À l’âge de 8 ans, le premier disque que j’ai acheté avec mes sous, c’était La force de comprendre de Dubmatique. J’avais pas forcément la force de comprendre tout ce qui était dit sur cet album qui allait devenir un classique du hip-hop québécois, mais il s’agit néanmoins d’un album initiatique pour beaucoup d’amateurs du genre. J’ai rencontré (avec une certaine émotion, oui) le (désormais) duo à la veille de son spectacle des Francofolies, qui marque un retour sur scène après huit ans d’absence, 20 ans après la parution de l’album emblématique qui les suit encore.

1 Vous ramenez quelque chose de mythique sur scène, ce soir. Ça vous fait sentir comment?

OTMC:  Tu nous mets la pression! Mais c’est ça qu’on va essayer de faire: ramener les années 90! À l’époque, y’avait le beat, y’avait les MCs et y’avait le texte qui était important. C’est là que le rap commençait à se diviser en plusieurs styles. Nous, on va essayer de ramener cette vague positive, cette conscience que les rappeurs avaient à l’époque.

Disoul: Te dire qu’on n’est pas stressés, ça serait te mentir. Tout artiste qui comprend les enjeux de cette perfo-là le serait. Ça fait huit ans qu’on n’a pas mis les pieds sur scène. On veut retrouver la chimie avec notre public. C’était important pour nous de se retrouver. Nous sommes rendus des pères de famille. Nous avons consacré les dernières années à nos familles. On est fébriles, mais on a hâte de voir comment nos enfants vont réagir. Ils ne connaissent pas ce côté-là de notre vie.

2 Le rap a beaucoup évolué depuis vos débuts. En tant qu’auditeurs, qu’est ce qui vous intéresse aujourd’hui?

OTMC: Dans le hip-hop francophone en général, je ne m’arrête plus vraiment à des groupes en particulier. Pour moi, c’est du fast food. Quand tu regardes IAM. C’était un concept, c’était ficelé. On en a peu aujourd’hui. J’aime Youssoupha en France, Booba. Je m’arrête plus à ce qui se fait. Je ne fais que consommer ça d’un peu plus loin.

3 Vous avez réussi à insuffler une certaine douceur dans le hip-hop, une vague non-violente dans le propos. Que pensez-vous du courant actuel? Est-ce que ça s’est perdu?

Disoul: Bonne question! On a agi comme des vulgarisateurs. Plusieurs écoutaient pas de hip-hop avant de nous écouter. Le rap a pris différentes tangentes ensuite. C’est la forme qui prime sur le fond aujourd’hui. Ce qui fait qu’un album traverse le temps, c’est pourtant le fond. Au bout d’un moment, ça devient lourd. Nous, on a toujours eu ce juste milieu entre la dénonciation et le côté festif d’Un été à Montréal, par exemple. Je pense que ça a plu aux gens. Ils se sont rendu compte que, malgré nos bagages culturels différents, on se rejoignait par ce goût de faire une musique positive.

4 Le discours est très important dans votre type de musique. Quel discours vous auriez si vous composiez aujourd’hui?

OTMC: On continuerait à faire de la musique pour divertir les gens. On trouverait un juste milieu entre la réflexion et l’humour. On n’est pas là pour taper sur les clous. Oui, il y a des problèmes, mais vous êtes la solution. On va les évacuer ensemble avec la musique. Oui, y’aura besoin de cracher des vérités. On n’est pas politiciens, on n’est pas là pour mentir aux gens.

Disoul: On a aussi un nouveau regard sur la vie, en tant que pères. On ferait des chansons paternelles.

5 Durant l’ellipse de temps où vous n’avez pas été sur la scène musicale, vous avez pu passer par-dessus le gros débat sur le franglais dans la musique hip-hop. Les Francos, c’est un prétexte pour ramener ces questionnements, souvent. Doit-on se mettre des barrières linguistiques en musique?

Disoul: Le rap, à la base, ça reflète des tranches de vie. Les jeunes aujourd’hui, j’ai fait ce constat dans l’autobus à Montréal, dans les rues: ils mélangent le français, l’anglais et le créole, même parfois, au quotidien. Si c’est la façon de faire dans la vie, faisons-le dans la chanson. Il y avait des puristes du hip-hop à notre époque, il y a des puristes de la langue française aujourd’hui. Avec la mondialisation, ça fait partie de la réalité. Il ne faut pas être gênés par ça. C’est juste la réalité.

6 Comme les Francos s’adressent à tous les publics, si j’amène ma grand-mère à votre show, je la prépare comment?

OTMC: Grand-môman, aujourd’hui, tu vas vivre une expérience! Prépare-toi à lever les bras. Il va y avoir des petits et des très très âgés. Nous, on fait pas la différence. Quand notre premier album est sorti, on signait des autographes à des tout petits enfants. On a croisé un gars de la rue qui nous a dit que c’était le premier disque qu’il avait volé (rire).

Disoul: On n’encourage pas le vol, là. Mais c’est une manière de dire que, à l’époque, c’était un disque incontournable, même si on encourage pas le geste (rire).

7 Si vous aviez fait partie du show d’illumination du pont Jacques-Cartier pour le 375e de Montréal, vous auriez chanté quelle toune?

OTMC: Un été à Montréal! Ça a été une chanson importante pour nous, qu’on découvre encore en ce moment. On voit la manière avec laquelle Dubmatique a pu cristalliser l’image de Montréal avec ça. Quand l’été arrive, il y a les foules, Montréal est belle et festive.

QUESTIONS FRANCOS

8 Quelle est la plus belle chanson de la langue française?

OTMC: Soul pleureur (rire). On peut dire une de nos chansons? Vous êtes des farceurs, vous Feu à volonté? On peut dire ça! J’aime beaucoup les chansons de Céline Dion, Aznavour, aussi!

Disoul: Les comédiens, d’Aznavour.

9 Quel est le mot ou la phrase qui a été trop entendu dans les chansons en français?

Disoul: Je t’aime. Plutôt que le dire, on devrait le montrer.

10 Quelle face feriez-vous si vous constatiez que Denis Coderre est en train de danser devant la scène pendant votre show?

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Dubmatique sera aux Francofolies sur la scène Bell, ce samedi 17 juin à 18h.

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