L’Opéra de Montréal présente ce mois-ci une adaptation en opéra de l’œuvre The Wall de Pink Floyd et Roger Waters. J’ai assisté à la première et **spoiler** je n’en suis pas ressorti entièrement satisfait.
On va commencer par une confession: je suis un énorme fan du travail de Pink Floyd sur The Wall. Énorme dans le sens où j’écoute le film 7 à 8 fois par année, je connais l’ensemble des chansons par cœur et que j’ai deux copies du vinyle parce que la première était rendue trop usée pour l’écoute. Donc quand j’ai vu que l’Opéra de Montréal présenterait une adaptation de l’œuvre dans le cadre des festivités du 375e de Montréal, mettons que j’ai un peu harcelé la rédaction pour avoir un billet.
J’entre donc à la Place des Arts avec un assez gros sourire et je constate que je ne suis pas le seul fan de Roger Waters sur place. Mettons que c’est l’une des rares fois où vous verrez du monde avec des t-shirts de Mötley Crüe et un stand à goodies à l’opéra…
La soirée commence assez ironiquement. On assiste à la première et on doit donc se taper les présentations d’usage. L’œuvre est présentée comme un monument de l’art contestataire, icône anticapitaliste s’opposant à la politique sale et corrompue… Et puis, 30 secondes plus tard, on nous souligne la présence de quelques ministres avant de faire applaudir des membres de la famille Desmarais. Notons aussi que Roger Waters est dans la salle, un honneur selon la présidente de la banque TD, qui se voit offrir une tribune de quelques minutes. On nage dans le malaise.
On nous annonçait l’opéra comme une réécriture originale de l’œuvre de Waters, qui avait lui-même annoncé à quelques reprises ne pas vouloir d’une simple réadaptation orchestrale. Disons simplement qu’au final, la réinvention atteint assez vite des limites claires. L’introduction commence bien: la scène s’inspire plus du concert de Pink Floyd au Stade Olympique en 1977 que du film The Wall, une idée bien sentie qui laisse présager une suite fort intéressante. On se rend toutefois rapidement compte que, si une réécriture orchestrale a été réalisée en bonne et due forme, les textes, eux, sont pratiquement calqués sur ceux de l’album. Ajoutez également à cela certains motifs musicaux ou des airs se rapprochant parfois du travail original. Difficile, donc, de nous plonger réellement dans l’inconnu. Un résultat qui rassurera certainement les fans de rock, mais laissera un goût doux-amer chez d’autres.
Ce qui est le plus réussi de façon strictement musicale, ce sont les chœurs. Sublimes, bien conçus et omniprésents tout au long de l’opéra, ils font appel à 70 chanteurs différents qui se relaient dans une formule relativement classique. Félicitations à Julien Bilodeau pour son travail irréprochable sur cet aspect. Bravo également à Jean-Michel Richer, dans le rôle du père, qui reste à mon sens, l’interprète le plus solide de la production.
Côté trame narrative, on assiste tout de même à quelques très beaux moments. Outre l’ouverture réinventée, on peut penser à l’ajout du personnage de Vera Lynn, chanteuse britannique fort connue dans les années 40 et originellement évoquée dans The Wall. Elle est ici personnifiée par Stéphanie Pothier et ça donne lieu à l’un des meilleurs moments de la présentation: une intervention valsée presque jazz au milieu du deuxième acte. Suivi de la très belle Bring the Boys Back Home, c’est réellement l’un des quelques trop rare moments à avoir su susciter des émotions chez moi. Soulignons aussi la réadaptation de la pièce The Trial pour conclure un deuxième nettement supérieur au premier. La forme opératique de la chanson originale est conservée, mais transformée en ballet où des personnages déguisés en vautour danseront sur l’intégralité de scène. Une belle idée.
Une des plus grandes lacunes restera néanmoins le travail Dominic Champagne, le metteur en scène. Si les projections sélectionnées sont parfois efficaces, elles finissent souvent par adopter un aspect fort kitsch ou manquent tout simplement leur but. Pour exemplifier le malaise, pensons surtout aux trois-quatre minutes de soft-porn lesbienne qui accompagne Young Lust. Dommage également de transformer la grandiose finale du spectacle, normalement en lien avec la destruction du mur, en une simple projection sur un petit écran. C’est assez surprenant, surtout considérant que l’opéra avait reçu le plus important budget de l’histoire de l’ODM, si je me fie à certaines sources.
Je ressors de la salle avec un sentiment mitigé. Heureux d’avoir vu le tout parce que je reste avant tout un fan de l’œuvre, mais triste que l’expérience n’ait pas été plus concluante. Ce grandiose évènement qu’on nous vantait depuis quelques mois se rapproche un peu plus du pétard mouillé que d’un opéra contemporain révolutionnaire.
Le spectacle Another Brick In The Wall est présenté jusqu’au 27 mars.