Leurs gueules de bums se fondaient plutôt mal dans le décor «hippie plateauiste» de l’endroit, néanmoins, le groupe Mateluna a livré une excellente prestation samedi dernier à la friperie Les Folles Alliées.
J’arrive un peu trop d’avance devant le magasin, une troupe d’Hare Krishna nous encercle, le photographe et moi. Ils dansent et nous sourient paisiblement, on les trouve plutôt sympas, jusqu’au moment où l’on se rend compte que des enfants sont dans la troupe et qu’ils donnent eux aussi des pamphlets aux gens… c’est le temps de rentrer à l’intérieur!
On y sert du thé et du rosé. La friperie organise depuis quelques temps des soirées mêlant expositions artistiques et prestations musicales. Deux artistes exposent leurs œuvres, les gens se pilent sur les pieds, on se demande bien où le groupe pourra s’installer.
La boutique de vêtements et de bijoux est très petite: coincé dans le couloir du fond entre les robes et les chapeaux, le quatuor Mateluna, habituellement électrique, n’est qu’un trio acoustique. Jorge Mateluna, au chant et à la guitare, est accompagné du bassiste Francis Bissonnette et d’Étienne Mailloux à la guitare. Le groupe prévoit jouer une demi-heure, sans plus.
La bande de Mateluna trouve finalement un coin pour s’installer, le spectacle peut débuter. Après deux morceaux, je comprends que dans le royaume de Mateluna, le nihilisme et le sarcasme noir sont rois. Les paroles rappellent les écrits de Charles Bukowski ou Michel Houellebecq et le tout est trempé dans un humour glacé. C’est à coup de paroles allant de «Pas capable de tirer les enfants» à «J’suis capable de tirer les enfants» et en finissant par «Un bon verre de lave-glace» que le groupe nous chante le morceau Pas capable. Le très théâtral et barbu bassiste anime le reste de par sa gueule de psychopathe, l’ambiance est agréablement inconfortable, leur folk sale et punk est accrocheur.
Le groupe peut aussi être plus doux. Le morceau Amour bipolaire, présenté comme une «chanson à texte» d’un ton très ironique par le chanteur, reste malgré tout sérieuse, alors que Jorge chante: «Et pourtant j’aurais tout sacrifié pour elle, je l’aime, je la hais».
La troupe à Jorge peut dire mission accomplie, même les hippies ont apprécié.
Ce jeune groupe est là pour déranger, ça ne va pas plaire à tout le monde, et c’est tant mieux ainsi…le paysage musical québécois actuel est beaucoup trop propre et gentil, vivement la fin des recettes conventionnelles qui plaisent au grand public, un peu de saleté fera le plus grand bien du monde à la chanson québécoise.