Nous nous sommes expatriés en nature, le week-end dernier, pour vivre une expérience non mouillée à La Grosse Lanterne. Les espaces, verts, les arbres… «qu’existe-t-il de mieux que des chauves-souris pis la maladie de Lyme pour passer un bon week-end», entendra-t-on en arrivant sur le site. Pas grand-chose, honnêtement! On était très déçus (NOT) de manquer la Formule E et de se rendre dans un village où la moissonneuse-batteuse est plus commune que la voiture électrique. Retour sur une fin de semaine qui commence dans une file d’attente bidirectionnelle pas claire.
Par Mathieu Aubre, Élise Jetté et Marielle Normandin-Pageau
L’arrivée en voiture via les chemins de terre est remplie de douceur. Quand on dit douceur, on parle de la barbe du gars à l’entrée du stationnement qui accueille les automobilistes. En termes de douceur, sa barbe est à 9/12 rouleaux dans l’échelle Charmin.
Dans les deux files d’attente où l’on baigne dans la confusion, les filles devant nous mentionnent au responsable une bonne dizaine de fois qu’elles dormiront dans leur auto et que c’est ben hippie de faire ça.
On voit aussi que Philippe Fehmiu est arrivé, signe flagrant que les festivités peuvent commencer.
On a appris beaucoup de choses à La Grosse Lanterne, mais la première, c’est qu’on ne peut pas faire de jokes à la sécurité. Le gars qui fouille nos 15 sacs de cosmétiques à la recherche d’une bombe (ou d’une bouteille de Grand Marnier), fait à peu près la même face que les gardiennes de prison d’Unité 9, alors qu’on affirme haut et fort que nos items illégaux sont vraiment bien cachés de toute façon.
Sur le site, on est vite captivés par Foresta Lumina qui s’est déplacé de Coaticook à Béthanie pour l’occasion.
Une fois arrivés au campement, on réalise rapidement que, à côté de notre tente 5 étoiles, une sans-abri essaie difficilement d’élire domicile. On lui offrira refuge dans notre palais.
Le premier spectacle qu’on réussit à voir est celui de Beyries, probablement au grand désarroi du père d’Émile Bilodeau qui nous écrit à chaque fois qu’on manque un spectacle de son fils. On a tout essayé, man. Y’avait du trafic à cause de la Formule E.
De retour de Toronto où elle a participé musicalement au Lolë White Tour, Beyries incite la foule à la méditation et au recueillement. Elle est en train de voler le titre de Saratoga et des vidéos de chats dans la catégorie «les affaires les plus cutes qui existent». Les chansons de Landing, son album paru cet hiver, coulent doucement sur le public captif qui a pris d’assaut le gazon tel un troupeau de pucerons dans un jardin luxuriant.
Un peu après son spectacle, on discutera avec la musicienne et choriste qui l’accompagne, Judith Little-Daudelin, qui nous mentionnera l’ironie de se retrouver autour d’une zone de recharge électrique alors qu’il n’y pas de zone de refill d’eau potable.
Devant le show de Tire le coyote, on mange des croquettes de pois chiches du Landry & Filles. Un gars devant nous, avec ses pantalons de randonnée beiges, semble méditer. Son ami s’approche et lui demande s’il médite. «Man, moi je médite tout le temps», rétorque-t-il, en parfaite symbiose avec le décor enchanteur.
Tire le coyote finira en nous présentant ses musiciens, dont Ashton Kutcher. Puis, il conclura avec la pièce Moissonneuse-batteuse, la chanson favorite de tous les animaux de la ferme croisés en route vers Béthanie. Probablement a-t-il mis fin à sa prestation parce qu’il a réalisé qu’il avait oublié d’enlever les kleenex qui étaient dans sa guitare:
En marge de ce spectacle, on réalise que les cheveux bicolores sont en vogue cette saison.
Et on voit aussi Klô Pelgag, qui est là, mais avec une autre face.
Pendant The Franklin Electric, ensuite, on se sent un peu comme en secondaire 4 quand on écoutait les Goo Goo Dolls. Plus tard dans la soirée, quelques discussions nous amènent à conclure que ce band est un mélange de Edward Sharpe and the Magnetic Zeros (moins sur la dope), de Train et de plein d’autres bands du genre. C’est pas nécessairement une mauvaise chose.
Visiblement sur la même drogue que tous ceux qui sont restés dans la reconstitution de Foresta Lumina toute la fin de semaine, le chanteur nous dira: «I don’t know how the fuck I feel».
Pendant tout ce temps-là, la tente où l’on se trouve est tenue avec du foin et personne semble inquiet. On est vraiment en milieu rural.
Aussi, vu le sol accidenté, on ne peut jamais poser notre bière par terre, ce qui fait qu’on est pas mal toujours en train de boire.
