Breaking News: Paris Tristesse n’est pas l’album sur lequel vous danserez votre prochain beach party. «On va maintenant entrer dans une dépression collective», a suggéré Pierre Lapointe avant d’entamer Tu es seul et tu resteras seul, dans une Maison symphonique bondée de Francofous et Francofolles. On était prêts à plonger dans le mal de vivre.
C’est un concert des plus poignants que Pierre Lapointe livrait jeudi et vendredi dans le cadre des Francofolies. Vue la thématique plutôt sinistre, Pierre Lapointe a profité des moments parlés pour faire rire ses disciples. «Cet album a été enregistré à Paris. Je veux juste vous flasher que je vais souvent à Paris», a lancé Lapointe en introduction.
Assise dans la Maison symphonique, je me sens un peu comme dans une église. Avec l’orgue mural qui longe les trois étages, j’évite de tousser ou de me moucher, même si j’ai des allergies. Cet endroit a un petit quelque chose de sacré. Seul au piano, Lapointe s’élance avec Les lignes de ma main, Nu devant moi, Quelques gouttes de sang et Au 27-100 rue des Partances. «Quand vous écoutez mes chansons, vous devez vous dire que j’ai beaucoup souffert de peines d’amour, mais rassurez-vous, quand on est célèbre, on n’est jamais célibataire longtemps… et on se fait jamais flusher. C’est nous qui décidons de partir. Je pensais que c’était de même pour tout le monde», explique dérisoirement Pierre Lapointe, avant de dire que si personne ne se fait jamais flusher, c’est suspect. Il y a anguille sous roche! Les chansons sont donc inspirées de ses amis «normaux», qui eux se font flusher. «Ça parle jamais de moi», dit-il pour rassurer son public.
Après S’il te plaît, pièce qui avait été écrite à l’origine pour Monia Chokri (chanson qui parle d’une actrice qui a toujours envie de se faire sauter, selon son auteur), Les vertiges d’en haut et De glace, Pierre Lapointe nous laisse à l’entracte en nous suggérant de consommer de l’alcool: «Vous allez être plus émotifs. ça va être plus facile pour moi. C’est comme quand tu veux ramener chez toi une jeune femme dans la vingtaine.»
Durant la seconde partie, je constate que, ce qu’il y a de plus beau avec ce concert, c’est que le petit côté sacré de la salle ne fait pas son effet que sur moi: un silence d’église plane dans l’espace. Personne chante trop fort dans mon oreille. Y’a pas de mongol (ce mot est utilisé de manière sympathique) qui filme le show avec son iPad, ni de fille hystérique qui hurle «marie-moi». La sonorisation est impeccable. La conception de cette salle a été faite par un génie et Pierre Lapointe meuble joliment le silence.
Au rappel, l’organiste Jean-Willy Kunz ajoute son grain de sel au mélange et Pierre Lapointe vit un grand vertige en se joignant à lui sur le balcon perché. La date l’heure le moment et La chanson de Bilbao de Kurt Weill sont chantées. De retour au sol, Félix Dyotte amène sa guitare pour Comme ils disent. Pierre Lapointe en profite pour dire au public d’acheter l’album de son ami Félix, sorti il y a un mois: «Au Tim Hortons et au McDo, vous mettez 20 $ sur de l’ostie de marde, achetez donc des disques et des billets de concert.»
Revenant pour un second rappel, Pierre Lapointe s’assoie au piano et les gens commencent à scander les titres des chansons qu’ils souhaiteraient entendre pour conclure. Le principal intéressé répond «Des demandes spéciales? Regardez-ma face. Je ressemble-tu à Gregory Charles, moi, tabarnak?»
Et la belle finale sur Deux par deux rassemblés. Beau dosage chansons tristes/humour bien ficelé.