Lunice
CCCLX
LuckyMe
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Si tu connaissais pas encore Lunice, t’es en retard pas mal: même Nathalie Petrowski en a parlé dans La Presse. Pis quand Petrowski te parle d’un sujet, c’est qu’on est rendu dans le mainstream en maudit. Et est-ce que c’est une mauvaise chose? Pas tant, comme nous le prouve CCCLX, le premier album complet du DJ montréalais.
Ce dernier se vante ouvertement depuis un petit bout d’offrir à ses fans des beats au feel pop et commercial, mais tout de même de qualité, et c’est exactement ce qu’on retrouve ici, mais avec du packaging en plus. Selon ce que j’ai lu sur les Internets, CCCLX serait un album concept. Un genre d’opéra-trap divisé en actes, avec des changements de décors pis toute. On va y revenir plus tard, mais mettons qu’en partant, l’idée semble assez intéressante.
Dans le rendu, Lunice nous offre ce qu’il fait de mieux: des beats instrumentaux ben heavy, avec un son profond, mais soigné, et des rythmiques saccadées et complexes. On l’a connu entre autres dans TNGHT, un duo qu’il formait avec Hudson Mohawke, rien de moins. Cette époque transparaît justement sur cet opus, alors que le Montréalais s’éloigne d’une composition trop évidente. Ça réinvente rien, on est d’accord, mais c’est quand même efficace. Et l’idée de se lancer dans un album concept, ça s’est vu en hip-hop, mais pas trop en trap. Sauf peut-être pour l’excellent Hotel Paranoia de Jazz Cartier, qui est déjà devenu un classique du rap canadien à mon avis.
Est-ce que la formule de Lunice arrive à compétitionner avec celle du Torontois? Honnêtement, non. On ne sent pas vraiment les changements d’actes. Et si les pièces ne sont pas toutes instrumentales, comptant entre autres sur les services de rappeurs invités comme LE1F, ce ne sont pas vraiment les textes qui marquent sur CCCLX. Et pour être franc, je n’avais pas vraiment senti ou remarqué le concept derrière la sortie avant de lire la critique un peu rude de Pitchfork la semaine dernière. Les titres l’indiquent un peu, grâce à des mentions aussi subtiles que «Curtain» en intro, ou «Costume » pour initier le 3e acte, mais hormis ça, on nage un peu dans le mystère.
Au final: est-ce mauvais? Loin de là. L’esprit est nerveux et efficace. La livraison est bien traitée, avec un son profond comme je les aime. On assiste même à des intrusions de musique classique comme sur CCCLX III (Intermission) sans nécessairement tomber dans le cheesy, ce qui est étonnant. Mais il manque tout de même un peu de substance à cet album qui se veut voué à de grands principes de forme.