On prend une petite pause dans un espace fermé: dans la Cosy Bubble
Selon le gars qui veille sur ladite tente, plus communément appelée la tente-vagin: «Charlotte Cardin à une voix incroyable… tous les autres artistes québécois ont aucune voix.»
La fameuse Charlotte nous fait des tounes qu’on connait pas parce que sinon elle va juste faire six chansons. Soucieuse de plaire à un public familial, elle nous dira, à mi-parcours que «c’est la dernière chanson qui dit fuck.»
Elle prend le temps de nous expliquer le tournage de son clip en Islande afin d’établir une comparaison réelle avec la température de ses mains (il fait 10), mais, au fond, c’est parce que c’est le moment où elle «doit prendre 15 à 20 minutes pour accorder sa guitare.»
Le jeune chérubin Aliocha viendra nous faire une de ses tounes avec Charlotte. Il est down avec ça, mais elle, elle n’est pas sûre qu’elle est down:
Tous se déplacent ensuite vers la scène forestière de l’Auberge qui nous proposera des sets de djs jusqu’aux petites heures du matin. La difficile tâche d’ouvrir le bal revient à Ryan Playground, étonnant, puisqu’elle est la plus solide du line-up. Qu’à cela ne tienne, elle s’en tire extrêmement bien dans sa tâche de réveiller un peu le public endormi par le groove lancinant, mais pas trop de party de Charlotte Cardin. Alors que tout le monde se marche sur les pieds, on réussit quand même tous à se faire une petite place pour danser comme s’il n’y avait pas de lendemain sur l’agréable mix de pop 90’s et de house qui nous est proposé. Le set s’interrompt finalement après à peine plus d’une heure à notre grand désarroi.
Walla P prend la relève, et si le gars reste extrêmement talentueux, son set fait un peu mal. On passe d’un 120 à 140 bpm soutenu à des grooves boogies pas mal plus lents pour une partie de la soirée et les ardeurs du public semblent redescendre un peu. De son avis, Walla P croit qu’il en demande peut-être un peu trop à la crowd hétérogène de la Grosse Lanterne, lui qui est habitué à un public plus connaisseur de son g-funk. Le moment de son set qui fera d’ailleurs le plus danser sera justement la fin, alors qu’il mettra quelques gros bangers, incluant du Anderson .Paak et quelques gros noms du rap-queb, sur une rythmique plus rapide.
Dernier, mais non le moindre, c’est le rappeur et producteur GrandBuda qui conclut la soirée. Avec un set beaucoup plus trap et rempli de percussions latines et afro-caribéennes, le party finit par lever à des nouveaux sommets. On apprécie surtout le segment où il enchaîne 5-6 remixes de Bad and Boujee de Migos back à back.
Mais le meilleur moment du set restera quand le dj doit appeler au micro les amis d’un certain Étienne Murphy, perdu et ayant visiblement besoin d’aide parce que trop sur le party. Un vrai guerrier qui se mérite le titre de festivalier #1 de l’édition 2017 selon Feu à volonté.
Notre soirée se termine autour du feu, à 3 h, alors qu’on essaie de créer un mouvement de foule pour chanter du Mes Aïeux. Personne veut nous suivre. On déguste donc du pain, du houmous et des Pringles saveur mystère dans la tente. Le wild life.
Au réveil samedi, on mange des bines au milieu de nos restants de festin de la veille.
Seul à bord du bateau Feu à volonté pour le début de la journée, Mathieu profite des activités des G.O. qui réveillent le monde à coups de mégaphone (ils donnent pas des coups, ils crient dedans). C’est lors d’une baignade qu’il rencontre Étienne Murphy en personne! Il jouera ensuite des percussions sur ses cuisses auprès d’un band improvisé muni de deux guitares et d’un ukulélé.
Dès 13 h, Knlo commence sa perfo avec une chorégraphie de couple avec Caro Dupont. Selon une source correct-sûre, Akena Okoko et sa bande seraient un peu hangover, et on ressent effectivement une énergie un peu plus basse qu’à l’habitude de la part du groupe au début du spectacle. La situation finit toutefois par se replacer rapidement, alors que les hits s’enchaînent avec efficacité. Knlo finit par profiter de la foule réceptive pour tester une nouvelle chanson qui traite de la technologie et qui s’intitule La technologie. On danse avec allégresse sur ce nouveau hit, tout en criant les nombreux bouts à répondre qui nous sont envoyés.
Un enchaînement totalement réussi stylistiquement parlant: les Deuxluxes prennent possession du stage de l’Auberge, tout juste après leur arrivée triomphale en quatre-roues.
Le deuxième show de couple de l’avant-midi (14 h en festival, c’est le matin) se passe excessivement bien. Les hanches se dénouent et les gens commencent à oublier qu’ils sont encore un peu endoloris de leur nuit sur la roche avec des matelas en carton. Mission réussie pour les Montréalais, qui s’en tirent extrêmement bien autant du côté musical que durant les interventions. Un bon moment, surtout en considérant que le groupe n’avait pas de pacing en commençant!
