Joëlle Saint-Pierre
Et toi, tu fais quoi?
Coyote Records
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Le premier album est pour plusieurs artistes un moyen de rechercher leur singularité en s’affranchissant de leurs influences trop marquées. S’il m’apparaît souvent dénué de sens de comparer les artistes entre eux pour dire qu’un est plus bleu que l’autre, il se trouve que dans le cas de Et toi, tu fais quoi?, le premier disque de Joëlle Saint-Pierre, nous sommes conviés au mariage de plusieurs entités musicales.
Influences
Souvent très près de l’environnement sonore de Thomas Fersen, les mélodies viennent border les paroles pour créer des images vivantes. En ce sens, le Carrousel de Saint-Pierre et Le tournis de Fersen se ressemblent beaucoup sur le plan de la structure. Dans les deux cas, l’instrumentation crée un effet circulaire assez intéressant. Le mariage singulier d’un instrument moins commun et d’une douce voix rappelle celui d’Emilie & Ogden, qui pour sa part s’est éprise de la harpe. Cette finesse bien tenue est ronde et s’installe bien au creux de l’oreille. On se laisse prendre comme par une berceuse quand le phrasé de la jeune femme rebondit sur le découpage rythmé du vibraphone.
Entre légèreté et vide
Les lointains souvenirs d’un xylophone multicolore influencent certainement le fait que j’aie senti sur plusieurs pièces une candeur enfantine qui s’installe entre naïveté et légèreté. Les arrangements aériens laissent beaucoup de place à une prose où lourdeur ne rime pas nécessairement avec profondeur. Le «tu» incarne l’absence, le manque de l’autre et l’illusion amoureuse d’un «je» qui s’effrite sous la douleur. Ces caractéristiques décrivent aussi bien la dépendance affective que le ridicule que cache parfois autant de désespérance: «Quand ça n’existe pas c’est bien plus beau, ça reste entre nous deux». La prose gagne l’imaginaire avec le titre Rose, où se construise de belles images et ce, sans trop éreinter les vieux symboles comme dans plusieurs autres titres où les clichés fusent.