On t’ouvre la porte du Sonik, un disquaire indépendant du Plateau spécialisé dans le punk, le métal et le garage où une impressionnante sélection de disques t’attend pour te rentrer dedans avec une bonne dose de marginalité!

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Sonik/Photo: Alexandre Demers

Les paisibles (quoique bien détruites) rues du Plateau, au sud de Mont-Royal, sont le théâtre hétéroclite du foie gras, de vêtements en laine d’alpaga et de cônes oranges maganés. Parmi ces recoins et ruelles plutôt tranquilles, on peut entendre de la musique alternative qui brasse en masse, provenant d’un petit commerce indépendant. Situé au 4050 Berri, ce moshpit de décibels dansants, c’est le disquaire Sonik.

Le Sonik, c’est l’histoire de Mathieu Livernois, un érudit du punk et collectionneur de disques depuis le tout jeune âge. N’ayant jamais froid aux yeux (même en hiver), on s’est rendus au comptoir de sa boutique pour jaser avec lui de son commerce spécialisé (devenu une institution de la musique alternative), de sa passion pour le punk et de l’ère musicale actuelle.

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Sonik/Photo: Alexandre Demers

Les premiers décibels

Mathieu a passé de nombreuses journées de sa jeunesse à arpenter les rues à la recherche de disques punk. «À Montréal, y a quand même tout le temps eu de la place pour le vinyle. Moi, dans les magasins, je trouvais pas ce que je voulais. Vers la fin des années 80, début 90, j’allais à New York deux ou trois fois par année pour acheter du stock dans certains magasins hallucinants comme le Generation Records et le Kim’s Video and Music. Y avait ben de la réédition pas chère que les magasins d’ici ne tenaient bizarrement pas en stock. Y avait un manque», se rappelle-t-il.

Ce manque, Mathieu l’a comblé lorsqu’il a décidé d’ouvrir sa propre boutique au tournant du millénaire, une époque où le vinyle était vu comme un vestige du passé. «Sonik a ouvert le 1er avril 2000. C’est sûr que lorsqu’on est arrivés, y a ben du monde qui ne comprenait pas ce qu’on faisait ici, soutient le disquaire. Les gens disaient êtes-vous malades de vendre du vinyle en l’an 2000? Aujourd’hui, c’est êtes-vous malades de vendre du CD en 2016? Ça a complètement changé.» Le flair et la connaissance auront eu raison des râleurs puisque la boutique a pignon sur rue depuis maintenant plus de 16 ans. Pas qu’une petite affaire!

Des années formatrices pour un amateur de musique qui brasse

La fascination de Mathieu pour le punk est née à l’adolescence alors que son cercle d’amis écoutaient leurs premiers albums en groupes. Cette culture marginale a rapidement fait son chemin dans la tête et le cœur du principal intéressé. «Mes amis avaient des disques et on découvrait des bands. L’énergie de cette musique-là me parlait beaucoup. Dans ce temps-là, y avait une bonne scène locale, donc j’écoutais du Fair Warning, du S.C.U.M., etc. Y avait de bonnes compils canadiennes comme It Came from the Pit. Là-dessus, t’avais du Nomeansno, S.N.F.U., etc. C’était dans les premiers trucs que j’ai acheté», se remémore-t-il.

Cette passion grandissante a poussé le néophyte à vouloir passer de l’écoute dans sa chambre à l’expérience en salle, question d’emmener le trip encore plus loin. «Je suis allé voir mes premiers shows autour de 1985. À l’époque, c’était surtout des bands hardcore qui se démarquaient. Y avait aussi la fameuse époque du crossover qui était un mélange avec le métal. Y avait énormément de shows en ville. Un weekend qui avait été hallucinant, c’était le No Speed Limit, au Spectrum, en 1986. Voivod venait de déménager à Montréal et headlinait les deux shows mettant aussi en vedette D.R.I., Sacrifice, Agnostic Front et Possessed. Le crossover, c’était le pont entre les deux genres. Tout était accepté ensemble», relate Mathieu. Cette adoration le suit depuis cette belle époque, au point de vouloir partager avec une clientèle la musique qui a changé sa vie.

Entre les murs de la boutique

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Sonik/Photo: Alexandre Demers

Pour l’amateur moyen qui décide de franchir la porte à l’intersection de Berri et Duluth, on y trouve de grands lots de vinyles, mais aussi des CDs (et même quelques cassettes) des Ramones, Patti Smith, Minor Threat, The Replacements, Hüsker Dü et Descendents, pour ne nommer que ceux-là. Mathieu se permet de mettre ses intérêts variés de l’avant pour la clientèle assoiffée de musique abrasive provenant de toutes les régions et de toutes les époques. «C’est moi qui fait les commandes, donc ce sont mes goûts personnels qu’on retrouve en magasin. Si un des membres d’un groupe que j’aime se part un side-project, c’est sûr que je vais en avoir aussi. J’y vais également par label. Je tiens les disques des étiquettes essentielles comme Dischord, par exemple. Je tiens du Jagjagwar. Y a un label garage In The Red qui sort de bons trucs. Ce sont des essais-erreurs aussi des fois. J’écoute la plupart de ce que je commande», ajoute-t-il.

