Mononc’ Serge est un personnage désormais mythique de la culture québécoise qui n’a pratiquement plus besoin d’introduction. Ayant été à l’arrière-plan dans les Colocs à ses débuts en tant que bassiste, il a ensuite décidé de tenter l’aventure solo pour exprimer qui il était vraiment en tant qu’artiste dans un univers musical souvent provocateur et explosif.
C’est à l’aide de chansons sur l’actualité qu’il s’est fait connaître dans le circuit des radios universitaires à partir de 1997. Attirant l’attention notamment grâce ses texte scabreux et son humour graveleux, il s’est rapidement bâti un public fidèle qui s’est régalé de son œuvre déjantée. Son esprit de petit gars qui aime faire des mauvais coups a toujours été omniprésent dans ses morceaux dans lesquels il aime se mettre les pieds sur la ligne de l’interdit et du grotesque. Après avoir flirté avec le heavy metal aux côtés d’Anonymus pendant de nombreuses années, il est récemment revenu à ses premiers amours: la musique acoustique de chansonnier. C’est dans le cadre de la défunte émission Ce Show … avec Mike Ward diffusée à Musique Plus que Mononc’ est revenu à la charge avec des nouvelles chansons d’actualité qu’il présentait chaque semaine. Armé de sa contrebasse, il a alors accumulé plusieurs morceaux dans sa besace. Son plus récent opus, Mononc’ Serge 2015, est paru au printemps.
C’est dans son Hochelag’ d’adoption en pleine gentrification que j’ai rencontré Mononc’ pour prendre de ses nouvelles, discuter de son nouvel opus, et tant qu’à y être, d’actualité un petit peu.
Comment s’est passé ton été et la tournée des festivals?
Ça a été un peu la routine. Souvent mes débuts d’été sont très occupés, c’est là que tout se passe. Il y a eu Woodstock en Beauce, le Rockfest, les Francofolies, le FEQ. Tout s’est passé entre la mi-juin et la mi-juillet. Sinon je fais des shows régulièrement, une fois ou deux par semaine.
Mononc’ Serge 2015 est sorti au printemps. Comment tes fans ont reçu l’album ?
Ce qui est particulier avec cet album-là c’est que c’était toutes des chansons qui avaient déjà circulées sur internet, à part Corrompu. Les réactions je les ai donc eues pas mal plus au moment où les tounes sont sorties. Quand j’ai sorti Charlie Hebdo à la fin janvier, j’ai eu beaucoup de réactions. Après j’en ai sorti une autre, ça a réagi, etc.
En faisant un album sur des sujets d’actualité, ça te fait pas peur de «gaspiller» ta musique sur des chansons qui vont être datées dans quelques années?
Je ne gaspille pas de musique dans le sens que les chansons je les écris. Ce ne sont pas des musiques sur lesquelles je plaque des paroles, ce sont des tounes qui n’existent pas à la base. Ça ne se peut pas gaspiller quelque chose qui n’existe pas. Ces musiques n’auraient pas existé sans ce projet-là. Les chansons sont nées dans des contraintes claires. C’est inconfortable, mais c’est plus productif. J’aime le résultat.
Tu es très loquace et loud sur scène et sur disque alors que tu es très posé et réfléchi en dehors. Comment expliques-tu cette dichotomie? Est-ce que Mononc’ Serge c’est ton personnage qui te permet de sortir le méchant?
Quand j’ai commencé à faire du Mononc’ Serge, je n’ai jamais vu ça de façon consciente. En y pensant, c’est ça en quelque part. Il y a un genre de défoulement là-dedans qui me fait du bien, autant à moi qu’au monde. T’entends quelque chose de viscéral là-dedans qui est le fun à faire. C’est bizarre parce que quand j’ai commencé à faire des shows, je ne me suis pas dit que j’allais faire un personnage. Je montais sur la scène pis j’me comportais comme ça.
Dans tes chansons tu fais une critique assez virulente de l’hypocrisie et de l’illusion dans laquelle vivent certains Québécois. Trouves-tu qu’on ne se fait pas assez brasser la cage ici?
Ouais, mais en même temps je me dis «j’suis qui moi pour faire la morale aux gens?» Comme l’affaire de Cecil, le lion qui a été tué. Les gens disent «c’est ben beau le lion, mais il y a des affaires bien pires qui se passent.» Des affaires comme Boko Haram, le traitement des femmes, etc. Ça, on en entend très peu parler. Un lion, ça attendrit les gens parce que c’est beau, même chose pour les chevaux avec les calèches dans le Vieux-Montréal. Si on veut être totalement cohérent il faut arrêter de manger de la viande. Je sais pas. Au fond c’est une démarche souhaitable que les gens s’indignent, même si parfois c’est fait maladroitement. C’est mieux que pas du tout. Moi, dans le fond, je déconne, tout simplement. Des fois je tente juste de trouver un angle intéressant. J’fais pas la morale à qui que ce soit. Je suis très mal placé pour faire la morale. Je suis plus dans l’aspect délire.
