Avant-dernière soirée des préliminaires aux Francouvertes, hier. Le grand palmarès des demi-finales sera connu lundi prochain. De quoi se réjouir et oublier la météo moche tout en mettant, par le fait même, un terme à la dépression saisonnière du plus grand nombre. YES. Retour sur une soirée inégale.
Confortable en situation de danger, Samuele, qui ouvre le bal pour les concurrents cette semaine, nous explique non pas qu’elle pratique souvent le parapente sans harnais, mais bien qu’elle ne nous offrira que des chansons avec lesquelles elle n’est pas encore tout à fait à l’aise. «Des fois j’écris des chansons pour les autres et les autres ont pas envie de les chanter», déclare avec humour l’Ex de la semaine avant d’entamer une toune qu’elle a décidé de garder pour elle finalement.
Nous livrant à maintes reprises une savoureuse imitation de solo de trompette et profitant de sa tribune pour faire un peu d’éducation sur le vaste champ des possibles en termes d’identité sexuelle, elle démontre l’étendue de ses talents: ventriloque d’instrument à vent et psychoéducatrice en même temps. «Mes tounes sont courtes, j’ai le temps de parler», nous lance-t-elle avant de se lancer dans un cours complet sur la transsexualité non-binaire. «Je veux pas break the news, mais les homophobes existent encore», nous dit-elle contrairement à Éric Duhaime. Elle enchaînera avec une toune sur son amie Léo et elle «brisera» en fin de parcours une chanson qui parle de consentement. Son album sort en avril et tu devrais l’acheter.
Présentant son band étoile par des noms de scène très à propos (Christina Aguilera, le cinquième Beatles, Kurt Cobain et le drummeur de La Compagnie créole), Laurence-Anne sera la seule participante de la soirée à se hisser dans le palmarès actuel. Les textes courts, en blocs, nous accrochent tout de suite, mettant l’accent sur le produit entier plutôt que sur une structure classique de type couplet – refrain – couplet – refrain – onomatopée répétée de type ou ou ou – refrain. C’est rafraîchissant et ça sort du lot.
Naomie De Lorimier, au synthé et aux machines, démontre une maîtrise entière du multitasking, servant à la fois de voix, de faiseuse d’ambiance (à l’aide d’un sabre laser ou de bougies), d’horticultrice de fleurs qui poussent dans les synthétiseurs et de musicienne, aussi, d’abord et avant tout.
De son côté, Étienne Côté au vibraphone s’improvise homme à tout faire, usant de son archet sur les caisses de résonnance métalliques de son instrument. On le verra également jouer du triangle et de la petite clochette (à ne pas confondre avec la cloche à vache qui, elle, est plus grosse), se vêtissant même d’un masque à un certain point. On est sous le choc devant tant de versatilité. Les toujours excellents David Marchand (basse) et Francis Ledoux (batterie) complètent le portrait. C’est une symbiose complète qui enrobe les textes singuliers, par exemple, Cap noir, puissante de par ses images poétiques vives: «Pour ne plus jamais repartir Détenus prisonniers Des sables émouvants Qui nous tiennent amarrés.»
C’est au tour d’Ariane Vaillancourt de monter sur scène avec son turbo-groupe entre autres composé d’un quatuor à cordes. Elle présente avec une voix très juste une pop Rouge FMesque très peu comestible pour un public régulier des Francouvertes. Les paroles un peu convenues sont mises de l’avant par des arrangements complexes qui, hormis quelques égarements dans les percussions, sont bien rendus.
De longues introductions s’insèrent toutefois entre les chansons et, à mon sens, c’est de sous-estimer l’auditeur que de lui fournir un mode d’emploi pour comprendre une toune. Les voix de la foule se mêleront néanmoins à celle de l’auteure-compositrice sur Mémoire, dernière chanson de la perfo. C’est joli et rassembleur.
C’est Joey Robin Haché qui termine la soirée avec ses compositions enthousiastes, mais avec quelques lacunes en termes de singularité. On restera toutefois vivement charmés par le plaisir de jouer du Néo-Brunswickois qui nous a fait rire tout au long de son set juste par sa bonne humeur communicative. Pour vrai, c’est important de voir ça au moins une fois dans sa vie. Et, en toutes circonstances, je pense que Joey est plus heureux que toi dans tes bonnes journées.
«J’étais pas capable de faire le bruit de trompette avec ma bouche (comme Samuele), fait que j’ai engagé quelqu’un pour le faire», raconte le charismatique chanteur en nous montrant son vrai trompettiste.
«Vous êtes malades! Vous veillez tard pour un lundi soir», nous dira-t-il, étonné par le rythme de vie des gens de Montréal. Il mettra un terme à sa prestation en nous parlant des crises anxieuses qu’il fait dans notre ville avec Loin des vagues et, finalement, Bourbon, la solution à bien des problèmes.