Peter Peter

Noir éden

Audiogram

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L’enfant chéri des ondes hertziennes alternatives Peter Peter revient à nous avec son troisième album, Noir éden, quatre ans et demi après le succès critique Une version améliorée de la tristesse, une offrande dont la ligne directrice est différente de celle qui frappe le regard.

Si le succès québécois de Peter² est retentissant depuis sa glorieuse victoire locale de Cégep en spectacle au Collège François-Xavier Garneau en 2007 (le lien est brisé, mais le titre de l’URL est sans équivoque), il n’a de comparable que celui qu’il rencontre en France. De fait, le musicien y a établi son domicile principal depuis sa signature avec Artista France; une relation certes géographique, mais également thématique.

Le public avait déjà eu l’occasion de se familiariser avec les titres Noir éden, Bien réel et Loving Game avant la sortie de l’attendu album. Une écoute complète nous fait comprendre que le point le plus important pour décrypter le code est la quatrième pièce, Nosferatu.

Seul titre précédé d’un court instrumental, Fantôme de la nuit, ce Nosferatu fascine d’abord par son côté résolument accrocheur et parce qu’il s’agit de la première découverte coup-de-poing de l’album (Bien réel, qui ouvre le tout, nous est déjà familière et perd ainsi son effet de surprise dans son grand déploiement final, et Damien, bien qu’intéressante, ne sera pas retenue comme la pièce maîtresse du catalogue peterpeterien). Deux influences claires se font entendre dans cette chanson. D’une part, une ligne mélodique parente avec Les chemins étoilés de sa Version améliorée. D’une autre, une thématique identique à l’essentielle Vlad le vampire de Luck «Rudeluck» Mervil, où le Dracula urbain est l’allégorie pour le voyageur nocturne en soif de plaisirs charnels.

 

Aussi ridicule la comparaison puisse paraître, j’aimerais qu’on plonge dans le ridicule un peu plus. Qui est Luck Mervil, au-delà du chanteur de hits tels que Solitude dans la foule et le thème du dessin animé L’Île de la tortue? Évidemment. Clopin, de l’éternel Notre-Dame de Paris du duo Plamondon-Cocciante.

Notre-Dame, cathédrale bientôt millénaire de la Ville Lumière est un magnifique symbole et, de fait, semble s’immiscer un peu partout dans le Noir éden de Peter. Nosferatu, par sa double comparaison, marque exactement le point de la carrière de l’ACI; bien campé en France par son association indirecte aux symboles de liberté, de fraternité et d’égalité, mais avec des réminiscences de sa période montréalaise en faisant des mélodies dont la tournure n’est pas étrangère à son catalogue.

Ça resterait une bonne blague si la thématique ne revenait pas dans Orchidée, avant-dernier titre de l’album: «Le matin tu te changes en mirage/Je ne peux te retenir». Évidemment, on comprend que ce n’est pas qu’une allusion à la vie noctambule. Mais ajoutons à cela la voix éthérée – inconsciente peut-être? – qui chuchote «Je t’aime à la violence» juste avant l’entrée au refrain. Et en plus, ses premiers mots sont «Par-delà les clochers de ma ville»…

À quoi me sert encore de prier Notre-Dame pour une reprise du spectacle en 2018 (pour le vingtième anniversaire) alors que Peter Peter, dans son Noir éden, nous offre une version modernisée jumelant la poésie connue de sa période québécoise et des arrangements que chériront les détenteurs d’un passeport de l’Hexagone qui raffolent des nuitées au Salon Daomé?

Retour sur certains titres. Dans Bien réel, on parle d’un «Royaume où règne la musique et le silence». Je te vois, Quasimodo, responsable des cloches de Notre-Dame. Et le long segment instrumental s’explique d’autant plus si on retrouve des similarités entre les sons de clavier et le carillon monumental de la cathédrale. Loving Game devient la chanson de Phoebus, Déchiré, puisque «I guess I don’t wanna lose you in a loving game», n’est-ce pas un calque modifié du chevalier souhaitant «cueillir la fleur d’amour d’Esmeralda» tout en gardant sa Fleur de Lys? Déchiré! chanterait l’immortel rôle de Patrick Fiori.

Vénus, cette tentatrice qui doit «montre[r] comment faire, ressusciter les Cieux, sans que les Dieux nous reviennent»; n’est-ce pas la demande de Frolo, prêtre tourmenté par sa passion pour cette bohémienne? «Dis-moi comment tu fais/Tu ne sembles pas t’en faire/Tu t’endors doucement/Quand la vérité ment», dira Peter. Little Shangri-La pourrait parler du lieu utopique d’où provient Esmeralda et, No Man’s Land… si La Place des Miracles n’en est pas un, qu’on me donne des cours de littérature tout de suite.

Au-delà de cet exercice de style qui ne floue personne, Peter Peter offre un album résolument pop, mais dont les mélodies sont accrocheuses, vivantes et dont les arrangements laissent présager une belle porte pour une conciliation entre la pop mondiale et la poésie alternative riche et tendre. Il oscille entre la sensibilité connue de son parcours québécois et un son souvent associé non sans raison à une forme moderne de la variété européenne. Qu’on aime ou qu’on déteste, saluons l’offre qui change, qui souffle et qui permettra à certains de faire la paix avec la pop électronique et les synthétiseurs dignes de la revitalisation des années 1980. Assez de matériel pour assouvir votre grosse faim d’ici l’inévitable tournée vingtième anniversaire de Notre-Dame de Paris.

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