En flânant dans le Mile End, tu es peut-être déjà passé devant le 207 Bernard Ouest. À cet endroit se trouve un monde musical éclectique sans prétention où il fait bon fouiner. On t’invite à franchir les portes de Phonopolis, un disquaire indépendant qui gagne à être connu.
On peut bien dire que ce qu’on veut sur le Mile End, celui-ci est le théâtre d’importants avènements culturels qui ont fait la réputation de Montréal. Parmi les iconiques bagels Fairmount et les irrésistibles smoked meat de chez Lesters se trouve un marchand de musique bien prisé des Montréalais: le Phonopolis!
L’histoire de Phonopolis débute en 2007, alors que Nathan et Caila, des fanatiques de musique venus de la Colombie-Britannique pour s’établir à Montréal, font germer l’idée d’ouvrir un magasin de disques dans leur Mile End d’adoption. À leurs côtés, ils ont Jordan et Brendan, également du BC, rencontrés par le biais de groupes de musique dans lesquels ils œuvrent à temps partiel. Ensemble, ils ouvrent les portes de Phonopolis. De par leur franche camaraderie, leur approche DIY et leurs goûts raffinés pour la musique underground, ils développent la boutique au plaisir de la clientèle qui s’agrandit. Jordan prend finalement les rênes de Phonopolis lors du déménagement sur la rue Bernard Ouest en 2011. Depuis ce temps, la boutique roule sa bosse et attire toujours une fidèle clientèle qui n’hésite pas à sortir des sentiers battus pour aller fouiller dans la fine sélection du Phonopolis.
On a sorti notre langue de Shakespeare pour aller discuter avec Jordan de sa boutique qui pullule de produits variés. Voici le fruit de notre entretien avec un mélomane dont la vie a été bercée par les univers de Sonic Youth et Miles Davis.
Si on se fie à votre réputation, vous vous spécialisez dans l’indie plus qu’autre chose, êtes-vous d’accord? Qu’est-ce qui prédomine sur vos tablettes?
Y a pas vraiment de style qui prédomine honnêtement. On essaie de faire entrer de la musique qui est peut-être pas si répandue ou peu écoutée. C’est principalement indépendant, je dirais. On fait affaire avec des distributeurs qui touchent beaucoup à de l’expérimental, du noise-rock, de l’électronique. On fait aussi affaire avec de l’usagé, on essaie de stocker des trucs qui peuvent être looked over, ou peut-être un peu plus ésotériques.
Mais l’étiquette «indie», vous l’acceptez?
C’est dur à dire, parce que le mot indie, au courant des dernières années, est devenu un peu whatever. Au début des années 2000, on l’utilisait un peu pour n’importe quoi sur des sites comme Pitchfork. Certains aiment coller une étiquette sur leur musique en fonction de ce qui est populaire. Je pense qu’on collecte ce qui génère un peu d’intérêt dans l’underground, au sens large.
Vous semblez accordez une place importante à la scène locale
Absolument! N’importe qui qui fait de la tournée peut venir déposer quelques copies de son album. À chaque mois, on met en évidence dans nos vitrines les artistes qui vont sortir un projet. Aussi, on peut permettre à un artiste de venir showoff sa musique quelque part dans la boutique. C’est important pour nous. J’imagine, parce que certains d’entre nous sont impliqués dans des groupes, on se sent impliqués dans la communauté musicale.
Vous vendez de la musique mais vous proposez aussi des services d’échange, c’est bien ça?
Oui on fait de l’échange! Aussi, au courant de la prochaine année on compte lancer notre propre webstore! On pourra alors vendre quelques items plus chers et ésotériques en ligne.
Je remarque que les CDs ont une toute petite place dans la boutique. Est-ce que vous pensez éventuellement prendre un virage exclusivement vers le vinyle?
On a seulement deux petits emplacements pour les CDs actuellement. On est plus pointilleux sur ceux qu’on décide d’avoir en magasin. Ce médium est un peu en train de sombrer dans l’obscurité. Y a encore du monde qui en achète, mais dans la boutique on remarque que ça a clairement baissé en popularité dans les dernières années. Peut-être que dans plusieurs années, les générations plus jeunes vont trouver les CDs cool, comme si c’était un format plutôt vintage!
Il faut qu’on vous le demande: pensez-vous que le retour du vinyle c’est un effet de mode ou c’est vraiment là pour rester?
