Corridor

Supermercado

Michel Records

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Il y a un stéréotype commun chez les hipsters (si ce mot n’est pas un vestige du passé), qui veut qu’il préférait la musique d’un groupe avant qu’elle ne soit connue. C’est donc toujours un peu à reculons qu’on peut avancer des propos comme «Leur EP était bien meilleur». C’était pourtant mon avis sur Corridor jusqu’à tout récemment.

Peut-être sommes-nous partis sur un mauvais pied. Reformulons. L’éclosion du phénomène Corridor a quelque chose de foncièrement énigmatique, et ce, dans le bon sens du terme. Rapidement comparés à Women, les valeureux offrent une formulation du rock unique qui a tout pour ne pas émuler ses contemporains.

Mais l’engouement m’a longtemps paru singulier. Oui, le EP Un magicien en toi apportait un vent de fraîcheur et un regard oblique toujours chaleureusement accueilli chez nos artisans du rock francophone. Des titres comme Quel quoi pouvaient, dans la mesure du possible, passer pour des hits. Cependant, Le Voyage Éternel ne m’a pas semblé recréer cette fougue. Certains Retour au bercail 3D et autres Castor et Pollux avaient le moyen de devenir ce nouvel hymne, mais sans atteindre le suprême de leur prédécesseur. Si bien qu’on pouvait se demander, à la veille de la parution d’un deuxième album, si le Magicien n’avait pas été, justement, qu’un tour habile impossible à recréer: attraper un éclair dans une bouteille.

Les premières mesures de Ce n’est rien agissant comme prélude, c’est avec Coup d’épée que l’album Supermercado prend son envol et qu’on comprend que Corridor est plutôt un coup d’épée qui tranche la critique qu’un coup d’épée dans l’eau. Que ce soit avec ce titre, avec Du Moyen âge à l’âge moyen ou avec la singulière Le grand écart, le quatuor nous propose une conception du hook réinventée, autant au sens global que pour leur propre matériel. La recette secrète d’une pièce de Corridor: elle se montre flexible, polyvalente, invitante.

Si on peut imaginer un clin d’œil à un groupe comme Jesuslesfilles avec la chanson homonyme de l’album (“Le grain d’or” est une pièce instrumentale de moins d’une minute qui sert de transition), on soupçonne que le vrai titre de Supermercado est réellement L’espoir sans fin. Située à mi-parcours, cette chanson éclaire d’une luminosité qui nous était sinon inconnue, du moins occultée dans le catalogue passé du groupe. La passion pour la dissonance y est toujours (Demain déjà avec son introduction magnifiquement grinçante en est un bon gage), mais un côté léger et paisible se dégage foncièrement de l’album. Lumière marquée par le dernier titre, L’histoire populaire de Jonathan, qui peut paraître drôlement placé après un Demain déjà martial. Cette position permet cependant de donner le ton final à l’album: le happy-end après la bataille finale.

Happy end, happy listen. Supermercado venait avec la malédiction du deuxième album: soit ça passe ou ça casse. Corridor aura réussi à joindre les deux: passer à la postérité avec un des albums les plus singuliers de 2017 et casser les vieux grincheux qui, comme moi, trouvaient que c’était donc ben mieux dans le temps de leur premier EP.

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