Forte soirée aux Francouvertes, hier, pour la 4e ronde des préliminaires, alors que deux des trois concurrents ont réussi à se glisser dans le TOP 4 actuel. Retour sur une soirée mêlant spiritualité, langue sortie pour des raisons techniques et références multiples aux écureuils.
C’est Joëlle Saint-Pierre, participante de la 18e édition des Francouvertes, qui fait la première partie en tant qu’Ex officielle de la soirée. Installée derrière son vibraphone, elle commence sa prestation comme son album avec Choc électrique. On entend une mouche voler (ou une chaise du Lion d’Or craquer… C’est pas jeune, jeune ces chaises-là). On entend aussi un bébé pleurer. Est-il touché par les paroles bouleversantes ou a-t-il très faim? Dur à dire. «C’est la première fois que je fais pleurer quelqu’un avec cette toune-là», nous dit par ailleurs Joëlle.
Elle enchaîne au clavier en nous parlant de son expérience en hôpital psychiatrique (non pas comme patiente, mais comme élément de divertissement musical), ou elle fut jadis comparée à un écureuil par un spectateur. C’est ce contexte triste qui lui a inspiré la pièce suivante, la très poignante Rose. Elle poursuit avec sa toune inédite, pas si inédite que ça (on l’a déjà entendue dans d’autres shows). Il faudrait respecter les règlements, la gang!
Et avant sa dernière chanson, elle prodigue de bons conseils: «Pas obligés d’être des trolls comme sur Facebook. N’hésitez pas à être sympathiques!», propose-t-elle au public qui s’apprête à offrir ses commentaires aux trois candidats de la soirée.
Kyra Shaughnessy entre sur scène pieds nus avec une aura de prof de yoga. On est immédiatement apaisés par le timbre de sa voix qui est un mélange entre l’exotisme de DobaCaracol et le réconfort de ta grand-mère.
Elle nous présente d’emblée Estelle et son instrument non conventionnel qui est sur scène, la kora. Probablement que ça cuit bien les œufs et le bacon et que ça contient au moins deux portions de fruits frais selon le Guide alimentaire canadien, mais, pour le moment, on s’en sert pour ajouter une vibe tropicale à l’ensemble.
Elle envoie des textes émotifs et jolis de façon épurée: «Si je pouvais te chanter la texture du silence quand la première neige tombe». Sa plume est inspirée, mais le déroulement de la prestation demeure très linéaire ce qui fait en sorte qu’on a du mal à être accroché, impressionné ou surpris.
On comprend qu’elle chill sûrement avec le même monde que Jacynthe René quand elle nous révèle son fort penchant pour la nature et la spiritualité: «La prochaine chanson parle de gratitude. C’est très important pour moi en ce moment. Il faut la cultiver dans les temps difficiles qu’on vit dans la société.» Bien d’accord!
Mat Vezio, qui lance son album ce soir au Lion d’Or, est à la batterie. Il est venu tester le plancher avant son grand jour. C’est Anaïs Constantin qui complète le band au violoncelle. On passe un agréable moment en leur compagnie avant la suite des choses.
C’est au tour du projet de Vincent Roberge, Les Louanges, de mettre la machine en marche. La très accrocheuse Le mercure débute la perfo. Le beat de clavier de Nathan Vanheuverzwjin, «qui a mis une belle chemise pour l’occasion», appuyé avec précision par tous les autres instruments ne peut que faire hocher la tête, taper du pied ou, dans mon cas, faire osciller les épaules avec enthousiasme. Chacun sa façon de vivre la musique.
Fin connaisseur de littérature, le chanteur nous accueille comme suit: «Comme disait Montaigne, tonight is the night, beubé.» Précisant qu’il ne dispose que d’une demi-heure pour nous faire vivre des émotions, il enchaîne sans plus de cérémonie avec sa «break-up song», langoureuse AF.
«Sans vouloir être la personne qui a vécu des affaires pas faciles» (comme tous les musiciens depuis le Moyen Âge), il introduit la pièce Encéphaline, qu’il interprète en solo avec une bonne dose de ramassage d’émotions dans le fond de la poitrine: «et quand le feu prend pis l’manteau fond, scuse moi d’être moteur à réaction.» C’est beau ça.
«Elle a pas été fine», résume ensuite simplement Vincent au sujet du personnage de sa chanson. Comme ça on aura la certitude que tout le monde a compris. Il s’offre ensuite une gorgée d’eau «parce qu’il a chanté aigu» et il nous parle de son EP à vendre dehors «entre le McDo et le lave-auto»
Selon une rumeur persistante et des statistiques sérieuses, les chances que Vincent Roberge fasse une erreur de note ou de tonalité diminuent de 43,7 % quand il sort la langue:
À l’intention des juges, il souligne qu’il est en train de faire des métaphores. Le gars sait aller chercher ses points. Avant de conclure, il remercie les Francouvertes de l’avoir accepté… cette année.
La perfo est, pour moi, la plus convaincante de cette édition jusqu’à présent, offrant un habile mélange d’envolées plus rock et de ballades lascives, tout en étant dominée par une voix très juste au timbre original. Le style se place aussi en marge des autres propositions: pop-rock avec un sérieux groove et un fort penchant indie.
Van Carton arrive pour la dernière partie des festivités. Le chanteur, Guillaume Monette (3 gars su’l sofa), entre sur scène dans une ambiance de vent qui siffle. Mais c’est pas du vrai vent parce qu’on est bel et bien dans une salle de spectacle.
«Excluant quelques moments familiaux, c’est vraiment dur pour moi d’être plus heureux que ça», nous confie Guillaume en saluant ses musiciens (Amélie Mandeville, Félix Petit, William Côté et Jérémi Roy) et le bonheur qu’ils lui procurent.
Il nous explique qu’il interprètera ses seules chansons. Il y en a cinq. «C’est pas super bon comme moyenne», admet-il avant de faire une métaphore peu comprise mettant en vedette un écureuil. Il poursuit en affirmant que, à ce rythme, l’album complet devrait paraître en 2020.
Sûrement aussi un grand chum de Jacynthe René, Guillaume interprète La saison, une chanson qui traite d’agriculture: «La saison va être bonne pour toi pis moi dans notre champ.»
L’énergie est transcendante pendant la dernière toune très groovy, Le fil doux. Les textes sont généralement bien construits et intéressants de par leur universalité, dépeignant des réalités plutôt vagues et permettant une appropriation facile. Le band, quant à lui, dégage une expérience difficile à nier. On a hâte d’en voir davantage en demi-finale… ou en 2020?