On nous pose souvent la question! Personnellement, je n’avais pas l’impression que c’était parti pour toujours. Quand j’étais ado, j’achetais des vinyles quand même, mais je pense que maintenant, avec tous les reissues, on veut les albums en vinyle parce que c’est le format dans lequel ces albums étaient originalement faits. J’pense qu’il y a beaucoup de raisons derrière tout ça. Surtout dans le monde moderne où tout est tellement rapide, c’est nice d’avoir un format avec lequel on peut prendre notre temps.
Le regain de popularité de la cassette, vous y croyez?
Oui clairement! Récemment, on remarque que des artistes vont venir porter leur cassette plutôt que leur CD. J’ai toujours eu des cassettes quand j’étais plus jeune, j’aimais beaucoup faire des mixtapes. J’imagine que pour beaucoup de monde c’est pas si vieux que ça, mais c’est un format physique qui a son charme dans son imperfection. C’est petit et ça fit dans une poche. C’est surtout un format plaisant à collectionner je pense. On en a ici chez Phonopolis!
Est-ce qu’un fin connaisseur qui vient fouiner dans vos produits peut trouver des petits trésors de collectionneur?
Les trucs qui sont des «collectors», on prend le temps de les mettre en évidence sur nos murs. Y a un paquet d’albums ici qui peuvent être perçus comme des trucs pour collectionneurs. Par contre, je pense que notre clientèle n’est pas nécessairement à la recherche de ce genre de trucs. On essaie d’avoir des disques qui sont abordables. On ne veut pas donner une impression d’exclusivité.
Phonopolis a bonne réputation comme disquaire indépendant. Quelle est la recette pour se bâtir une clientèle fidèle?
Le fait qu’on est une petite équipe et qu’on travaille un peu comme une famille, ça fait une ambiance décontractée qui plait aux clients. J’ai voyagé pas mal, et y a beaucoup de boutiques où tu entres et y a un monsieur seul qui s’emmerde derrière le comptoir. Nous, on essaie d’impliquer les gens de la communauté. On veut faire vivre une expérience aux gens qui viennent ici. On y met notre personnalité. On fait des suggestions, on apprend à connaitre notre monde et leurs goûts.
Les Fêtes s’en viennent. Allez-vous avoir des offres spéciales pour vos clients?
On va avoir une vente pour le boxing day! On essaie d’amasser du stock en prévision de cet évènement. On va peut-être avoir des items qu’on n’aurait pas nécessairement en temps normal pour que les gens puissent avoir accès à plus de trucs possibles. Tout sera en vente! On va offrir 15% de rabais sur tous les produits neufs et 20% sur les produits usagés. C’est aussi la fin de l’année, donc on aura un coin de la boutique dédié à nos 10 albums préférés de l’année que nous allons suggérer à nos clients.
Vous vous distinguez notamment parce que vous avez occasionnellement des perfos d’artistes en magasin. C’est une formule qui est là pour rester?
Ouais, une chose sur laquelle j’aimerais travailler davantage pour avoir plus d’artistes locaux qui puissent nous approcher. On aimerait faire des évènements qui soulignent des sorties d’albums ou des spectacles en ville. Y a pas énormément de monde qui peut entrer, mais c’est une façon intéressante de voir un petit concert intime. On est chanceux, on n’a pas eu trop de plaintes à cause du bruit jusqu’à maintenant!
Avec l’immense popularité des services en ligne, penses-tu qu’il y aura toujours une clientèle pour le format physique?
Je pense qu’au final, c’est une question d’aesthetics. On peut télécharger des trucs comme on veut, mais j’ai l’impression que l’expérience du physique a quelque chose d’unique. Les Kindle sont sortis et les livres se vendent toujours. C’est dur à dire, mais j’pense qu’il y aura toujours un intérêt.
Tu peux rendre visite à Jordan et son équipe de mélomanes qui vont se faire un plaisir de t’accueillir dans leur boutique. Ils t’attendent avec des rabais sur TOUT en magasin dès le 26 décembre pour le fameux boxing day! A la place de faire des line ups qui ne finissent plus et de te battre avec des étrangers pas endurables, ramasse ton argent de poche et va faire le plein de musique dans un magasin sans prétention où tu recevras des suggestions au besoin! Ta collection de disques te remerciera!
Phonopolis est situé au 207 rue Bernard Ouest, dans le Mile End.
Vous pouvez consulter leur site web officiel pour plus d’infos, en attendant le webstore!