La deuxième édition du festival MXQC commençait le 16 mars avec l’éclat digne de ses ambitions. Feu à volonté a décidé de visiter le Divan Orange pour la soirée du 17 mars, qui présentait dans sa forme la plus synthétique l’esprit du «Montréal en Québec».
C’est une lame à double tranchant que celle du Festival MXQC. Si l’objectif est de servir de plateforme de diffusion pour des projets indépendants en parallèle à South By Southwest à Austin, Texas, l’arsenal des diffuseurs canadiens est généralement au Texas durant ces dates pour soutenir ses projets vendeurs (pensons à Kroy, IDALG ou Les Deuxluxes qui font les choux gras des instagrameurs canadiens durant la semaine). En ce sens, la première édition pouvait être perçue par certains comme un plan B ou un «nous aussi, d’abord, on peut s’en faire un festival…» Il n’en demeure pas moins que les curieux ont pu y trouver ce week-end quelques gemmes que l’on voit parfois plus rarement dans le réseau des salles réputées du Plateau, ie le Quai des Brumes, le Divan Orange et le temporaire Cactus.
Des plus obliques spectacles du second soir, le vendredi 17 mars, on souligne celui du Divan Orange, qui se déroulait au même moment que les performances de certains chouchous locaux: les shoegazeurs de Femme Accident et l’étoile montante Helena Deland, qui s’enligne déjà des tournées américaines moins d’un an après la sortie de son premier EP.
Ce Divan, donc, offrait sa scène l’espace d’une soirée à l’Oeil du Tigre, vaillant diffuseur de musiques heavy de tout ordre, roulant sa bosse depuis plus de dix ans. Dans le large spectre du rock indépendant, on nous propose Final Bâton et Dark Circles, de Montréal, séparés par Albatros et Jet Black, de la Vieille Capitale. Un programme 50/50, Montréal en Québec. Ou peut-être Québec en Montréal, dans l’ordre de jeu ci-présent. Enfin, ce sont de menus détails.
Autant à l’heure que possible pour un spectacle dans le large spectre des musiques bruyantes, le spectacle commence par une voix off de celui qui est décrit comme DJ sur l’événement Facebook. «Si vous ne me voyez pas, je suis celui qui se tient derrière les colonnes de son», nous indique le Torontois Jack Moves. Vétéran des soirées au Soybomb, le «DJ» se présente réellement comme un animateur de soirée qui reprend des classiques de party avec son micro et son séquenceur. Sa reprise a cappela de Nobody Speaks de DJ Shadow surprend, surtout dans une soirée comme celle-ci, mais charme à coup sûr, après être enchaînée avec autres Shout des Isley Brothers. Si le concept est sur la mince ligne entre la catastrophe et l’expérience transcendante, on trouvera ici un génie qui nous donne envie de dire adieu aux DJs. Il reviendra entre chaque groupe, par chance.
Final Bâton lance le bal. Le quatuor montréalais s’était fait discret depuis quelque temps, mais semble revenir en force avec quelques spectacles çà et là. Fort de son époque, le groupe nous rappelle le temps où Dare to Care était une force du rock indépendant, avec certains La Descente du Coude pré-Coup de Foudre ou Suck la Marde. Vestige d’une époque du punk rock à gros riffs, on entend cet héritage dans des projets actuels comme Barrasso. S’il existe une certaine consanguinité entre les derniers noms mentionnés, il n’en demeure pas moins que ce langage musical reste encore et montre la force des vétérans de Final Bâton.
Le début de la performance manque un peu d’aplomb côté son, alors qu’on distingue un peu moins la basse que ce qu’on pourrait souhaiter, mais l’équilibre et l’énergie y sont. «Une autre gorgée pour la semaine qui vient de passer. J’suis sûr que ça a été facile pour personne», de dédier l’un des guitaristes à la foule, qui est attentive et enthousiaste, mais statique. Attitude d’un public post-hardcore? Nous ne saurions dire.
S’ensuit Albatros, un ovni de la scène indépendante québécoise intégrant une section de cuivres à des compositions post-hardcore, voyageant dans les eaux du screamo, voire même du post-black metal. Rien à voir avec Albatross, le groupe de rock népali pourtant annoncé sur l’affiche du festival. Forte de près 10 ans sous ce nom et de plusieurs tournées au Canada, la formation fait son entrée au Divan. Inhérent à son instrumentarium, le groupe est dans-la-face et contrôle toujours plus, de spectacle en spectacle, le chaos généré par six musiciens sur scène. Quelque chose de bon enfant et décontracté, alors que les cuivres se font de toute apparence des blagues entre eux entre les pièces, ou avec le public, traité comme un ami de longue date (quoiqu’il s’agisse peut-être d’une vérité, dans le cas présent). Beaucoup d’accordages, quelques temps morts entre les tounes, mais tout est au profit du travail unique, déconcertant, mais rigoureusement efficace du sextuor.
Encore une autre performance de Jack Moves avant l’entrée sur scène du deuxième groupe visiteur de Québec, Jet Black. Sont-ils handicapés par leur situation géographique ou par leur réseau, ces quatre musiciens? Cette question demeurera irrésolue pour la durée de leur performance, droite, solide, intrigante. Jet Black demeurait pour moi un nom lointain, dont on connait l’existence, mais qui se confond avec les autres groupes de rock provenant du côté de chez Labeaume. Est-ce qu’on pense à Jet Black ou à Panic Attack, déjà? Si peu similaire, et pourtant relayés sous la même étiquette pour les médias montréalais. Pourtant, le quatuor qui tire sur le shoegaze a su prouver que, du haut de ses deux albums, il pouvait avoir le rayonnement et la notoriété de quelques Femme Accident. On y voit un hommage à la Scène locale, avec un grand S, celle qui se partage de bouche à oreille, qu’on découvre au hasard d’une sortie nocturne dans un bar inconnu, qui essaye de traverser les douanes sans papiers et sans permis pour jouer dans une salle encore plus obscure d’un état lambda de la côte Est. Ceux qui peuvent revendiquer le statut de légende locale, parce qu’une diffusion officielle sur les canaux ne relève pas de la légende, mais du fait observable. Pas encore proche du statut culte, mais pourrait se trouver dans cette trame, à bon entendeur.
On espère du neuf prochainement, en les attendant avec hâte.
Pour conclure, le trio black métallisant Dark Circles s’installe et nous fait peut-être un peu mieux comprendre l’ancienne voisine d’en haut du Divan Orange. Si l’on se demande pourquoi le bar n’est pas vu comme un lieu de prédilection pour les promoteurs de bruit, on le comprendra vite avec ceux-ci. Au-delà de l’explosion du décibelmètre, la performance expéditive plonge le public dans un grand moment de contemplation du talent, de l’énergie et la rage au ventre des musiciens.
Il faut rentrer parce qu’il faut rentrer, mais on est heureux de voir le potentiel de MXQC, la beauté de la plateforme, la santé de la scène. Il se fait tard et la fin de semaine s’annonce chargée, mais il faut prendre exemple sur les battants comme Jack Moves qui, selon le mot qui court, doit partir pour Toronto le samedi à 9h parce qu’il a un colis à récupérer à son bureau de poste.