Mais Charlie Hebdo, c’est plus sérieux comme démarche…
Oui c’est vrai, mais moi j’suis un peu comme dans un terrain de jeu où je peux tout me permettre. Charlie Hebdo et Des Questions, ce ne sont pas des chansons comiques. Si je me mets à faire la morale, les gens vont me dire que j’ai fait Une hostie de bonne smoke qui fait l’apologie de la cigarette, ou encore Les Cochons qui fait l’apologie de l’alcool au volant, etc. Moi j’fais ça pour déconner. Il y a d’autres chansons où je ne déconne pas. Comment les gens font pour faire la différence? La réponse: j’m’en tabarnak. Je fais ce que j’ai envie de faire, les gens prendront ce qu’ils veulent. Il y a personne qui prend ce que je dis pour du cash.
Tu remets en question certains de tes supporteurs sur Des Questions. C’est parce que tu as réalisé que tes déclarations incendiaires pouvaient nourrir les mauvaises personnes?
Oui c’est ça. J’avais fait des chansons sur mon dernier album où il est question de l’islam. Il y a des gens ouvertement islamophobes qui partageaient ça sur Facebook. Je me suis dit «ok, si ces gens-là se réjouissent, y a quelque chose qui cloche.» J’avais aussi fait une perfo de la chanson État Islamique pour le show de Mike Ward, et à un moment donné j’ai vu que la vidéo était partagée sur un site d’extrême droite en Bretagne. J’me suis dit «eh boy, c’est pas ça que j’veux dire». Le titre qui coiffait l’article c’était vraiment injurieux à l’égard de tous les musulmans. Moi, à un moment donné j’étais mal à l’aise. Il y a des gens qui t’aiment pour les mauvaises raisons. C’est pour ça que j’ai écrit Des Questions. Je ne sais pas si ça a clarifié grand-chose, mais je sentais le besoin de faire ça.
Ton album culte Mon voyage au Canada va avoir 15 ans l’an prochain. Serais-tu du genre à jouer l’album au complet pour l’occasion?
Non, j’ai pas ça en tête. C’est curieux que tu me poses ça comme question parce que je vais le rééditer en vinyle. J’ai déjà lancé la production, ça devrait sortir en novembre. C’est le premier que je fais en vinyle. Je l’ai réécouté pendant le processus et je me suis dit «mais criss que c’est trash!» Je suis vraiment content de cet album-là. Peut-être qu’à la sortie du vinyle je vais faire un petit lancement où je vais faire quelques chansons avec ma guitare acoustique.
Es-tu aussi cynique que tu le laisse croire ou ça fait aussi partie du personnage ?
Je sais pas, c’est franchement dur à dire où moi-même je me situe par rapport à ça. Ça doit dépendre des jours, comme tout le monde j’imagine. Souvent, tu te fais une idée générale et tu choisis ton camp, mais je n’ai pas des convictions à tout casser. Si je veux dire du mal de quelqu’un en chanson, je peux trouver ça rigolo de le faire.
Pépé collabore souvent. Est-ce qu’un jour on pourrait s’attendre à un album en duo ?
Y a rien de prévu pour le moment. Je viens de sortir un album, Pépé prépare le sien de son côté. Si jamais on fait quelque chose, ce sera plus de l’ordre du live, comme capter ce qu’on fait ensemble sur scène. On va remettre la tournée ensemble entre Noël et le Jour de l’An.
Tu prends souvent position dans ta musique. En rafale, qu’est-ce que tu penses de:
Les services de musique en ligne
Bizarrement je n’ai pas d’opinion très arrêtée là-dessus, mais si tu me demandes a priori ce que j’en pense, j’ai l’impression qu’on se fait fourrer, si tu regardes mes rapports de redevances. Ça a l’air le fun pour les utilisateurs, c’est comme un méga jukebox, mais ce que ça rapporte au final c’est vraiment pas vargeux.
La campagne électorale fédérale actuelle
J’en pense pas grand-chose, je suis déjà écœuré. Des fois j’me dis que je devrais faire une toune sur le NPD.
Le mariage de PKP à Québec
J’m’en calisse.
Le retour de Gilles Duceppe
C’est probablement mieux que Mario Beaulieu. Je souhaite bonne chance au Bloc parce que ça sera pas facile.
La nouvelle programmation de M+
Je sais pas, j’ai lu en diagonal. J’ai vu qu’il y avait une émission de lip-sync. Ça a l’air un peu misérable. Ça s’adresse pas à moi.
La gentrification d’Hochelaga
Ça reste encore dans des limites acceptables. Je trouve pas que c’est une mauvaise chose qu’on ait des petits bars branchés et des places où on sert autre chose que du café filtre, mais je trouve que c’est important que le quartier garde un équilibre et qu’il reste abordable pour les gens qui n’ont pas beaucoup de moyens.
Le nouvel album Mononc’ Serge 2015 est disponible en magasins et en ligne.
Surveillez le lancement en vinyle de Mon Voyage au Canada qui devrait paraitre quelque part à l’automne
Surveillez le site de Mononc’ pour l’attraper quelque part dans votre coin de pays.