Chilly Gonzales embarque sur la scène de la Salle Wilfrid-Pelletier avec le Kaiser Quartett, un quatuor à cordes originaire d’Allemagne. Faisant pratiquement dos à la foule, Gonzo enchaîne deux pièces qui semblent provenir du répertoire classique (ceci deviendra douloureusement clair au cours de cet article: je ne suis pas expert en la matière…).
Il ne s’adresse pas à la foule, ce qui est étonnant puisqu’il est connu pour donner tout un show d’habitude. Que nous réserve la soirée? Est-ce qu’on se prépare à assister à un simple récital dans cette salle magnifique, mais franchement un peu intimidante de la Place des Arts?
Dès le troisième morceau, Gonzales nous rassure en prenant la parole: «Je ne suis pas un musicien classique, je suis un compositeur de pop.» Ça peut sembler modeste… Et ça l’est en fait! Je ne sais pas à quel point il est techniquement bon pianiste (il ne fait probablement pas l’unanimité chez les puristes), mais l’homme est plus qu’un compositeur/interprète, c’est un metteur en scène, un pédagogue à ses heures et, surtout, un humoriste.
Toute la soirée, passant de l’anglais au français, Chilly fait rire son public en décortiquant certaines notions de théorie musicale, en parlant de Montréal (sa ville natale à laquelle il dédit une touchante Kenaston), ou encore en se moquant de ses collègues allemands et de leur manque d’émotion. Il sait même faire rire avec les éclairages, ou avec certaines notes, ne manquant pas une occasion d’exécuter ce qu’on ne peut que qualifier de «jeux de mots musicaux» (qui seraient trop compliqués à décrire ici). Il réussit aussi à faire danser comme des robots un public un peu coincé, le temps d’une chanson. Ce n’est pas rien.
Illustre producteur et fan notoire de hip-hop, Chilly offre également avec son spectacle une méditation sur l’influence de la technologie. Présentant le Kaiser Quartett comme «le sampler le plus cher du monde», il nous explique comment il compose des morceaux classiques en échantillonnant de courtes phrases de ses idoles, ou comment il essaie d’atteindre l’exactitude d’un métronome digital pour échouer inévitablement.
Et c’est pourtant ce côté humain qui fait de Knight Moves un des plus forts moments de la soirée, une véritable montagne russe qui passe du chaos à la fragilité en un instant, défiant les lois du rythme, nous rappelant que l’imagination aura toujours le dessus sur la technique.
En première partie, Milk & Bone offre une performance tout en retenue. Le public se réchauffe tranquillement, mais après un cover dénudé de Sufjan Stevens (Death With Dignity) qui évolue en gros jam de MoPho, tout le monde est conquis. On a aussi droit à quelques succès et à une nouvelle pièce très prometteuse qui rappelle un peu The Weeknd, ou encore FKA twigs. Elles finissent leur set avec la transcendante New York qui a sûrement donné des frissons à plus d’un. Bien joué!