Mathieu tient également une certaine part de stock de seconde main. «Dans l’usagé, j’essaie de faire des miracles même si internet a complètement changé la patente. Au début, quand on a ouvert le magasin, des gens débarquaient ici avec des caisses de lait pleines d’albums qui traînaient dans leur sous-sol. On pouvait quand même trouver des trucs intéressants. Maintenant, tout le monde regarde sur internet avant de vendre pis c’est correct aussi. Les pièces de collection sont pas mal toutes rendues entre les mains de gens qui savent ce qu’ils ont», explique-t-il. Pour des disques qu’on voit moins souvent en circulation, tu peux jeter un coup d’œil à ceux qui sont présentés sur les murs. Tu vas peut-être y trouver ton compte!

Malgré la prédominance de musique loud et rapide sur les racks, il laisse aussi de la place à de la musique plus douce comme le jazz et le reggae. «Dans pratiquement tous les genres musicaux, y a des périodes ben intéressantes, assure-t-il. C’est comme n’importe quoi. Dans le jazz, y a le free jazz qui est sur le bord d’être punk pas mal.» Tu cours donc la chance de croiser Charles Mingus et John Coltrane quelque part dans les crates.

Si jamais tu erres dans les rangées et que tu ne trouves pas ce que tu cherches, il ne faut pas avoir peur, jeune âme esseulée : il te sera possible de passer une commande spéciale. «Avec les années, je me suis fait un réseau qui est quand même surprenant. J’arrive à avoir pas mal tout ce qui sort. Je commande pas au particulier sur Discogs parce qu’on ne s’en sort pas avec les frais de douanes, mais les nouveautés, on peut certainement les commander au besoin»,précise le marchand. Qu’on se le tienne pour dit: y a toujours une solution!

Une place pour la (bonne) musique d’ici et du DIY à la bonne franquette

Parmi les milliers de disques qui arborent les étalages du Sonik, on dénote la présence marquée de produits locaux. «J’y vais pour la qualité avant tout. C’est sûr qu’il y a énormément de trucs locaux parce que les bands viennent porter leurs projets ici. À l’époque, L’Oblique était sûrement un des meilleurs magasins pour supporter les bands d’ici. J’essaie de faire un peu la même affaire. C’est quand même important parce que se faire distribuer, c’est assez compliqué», remarque-t-il.

Mathieu en sait quelque chose puisque sa passion et son militantisme l’ont mené à lancer un label nommé le Sonik’s Chicken Shrimp, il y a quelques années, via lequel ils ont fait des rééditions très DIY de vieux groupes punk des années 80. «Y avait des rééditions de bands d’à peu près toutes les villes sur le marché pis Montréal était un peu sous-représentée. On avait donc sorti les anthologie de S.C.U.M., Fair Warning, Genetic Control, etc. On a aussi sorti un des plus vieux bands punk de Montréal, The 222s. Le CD a maintenant tellement droppé et le vinyle est rendu tellement cher. On est moins actifs. Aux États-Unis, c’est tellement long pouvoir presser depuis que les majors sont revenus dans la game. L’argent parle, encore une fois», déplore-t-il.

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Sonik/Photo: Alexandre Demers

Garder le fort à l’ère du numérique et du retour des majors

Même si le streaming gagne de plus en plus de terrain, Mathieu affirme sentir l’intérêt du marché envers le support physique qu’il met à la vente. «Ce sont souvent les mêmes visages qui reviennent. Y a des gens qui collectionnent, d’autres qui écoutent la musique, mais qui ont aussi besoin de l’objet. Deux clientèles complètement différentes. Si le streaming n’existait pas, est-ce que je vendrais plus de disques? Honnêtement, je le sais pas. C’est peut-être du monde qui écouterait la radio au lieu de venir ici. Mais oui, j’ai l’impression que c’est encore faisable. Ma clientèle est assez fidèle. Côté vinyle, y a tellement de bonnes rééditions, c’est sûr que ça aide à venir acheter le morceau.»

Malgré la résurgence du vinyle depuis quelques années, Mathieu ne croit pas en l’effet de mode pour ce qui est de son propre créneau du marché. «Quand on a ouvert, on vendait des vinyles de punk et de garage. Ça ne se dément pas: ça ne s’en ira jamais. C’est dans la culture punk. Pour ce qui est l’autre vague de popularité, j’imagine que si les majors essaient de nous vendre une 8e réédition de Bob Dylan, ils vont peut-être revenir pour une 9e fois. On va peut-être revenir vers le CD bientôt: ça va devenir un objet de collection auprès des jeunes qui n’ont pas connu ce format-là», lance-t-il à la blague (mais avec un possible brin de prémonition …!)

Les disques Sonik se trouvent au 4050 rue Berri. Tu y trouveras, bien sûr, une intéressante sélection de vinyles punk, métal, garage et autres styles marginaux, mais aussi un paquet de livres variés sur la culture. Oublie pas d’arriver avec ton argent comptant parce que le magasin n’accepte ni débit ni crédit. Dans le pire des cas, y a un guichet pas trop loin.

Pour ce qui est des médias sociaux, Mathieu s’avoue trop dinosaure pour en avoir et les alimenter. Tous les nouveaux arrivages en magasin, tu les découvriras donc en te rendant sur place (comme dans l’temps!)

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