Fuck Toute
Fuck Toute
GBS Records
***1/2
Le nom circule depuis le printemps 2015 et intrigue dès le premier instant. On l’a vu dans les rues, l’an dernier, pris entre deux souricières dans une manifestation anti-austérité. Puis on l’a vu sur Facebook, dans les retrouvailles en studio du batteur Jonathan « Big » Bigras (Galaxie, Samito, Laura Sauvage, Bald Vulture, Les Deuxluxes, etc.) et du chanteur François Gagnon qui se réunissaient pour la première fois depuis le deuxième record des Guenilles, en 2011.
Les deux sont arrivés quasiment en même temps et se répondaient parfaitement. D’un côté, un slogan qui résume la grogne citoyenne, de l’autre, une pulsion musicale enragée et un logo qui reprend habilement celui de Black Flag en doigt d’honneur, qui se transforme en patch, en graffiti. La boucle d’interinfluence fonctionne, mais on attendait encore un album de la part du duo notoire, doublé par David Horan et Maxime Gouin aux cordes.
La 14 octobre paraissait l’attendu premier album de la formation de musique méchante Fuck Toute. Un momentum parfait pour concorder avec le troisième débat américain où c’est «un fou qui va nous nuker» et «une menteuse qui va nous vendre aux riches», pour citer la chevronnée politologue entendue dans le métro ce matin. Pour concorder avec les coupures, les pertes d’emplois, les journées qui raccourcissent. Pour concorder avec l’automne et le blues de novembre, le rush de la rentrée, le rush de mi-session, le rush de pré-Noël et les moments épisodiques où tu croises ton ancienne flamme à l’épicerie. Fuck Toute, comme un terme qui canalise tout ce qu’il y a de négatif, d’animal et de passionnel pour le transformer en «musique méchante» (© FaV2016).
La musique méchante, dans le cas présent, c’est un point de rencontre équilibré entre le crust, le hardcore, le stoner et le punk. On obtient quelque chose de gras, rugueux, irrévérencieux et agressif, réparti sur 16 pistes qui frôlent la marque du 30 minutes. Ça en fait, en quelques sortes, une œuvre monumentale; non pas par sa longueur, plutôt standard pour le genre musical, mais par le standing de ce dernier. Cet album homonyme est la chose qui ressemblera le plus à un éventuel album des Guenilles depuis le décès, à mon avis prématuré, desdites Guenilles.
Les sujets y sont variés, mais à la fois similaires à ce que Gagnon, ou du moins ses collègues, nous ont montré dans le passé. Par exemple, le titre Fuck Toute comprend quand même son lot de ressemblances avec La Scène locale de l’album Zéro pis une barre. On sait que le chanteur n’était à ce moment plus dans la formation, mais on ne peut s’empêcher de penser que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre.
Au moins, Fuck Toute pousse tout un cran plus loin par rapport à ses propres standards, mais aussi par rapport aux autres; on se dit qu’entre Meth de minuit sur cet album-ci et le titre Mess de minuit d’Émeute Poubelle, il y a une similitude, mais, également, un cran d’intensité remarquable.
Bref, sans réinventer, Fuck Toute fait du bien par là où ça passe et nous rappelle qu’on a un criant besoin de représentants de ce son heavy en français dans les canaux de diffusion alternatifs qui peuvent parler aussi de folk et de hip-hop. Le public est prêt et en a besoin. Et si t’es pas d’accord, fuck toute, même ton opinion; c’est peut-être ton attitude, le problème.