Vingt-deux dates, trois mois et deux pays. Le compte est bon pour la tournée Xxxplosif de Dead Obies. Le 2 décembre, le sextuor clôturait sa tournée avec sa rentrée montréalaise dans un Club Soda sold out. Retour avec un manteau qui doit encore sentir la fumée secondaire.
Les portes ouvrent à 18h30 et le spectacle commence à 20h tapantes avec les performances du grand génie KNLO et du jeune français Georgio, connu pour ses collaborations avec le collectif Fauve. On m’accueille à la petite table, à côté de la billetterie. «Tu viens couvrir pour Feu à Volonté? Regarde bien la foule. À 23h, il y a une bonne gang de parents qui vont débarquer…»
Pour ma part, ma seule réelle crainte, c’est que le bon KNLO se fasse rabrouer par la foule. D’expérience, le public fanatique d’un artiste n’est pas toujours réceptif aux premières parties, même lorsqu’elles sont clairement annoncées. En même temps, un public de rap est plus tenté de plonger vers les racines, le knowl, la connaissance de sa scène. Nous verrons bien.
20 heures. KNLO arrive sur scène et scande le refrain de Paul Desmarais (GDC) d’Alaclair et prend de court la foule qui reste réceptive. S’ensuivent Justeçayinque et son classique Le Délice d’un rappeur, qu’il enchaîne accompagné par sa conjointe et partenaire musicale Caro Dupont et le chef gourmet du son 7D aux platines. En sautant d’une époque à l’autre de son répertoire, Craqnuques montre qu’il est au sommet de son jeu. On salue la complicité avec sa choriste; c’est vraiment un couple adorable sur scène.
Le public ne s’enflamme pas trop et demeure respectueux. Des grands cris se font entendre quand Jamai est invité à se joindre. Un enthousiasme grand qui appelle, sans l’ombre d’un doute, à un retour en force du K6A.
Lorsque KNLO demande à la foule s’il y en a qui ont leur diplôme d’études secondaires, un faible pourcentage répond positivement. Mention spéciale à tous nos gens qui ont des DEP. Choc des générations qui se manifeste aussi à la conclusion de la performance, alors que le grand monarque propose son classique de 2007 Les Bonbons. La vingtaine de personnes de plus de vingt ans bounce grave et le reste du public demeure froid.
La première partie se déroule mieux que prévu et les gens arrivent tranquillement pour Georgio. Plusieurs personnes rencontrées dans le public sont amers d’avoir manqué KNLO, et questionnent l’ordre des prestations. Le début de la performance du Parisien nous indique la raison des choses. Si le public de Dead Obies s’époumone, pensant que c’tait ça que c’tait, mais que finalement, c’tait pas ça que c’tait, il demeure particulièrement réceptif à Georgio. Son air d’enfant de bonne famille et ses productions très proches de celles de Fauve n’impressionnent pas particulièrement le public «plus âgé», mais semble faire mouche auprès des plus dévoués sur le plancher de danse.
Le jeune rappeur indique que c’est sa deuxième fois au Canada et qu’il profitera de l’occasion pour assister à un match de hockey. Il profite également de sa locution pour expliquer que «être chaud», en France, ne veut pas dire «être saoul», visiblement inconscient que la moitié de l’Île de Montréal est sur un PVT.
Sa manie d’appeler les gens «cousins» dans son titre Appel à la révolte, tiré de son album de 2015 Bleu Noir, me fait grincer des dents, mais semble créer un engouement franc auprès du public qui se tire dans un bref moshpit.
L’occasion est parfaite pour faire du streetstyling. Tout le monde se met sur son 36, si se mettre sur son 36 est de porter des vêtements de la ligne Thrashers. On note entre autres, cette génie qui porte un chandail de Bouledogue Bazar.
Ou cette génie d’un autre ordre qui a fait imprimer un chandail avec ses photos d’elle posant avec Dead Obies.
La tendance est également d’essayer de s’habiller en Joe Rocca. Voici quelques exemples croqués sur le vif (lire: très mal photographiés en cachette).
Sur scène, Dead Obies montre cependant que Joe Rocca est toujours fashion forward avec son chandail molletonné rose et son sac à dos de Winnie l’Ourson. On comprend clairement que si Dead Obies était les Backstreet Boys, Joe Rocca serait Baby Spice.
Niveau performance, le sextuor, augmenté des musiciens de Kalmunity, comme lors de l’enregistrement de Gesamtkunstwerk, met les bouchées doubles. On débute avec Moi pis mes homies, Jelly puis Aweille!, un enchaînement qui signifie «On va tout détruire» et, surtout, qui nous fait demander s’il y aura un essoufflement à mi-parcours, à force d’épuiser les titres canons.
Yes McCan s’adresse à la foule pour parler d’un retour dans le passé, pour rappeler l’avant Gesamtkunstwerk, pour introduire Runnin’. Peu de temps après, ils proposent Tony Hawk. Elle a d’ailleurs été rejouée en rappel.
J’aimerais ainsi profiter de l’occasion pour soulever un point. C’est la rentrée montréalaise, dans un Club Soda à guichet fermé. Le full band est là, ce qui me laisse croire qu’un certain budget est disponible pour l’organisation. Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais, à mon avis, jouer deux fois la même pièce, aussi forte soit-elle, quand on a deux albums complets, deux mixtapes et des projets sur le côté, c’est une drôle de décision éditoriale. Quitte à parler de retour dans le passé, j’aurais proposé quelque chose de la sorte (et vous pouvez prendre le script. Ça ne me dérange pas).
Montréal, ça va bien ou quoi? Ça fait chaud au cœur de voir que vous êtes tous ici, Montréal, vous avez toujours été les premiers à répondre donc pour ça, on vous a préparé une surprise. On va drop way back. Avant Gesamtkunstwerk, avant Montréal $ud. 4:20 ça vous dit quelque chose? Ouais, that’s where it all began. Y’a quatre ans on a sorti un mixtape qui s’appelle Collation Vol. 1. Ce soir, pour vous, on a invité un gars qui nous a aidé pour ça. Faites du bruit pour Freddy Gruesum.
Pow. Marc Labrèche. C’est ce que les gens veulent, surtout que l’instrumental se prête bien à la proposition de Kalmunity.
Mais ça n’empêche pas que la performance est solide. Par contre, le gars devant moi, qui a oublié son nom, est sûr qu’il est dans un spectacle de Soulja Boy.
Au rappel, beaucoup de gens quittent. Plusieurs manquent l’introduction d’une pièce solo de Joe Rocca. Bien que le titre ait été fait en Facebook live, au moment de mettre en ligne, on ne parvient pas à retrouver ce lien. Disons simplement que c’est abrasif, ravageur, influencé du son d’Atlanta et difficile à analyser complètement en une première écoute live. Cependant, si ce projet demeure égal de A à Z, le paysage musical de 2017 devrait être très intéressant.
Spectacle généralement satisfaisant pour les fans, avec quelques incongruités dans l’ordre et le rendu des pièces (sauter le couplet de Yes dans Traffic, ne faire que celui de 20Some dans Waiting, jouer deux fois Tony Hawk). On demeure positif à dire que Dead Obies constitue une force unique dans le paysage musical de 2016. Voyons comment la suite des choses se tracera pour les jeunes Jé$us.
PS: Évidemment, Philippe Fehmiu y était.