Pour leur rentrée montréalaise, Les soeurs Boulay ont convié leur public à La Tulipe. C’est dans un line-up des moins caniculaires dans la ruelle adjacente à la salle qu’on a rencontré un gars qui pensait que tout ce beau monde-là s’en venait faire le party avec lui. La horde de filles (avec les 3-4 gars présents sur place) a pris place dans la salle parsemée de maisons et dont la chaleur rappelait également un chez-soi douillet: le 4488 de l’Amour.
Le spectacle n’est pas encore commencé que l’on constate déjà l’intellect, l’esprit et la lucidité qui émanent du duo familial. Évoquant la fameuse adresse qui nomme l’album, des maisons suspendues volent autour des têtes. On ne peut que constater que, malgré qu’elles soient des filles, les soeurs Boulay ne sont pas nounounes. Dur constat pour certains quinquagénaires moroses à l’humanisme limité.
C’est la presqu’enfant Rosalie Ayotte qui assure la première partie. «J’ai 15 ans et je viens de Saint-Tite, mais je ne chante pas du country», annonce-t-elle comme une candidate de La Voix devant quatre coachs ébahis. C’est avec une assurance travaillée qu’elle présente ses compositions jolies et habilement imagées, de même qu’une reprise fort convaincante de Igloo de Safia Nolin.
On remarque tout de suite son phrasé habile et la texture riche de sa voix qui vogue sur les nuances. Les doigts énervés de l’auteure-compositrice trébuchent légèrement à quelques reprises sur les cordes de sa guitare, mais il va sans dire que certains nonos bien connus se seraient plus dramatiquement enfargés sous une pression pareille. Chapeau!
«J’me demandais si vous alliez encore nous aimer», s’exclame Mélanie Boulay en recevant avec sa soeur Stéphanie la marée d’amour de la première toune, Couteaux à beurre. Elle est convaincue: les filles dans la salle, nounounes ou pas, aiment encore les soeurs Boulay. Cul-de-sac, tirée du premier album, suit avant que l’on revienne à la Maison, au 4488 de l’Amour pour essayer de trouver un peu de Jus de boussole.
Une version aux guitares plus épurées et aux percussions omniprésentes de la pièce Lola en confiture poursuit le set. L’intelligence musicale de l’exercice nous fait dire quelque chose comme «ça prenait quelqu’un de pas nono pour penser à ça!».
Confiant à la foule qu’elle a déjà joué à sonne-décrisse durant sa jeunesse (et l’an dernier), Mélanie Boulay chante avec sa soeur la toune qui parle de sonner et de décrisser. Racontant de petites histoires comiques, les deux soeurs sont attachantes: «Ma sœur est très ésotérique et elle aime bien se tirer aux dés de la destinée pour prendre des décisions importantes», lance Mélanie. «Ma sœur n’a pas eu le choix de croire aux trucs ésotériques. Il y a un fantôme gentil dans sa chambre. Il est pas mal cochon et ma sœur se réveille toujours ben de bonne humeur!», renchérit Stéphanie. C’est une joke que les petits assis dans l’escalier de la scène ne peuvent pas comprendre:
Par le chignon du cou et Ôte-moi mon linge suivent. Cette dernière est interprétée par Mélanie seulement, Stéphanie à la guitare. Livrée avec un air cochon-émotif, la pièce stipule «j’suis pas une conne», au cas où il resterait des grincheux ringards pour douter de l’intelligence générale des femmes.
Après que la salle ait entonné à gorge déployée Mappemonde, Stéphanie se présente seule au piano pour Prière.
«On a voulu donner une deuxième chance à la prochaine chanson de rayonner en la faisant mieux», expliquent les filles avant d’interpréter Pour que tu m’aimes encore de Céline (Jean-Jacques Goldman).
Andaman Islands et Gab des îles suivent. «Je ne dirai pas de qui parle cette chanson parce que le gars est dans la salle, mais tu pues et tu m’as brisé le coeur», dit Mélanie avant de chuchoté «Gabriel» dans le micro. Pour T’es ben mieux de les ouvrir tes yeux, on fait monter sur scène un monsieur de la foule, Sid, qui se fait niaiser depuis le début du show. On lui fait interpréter un solo de pipeau des plus réussis alors que «Kent Nagano le regarde en livestream», selon Stéphanie.
On prend La vague qui se mêle à la grand route dans un environnement musical beaucoup plus orchestral que sur le premier album (wow) avant de s’envoyer Des shooters de fort sur ton bras et de faire un Show de boucane.
Un appel au rappel des moins silencieux envahit la salle laissée dans le noir avec une seule maison allumée. Les filles reviennent sur scène en traversant la foule munies de portes-voix, escortées par des gardes du corps telles Beyoncé et l’une des deux autres de Destiny’s Child. C’est dans cette mise en scène de revendication que les soeurs interprètent leurs deux tounes plus engagées De la noirceur naît la beauté et Langue de bois.
Renaud Gratton, Gabriel Gratton et Philippe Legault accompagnaient les filles durant le show, mais également durant le salut de la fin. Eux autres aussi on peut confirmer qu’ils sont pas nonos.
On quitte ensuite pour rentrer à la maison, même si, le temps d’une soirée, le 4488 était bel et bien la maison de tout le monde.
Envie d’un show pas nono? Les autres dates de concerts des soeurs Boulay sont ici.