Les couronnes de fleurs foisonnent sur le quai d’embarquement de la station Berri-UQAM, direction Longueuil-Université-de-Sherbrooke. Une autre fin de semaine où les cyclistes sont bannis de la ligne jaune commence, et pas n’importe quelle: Osheaga, le nec plus ultra des festivals de musique dans le nord-est américain, débute pour sa onzième édition ce vendredi 29 juillet. Dans le wagon qui nous mène au Parc Jean-Drapeau, ça parle anglais, ça s’échange de l’alcool et ça ne gère pas vraiment bien son espace en transport en commun.
Dès l’arrivée, les passagers sortent en s’enthousiasmant à la manière d’octogénaires passagers d’un autobus qui arrive à Plattsburgh. Nous avons atteint un point de non-retour. Par chance, le reste de l’expérience se passe mieux que son départ.
Après une file d’attente nous rappelant que nous sommes bel et bien sur l’Île Sainte-Hélène (salut La Ronde!), nous entrons sur le site sous les rythmes de la pièce Shine a Light de Banners, qui conclut son spectacle sur la Scène de la Rivière. Une bonne chose que je puisse identifier le groupe, car sinon, j’aurais continué à croire qu’il s’agit d’un titre d’un des albums subséquents à Mylo Xyloto de Coldplay.
S’enchaîne tout de suite après: la performance des Torontois Dragonette, qui me fait réaliser l’ampleur de l’événement et la petitesse de mon appareil photo.
Très vite, on réalise qu’Osheaga s’inspire des autres festivals québécois en plaçant ici et là des spectacles cachés. Par exemple, ce guitariste à la tente Ibanez.
On se familiarise avec le site et on se retrouve à la Scène Verte où le chanteur sud-africain de folk-rock festif Jeremy Loops propose sa performance. Comme son nom l’indique, le musicien est un artiste de la boucle, préparant des séquences de guitare et d’harmonica en direct qu’il enchaîne pour faire danser la foule, curieuse et accueillante. Il avoue être «terrorisé de faire des spectacles sachant que personne ne connaît ses chansons… sauf cette fille-là, en avant» [NDLR : traduction approximative], mais son interprétation de la pièce Down South lui gagne son public.
Juste après, Scène de la Vallée, commence la performance du Britannique Jack Garratt, simplement installé avec une batterie et des séquenceurs. Son mélange électronica-r&b-brostepisant semble ravir son public, mais me laisse un peu perplexe quant à la nature de la proposition. À recommander si vous aimez les instrumentaux un peu feutrés doublés par un chanteur qui ajoute un grain agressif à sa voix et une pétarade de percussions remplies de basses. De quoi plaire à cette délégation du Cap Breton.
On monte plutôt le monticule pour attraper la fin de la performance de Safia Nolin, qui demande si Skrillex joue sur la scène à côté d’elle.
Pendant sa performance, cet homme décide de s’entraîner. Un choix adéquat.
La sensation trap de Washington, D.C., GoldLink, débute sa performance sur la Scène Verte devant un public qui semble plutôt ontarien. On voit quand même la dédicace que le rappeur fait à Montréal en arborant le kit Adidas, à la manière d’un adolescent du Centre-Sud.
En nous dirigeant vers le spectacle de Silversun Pickups, on continue notre safari pour découvrir la faune locale d’Osheaga. Les plus attentifs auront la chance de croiser le Philippe Fehmiu dans son habitat naturel. Il ne mord pas, mais peut vous infecter par sa contagieuse festivité.
Les Californiens Silversun Pickups offrent une très solide performance sur la scène De la Rivière. On est bien contents qu’ils soient de la programmation et, à ce moment, on réalise qu’on doit au moins être 2-3 personnes à Osheaga à penser la même chose.
Passenger suit pour casser le rythme avec sa seule guitare et son long laïus pour expliquer qu’il ne va pas jouer son seul hit, Let Her Go, et que ça n’a rien à voir avec Frozen. Tu ne m’avais déjà pas dans ta poche, mais tu viens de confirmer le tout. Je vais voir White Lung sur la Scène des Arbres à la place.
Malgré une absence marquée de caisse claire dans le mix, on sent l’énergie de la formation vancouvéroise menée par Mish Way, qui se présente comme un genre de diva punk-rock envoutante. Leur dernière galette fait partie de la courte liste du Prix Polaris du meilleur album et ça tombe bien, leur performance fait partie de la courte liste du meilleur spectacle de la journée.
En route vers Cypress Hill, on aperçoit deux autres spécimens de la faune locale: le Denis de Montréal et la Mélanie de langue francophone. Aucun des deux ne semblait très Tequila Sunrise, bloodshot eyes.
Cypress Hill, d’ailleurs, ne propose que des hits, incluant un long segment où B-Real se fume un énorme blunt et interprète Roll It Up Smoke It Up, Dr Greenthumb et Hits From The Bong. Après une routine où Sen Dog et lui séparent la foule et font crier des insultes à une moitié et à l’autre sur le rythme de Rapper’s Delight (belle compensation pour l’absence de Sugarhill Gang au Festival International de Jazz de Montréal s’il en est une), ils enchaînent avec Insane in the Brain et d’autres classiques. Une performance conservatrice, mais efficace.
Une petite pause est de mise avant le bloc final enrageant. Choisir entre Red Hot Chili Peppers, Vince Staples, Lapsley, Flume et Boys Noize est particulièrement difficile. La décision est prise d’attraper le début de Staples pour ensuite conclure avec les funk-rockers de la Californie sur la Scène de la Rivière. Le rappeur issu d’Odd Future ne fait qu’une seule bouchée de la scène et donne toute son énergie à la foule en liesse, quasiment extatique.
Je quitte après trois titres, tous plus efficaces les uns que les autres, pour attraper le début des Red Hot. Le visuel est époustouflant et les hits s’enchaînent. Cependant, de nombreux jams instrumentaux et temps morts viennent ponctuer la performance. On apprécie puisque ça montre leur côté humain, malgré la taille démesurée du groupe après toutes ces années, et leur plaisir apparent de jouer ensemble. Cependant, le tout fait place à des longueurs dans le spectacle, ce qui semble inapproprié pour un format de festival. Peut-être le groupe gagne-t-il à être vu en salle?
Un autre bémol revient au guitariste Josh Klinghoffer, non pas pour sa performance, mais pour la réception négative qu’on lui porte. Son style plus noisy et agressif est, certes, surprenant quand on le compare à son prédécesseur John Frusciante. N’empêche qu’il fait le travail et semble en harmonie avec ses collègues plus vieux. Le problème reste dans les critiques qui disent qu’il ne sera jamais Frusciante. C’est correct qu’il ait son identité. Personne n’a jamais reproché à Frusciante de ne pas être Dave Navarro.
Alors de voir que la balance de son ne laisse aucune place à la guitare, c’est spécial. On sait que ce sont Flea et Chad Smith qui forment l’architecture des pièces et le son spécifique de RHCP, mais jouer à quatre et n’entendre que trois musiciens, c’est bête. Surtout dans des titres comme Snow (Hey Ho), une pièce absolument guitaristique, où on entend que la ligne de basse qui ne sert qu’à accompagner la ligne mélodique mouvementée.
On quitte tout de même satisfaits, en prenant note que Red Hot Chili Peppers est meilleur en salle. Le retour se fait dans une boucle totale, comme elle a commencé, un peu pour nous rappeler que le festival continue samedi; avant d’entrer dans le métro, quelqu’un crie sur le quai de la station Jean-Drapeau. En l’occurrence, quelqu’un qui provient de cet amas de personnes.