La fête change ensuite de scène et on quitte l’ombre bénéfique de la forêt pour la chaleur assez prononcée de la clairière où se trouve la scène principale. C’est le trio Ragers qui y joue, accompagné pour l’occasion de quelques acolytes. Devant une foule assez éparse et un peu assommée par le soleil, le trio essaie quand même de motiver les troupes de son mieux. Si la mission prend un peu de temps à s’accomplir. Spécifions que ce n’est toutefois aucunement dû à un manque de talent ou de qualité musicale, parce que ces deux aspects sont au rendez-vous. Jake PST, solide dans ses interventions de rappeur remplaçant, mène bien le show et le fun est au rendez-vous.
Plus tranquille, c’est ensuite Gabrielle Shonk qui prend le flambeau. Accompagnée de sa bande habituelle, y compris Jessie Caron qu’elle nous présentera à peu près huit fois durant le show, elle vient offrir son folk-country-chansons-pop aux festivaliers.
Il n’y a d’ailleurs pas que de son guitariste dont elle parlera souvent: les explications entourant son premier album et l’absence de stock sur son Bandcamp auront aussi droit au traitement répétitif. Pas grave, la musique sauve la donne, alors qu’elle présente un show un peu plus rock et énergique qu’à l’habitude. En tutoyant le public, une manoeuvre qui refroidit au moins 67 % de la foule, elle nous mentionnera que son été est chargé et qu’elle aimerait ça, elle aussi, «avoir une vie et une tente pour faire du camping.»
C’est accompagné d’un bassiste ouvertement féministe que Geoffroy s’emparera ensuite de la scène:
L’auteur-compositeur post-La-Voix enchaînera les pièces électro-folk de son album Coastline et fera également un saut en arrière avec une chanson de son EP Soaked In Gold. Il fera plusieurs allusions à sa joie d’être là, notamment en nous disant: «mes mamelons sont tout petits en ce moment.»
Selon une étude scientifique, deux personnes sur trois avaient très hâte qu’il se mette en camisole.
Andy Shauf et ses complices montent sur scène tel un jazz band de cégep. Le show au complet donne l’impression d’avoir été scénarisé par Wes Anderson, autant du côté des costumes que de l’installation super centrée et statique des musiciens. Shauf, d’ailleurs, pourrait aisément se recycler en ventriloque, ces neuf photos ayant été prises à six minutes d’intervalle.
Les arrangements sont toutefois extrêmement au point, tout comme l’exécution, fidèle à ce qu’on entend sur album. Étrange de constater que la plus grande partie de la foule qui était massée pour entendre Geoffroy a quitté les lieux, laissant un parterre clairsemé pour Andy.
On est allés faire un power nap pendant le set de Poirier parce qu’on se sentait pas trop comme en 2002, contrairement à cette chemise:
Pendant le show de Dead Obies, Philippe Fehmiu avait mis son poncho.
Le set est conventionnel et réussi, laissant place à un peu de nouveauté et beaucoup de classiques qui soulèvent la foule qui, elle, est obnubilée par la coiffe de Joe Rocca.
Pendant ce temps, Geoffroy écoute le show, déguisé en annonce de Gap.
Après avoir viré fous sur Tony Hawk à la fin du set, on décide de courir jusqu’à l’Auberge parce qu’il fait froid et parce qu’on veut bien voir Duchess Says. La soirée se déroulera avec le quota de génie que l’on attend du groupe. Après un début un peu calme, les gens récupèrent leurs repères au moment où Annie-Claude leur envoie une grosse bâche blanche sur la tête. On aura même droit à un petit bout de show en-dessous de ladite bâche quand la chanteuse s’y rendra pour lâcher sa meilleure quote de la soirée: «Esti que c’est bon, quand même!»
Le show se poursuit dans l’incompréhension et la découverte, surtout pour une amie à nous, qui ne les connaissait pas avant, et qui semble vivre un moment d’extase suprême en sautant à la corde à danser-LED. Le tout se conclut finalement sur Annie-Claude, seule sur scène, qui nous avoue avoir un peu de misère à suivre tout ce qui se passe avant de quitter pour laisser place au dj set de l’excité Radiant Baby à qui on prêtera notre unique chargeur de iPhone, nous rendant ainsi responsables d’une partie de son succès.
Nous allons dormir alors que, au loin, des gens peu habiles interprètent The Scientist de Coldplay, Dégénérations de Mes Aïeux ou encore Hey Baby de DJ Otzi sans trop de logique apparente, une berceuse alcoolisée qui nous enverra dans les bras de Morphée.
Le lendemain matin, on réalise que ce gars-là n’est jamais sorti de sa tente. Faut croire qu’il était bien.
Une réponse