nerveuses pour les accompagner. Au final, on fait face à un album solide dans tous les sens du terme.
3. Pools of Light – Jessica Moss
Pour ceux qui ne replacent pas Jessica Moss, on a déjà pu entendre la violoniste montréalaise aux côtés de Silver Mt. Zion, Black Ox Orchestra, Broken Social Scene et Arcade Fire, dans le temps où ils étaient encore bons et pas des pop stars internationales. Oui, rien que ça. Depuis 2014, elle a commencé à présenter des compositions en solo, sortant un album assez efficace de deux très longues pièces intitulé Under Plastic Island en 2015, album d’ailleurs enregistré avec Guy Picciotto de Fugazi. Plus complet et complexe, Pools of Light présente trois compositions divisées en plusieurs mouvements, mais avec des subtilités plus franches, moins conçues pour le live. Dans un esprit très hivernal et froid, le produit fait du bien de par les images très libres qu’il apporte chez le spectateur. Et bravo à Radwan Ghazi Moumneh qui prouve encore une fois ses talents de réalisateur!
2. Music to Draw to : Satellite – Kid Koala & Emiliana Torrini
Potentiellement un des albums les plus beaux de l’année. Offrant une musique étonnamment paisible, aérienne et subtile, Eric San se surpasse ici en ne mettant pas nécessairement à l’avant ses talents avec les tables tournantes, mais plutôt avec les textures vocales. C’est là que réside l’apport de la chanteuse islandaise Emiliana Torrini, peu présente sur ce long album proportionnellement à sa durée. Reste que les chansons auxquelles elle prête sa voix finissent magiquement par ajouter de la cohérence et un peu de force au projet: un contraste réussi. Les fans d’ambient seront donc probablement plus comblés par MTDTS que les fans de Kid Koala.
1. Luciferian Towers – Godspeed You! Black Emperor
Luciferian Towers marque un certain retour aux sources pour une formation déjà si importante qu’elle a su renouveler à elle seule un genre musical complet dans une direction maintenant presque stéréotypée. Le défi de rester pertinente s’imposait donc dans les dernières années. Alors que Asunder, Sweet and Other Distress (2015) s’essayait de façon plus ou moins concluante à explorer de nouvelles avenues, le petit dernier de GY!BE marque plutôt par cette absence de questionnement stylistique et se concentre plutôt sur la musicalité en soi et sur son propre enrobage sociopolitique, chose indissociable chez le groupe. Au final, on est loin d’être devant leur album le plus inventif, mais il reste néanmoins efficace à fond, et c’est du Godspeed anyway, deux bonnes raisons pour lui accorder la tête de ce palmarès!